Apprendre à être heureux, Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même, Ta vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une... Ces titres te parlent peut-être. Qu’ils garnissent déjà ta bibliothèque, comme une collection de mantras new age pour te remettre de ta rupture ou éviter ton burn out imminent, ou qu’au contraire, cette injonction au bonheur te débecte ou t’inquiète… Place au débat avec un auteur qui a déjà fait son choix : le Strasbourgeois Thierry Jobard. Invité par la Librairie Kléber, il viendra, vendredi, présenter en ligne son livre Contre le développement personnel. Une réflexion sur un phénomène littéraire qui a fait de nous les managers de nos propres vies. Oui, mais à quel prix ?
Le bonheur à tout prix ?
Qui de mieux placé qu’un libraire pour parler de livres ? Responsable du rayon Sciences humaines de la librairie Kléber où il travaille depuis plus de 20 ans, Thierry Jobard sort un livre coup de gueule : Contre le développement personnel. Un essai de presque 100 pages aux éditions Rue de l’Échiquier, dans une collection qui porte bien son nom : Les incisives. À contre-courant de la tendance actuelle, l’auteur – aux premières loges, depuis les rayons de sa librairie – coupe dans le vif, et compte bien déconstruire ce phénomène dont il voit les limites, tant sur le plan humain que sociétal.
Pour ce spécialiste de philosophie, de sociologie, et de psychologie, la réalité qui se cache derrière le thème du développement personnel est bien moins glorieuse qu’il n’y paraît. Invités à devenir de meilleures versions de nous-mêmes à travers des bouquins, des articles de magazines, des émissions de télé et autres séminaires et conf’, nous devenons responsables de notre propre épanouissement.
Comme s’il ne tenait qu’à nous de changer le cours de nos existences. Boulot, amour, santé, amitié, famille et tutti quanti : à chaque pan de notre existence, son bouquin, sa philosophie. Une injonction au bonheur qui se généralise, et se monétise. L’échec fait peur et fait vendre.
Quête de soi et règles du « je »
Depuis les années 90, les livres prônant l’accomplissement de soi, la réussite personnelle inondent les rayons des librairies et les tables de chevet d’un lectorat en quête d’identité. Malgré les belles idées et bonnes intentions, à trop prôner le « quand on veut, on peut », ce mouvement en viendrait presque à responsabiliser et culpabiliser ceux qui n’auraient pas encore réussi à s’accomplir.
Résultat : on voit naître, en filigrane, au sein de cette « société du bonheur », une idéologie politique, celle d’un management personnel, poussé à la fois dans le champ privé, comme professionnel. Le « je » prend le pas sur le « nous », l’individualisme sur le collectif. La performance permanente : chez soi jusqu’au travail… Pas de pause dans la quête de soi. Si « je » ne suis pas heureux, le problème viendrait-il donc de « moi » ? Ironiquement, pour lâcher-prise et « s’en foutre », on trouve des titres comme Foutez-vous la paix ! Et commencez à vivre, mais encore une fois : des injonctions.
Alors, sceptique assumé, curieux paumé, lecteur invétéré ? Y a donc plus qu’à trancher, et vendredi, se brancher pour écouter Thierry Jobard. C’est peut-être le début d’une nouvelle vie, qui sait. Vous pouvez être ce que vous voulez être, nous dirait même Paul Arden dans son best-seller. Si ça, c’est pas vendeur.
+ d’infos
Contre le développement personnel
Thierry Jobard en Live Facebook et YouTube
Quand ?
Vendredi 9 avril 2021
17h à 18h
Où ?
Sur Youtube et Facebook
[L’événement Facebook]
Librairie Kléber
Editions Rue de l’échiquier
Fanny Soriano
Une très bonne réflexion. Je n’ai rien contre le développement personnel, au contraire, je l’ai intégré dans mon mode de vie depuis plus de 20 ans, avec un certain recul. Une simple assistance, un peu comme un GPS, qui ne dispense pas le conducteur de maîtriser son véhicule et s’adapter à la route.
Aujourd’hui le coaching se monétise, a grands coups de publicité et de marketing digital. Certains prétendent même vous coacher car ils ont suivi tel ou tel parcours, qu’ils ont payé, et ont bien appris leur leçon. Mais ils n’ont rien vécu, appliquent-ils même ces préceptes à leur propre vie?
Tout ça est très positif pour notre société, mais attention aux dérives.
Le meilleur coach c’est la vie, la vraie, et il faut s’y confronter.