Erstein, ses maisons à colombages, ses rues étroites et ses fumées qui s’échappent de cheminées encore timides. C’est dans ce village alsacien au patrimoine exceptionnel, comme figé dans des temps anciens, que nous nous arrêtons aujourd’hui pour parler de savoir-faire, de passion, d’artisanat local et de belles matières. Poussons la porte d’un atelier magnifique et inondé de lumière où nous attend Pierre, le jeune papa de la maroquinerie “La Reverdie”.
Pierre est un jeune artisan de 35 ans, formé aux Beaux-Arts puis à la céramique. Un Strasbourgeois qui a toujours voulu s’inscrire dans la longue lignée des artisans locaux, ceux qui façonnent les objets de leurs propres mains pour créer des pièces uniques. À la suite de ses formations, il ouvre un atelier-boutique de céramique à Strasbourg. Mais un coup du sort l’éloigne de ce milieu : comme le boulanger qui est allergique à la farine, lui est allergique à la silice présente dans la terre. Pas de bol, c’est comme ça, il fallait se réinventer, renaître… se “reverdir”. C’est ce qu’il a fait. Un déménagement plus tard à Colmar avec sa compagne, avec dans ses bagages toute une palette de techniques acquise dans une maroquinerie alsacienne, il cherche un atelier pour y exercer son activité. C’est à Erstein qu’il tombe sur un atelier bercé chaque jour par la lumière. Une pépite, un vrai coup de cœur.
Un loyer bien moins cher qu’à Strasbourg, un calme à toute épreuve, un village alsacien plein de cachet, une proximité avec la Tannerie Degermann (l’un de ses fournisseurs), c’est l’endroit parfait. Il faut avouer qu’il a de la gueule cet atelier, un espace conçu à l’origine pour des artistes-peintres. Pierre et son poêle à bois emménagent sur place en octobre 2019 : ça y est la maroquinerie La Reverdie était née.
“La Reverdie”, un nom, une métaphore et tout un symbole
Reverdie signifie “le printemps”, ce qui redevient vert. C’est un terme qui exprime métaphoriquement le renouveau, celui de Pierre et de sa carrière, mais pas seulement. Il signifie également le renouveau d’une expertise et d’un artisanat local dont les plus belles pages ne sont pas encore écrites : “C’est un mot très symbolique pour moi. En débutant cette activité, ici dans cet atelier, j’espère participer à ce courant de renouvellement de ces pratiques artisanales alsaciennes. Des pratiques et un savoir-faire manuel qui renouent avec un public plus jeune et plus sensible aux beaux objets et à leur histoire. Dans ce renouveau, je cherche aussi à célébrer le renouveau des belles matières premières utilisées par l’artisan, car elles ont été oubliées avec le temps. Aujourd’hui, qui peut différencier un beau sac d’un mauvais sac en cuir ? On a oublié ce qu’est une belle matière. Ce nom signifie donc un engagement assez fort pour moi, et très symbolique : le renouveau d’un artisanat, de belles matières premières, et renouveau personnel.“
Une ascension fulgurante pour un artisan qui en veut !
Pierre pensait tout d’abord travailler pour des boutiques. Il souhaitait créer des pièces pour des maisons déjà en place qui vendraient ses ceintures, ses portes monnaies et toute sa gamme de produits. Mais le Covid a accéléré les choses : il a alors fallu s’adapter à de nouvelles formes de vente. Il a donc créé son site marchand, il y a tout juste deux mois en octobre 2020 et depuis, c’est un véritable succès !
Désormais, bien encouragé par une proximité avec ses clients (ambiance village oblige), Pierre crée des porte-monnaie, des porte-cartes, des vide-poches, des tapis de souris, des ceintures, et des trousses. Bientôt, des sacs entièrement fait-main sortiront également de son atelier. Pierre aime par-dessus tout son travail. Alors il crée, il invente et il réinvente. C’est aussi l’une des raisons qui l’ont amené à décliner chaque produit en format sur-mesure. Si vous voulez une mallette, une ceinture, ou un porte-monnaie sur-mesure, dans un cuir rouge, bleu, vert (20 coloris disponibles), avec un mot ou des initiales gravées et des matières 100% françaises, Pierre s’installera près du feu, laissera tourner un léger voile de musique derrière lui, et vous créera votre propre objet personnalisé. Des pièces uniques, haut de gamme, avec des matières au toucher exceptionnel. Son but : “trouver la meilleure base, les meilleurs produits, les meilleurs outils pour proposer à mes clients un produit du haut de gamme, unique et entièrement fait à Erstein.”
Un autre regard sur le métier de maroquinier
Avant de façonner l’objet de notre convoitise, Pierre a passé énormément de temps pour trouver les fournisseurs et surtout le matériel qu’il utilise, de la mécanique qui date du siècle dernier : une ponceuse, deux machines à coudre, une machine pour polir, une presse, une refendeuse pour désépaissir le cuir, une pareuse, une presse pneumatique, une presse à chaud pour les initiales, une machine pour couper les ceintures, une cabine à encollage et une bonne centaine d’outils du plus moderne au plus ancien. C’est aussi grâce à toutes ces machines incroyables, et surtout grâce à son savoir-faire, que Pierre créé ces pièces uniques. Des outils et des techniques d’artisan qui font vivre des matières et ressortir une certaine sensualité :
“Il y a un rapport important avec la notion de toucher dans mes objets. Pour moi, dans l’artisanat, il est essentiel. Quand on touche une matière il y a une sensualité, un petit côté rassurant, c’est d’ailleurs d’autant plus dur de vendre ce type de produits sur internet. Il manque le rapport charnel. C’est d’ailleurs pour ça que j’aime fabriquer et façonner des objets quasi-uniques, il y a la trace de la main sur les objets et je ressens une forme de vibration quand je les touche, en tout cas c’est l’émotion que je recherche, un objet sensible qui s’émancipe des machines”.
Vous l’avez compris, Pierre aime les objets qu’il façonne, ils donnent du sens à son métier d’artisan d’art car ils sont à la fois utilitaires et esthétiques. “Ce sont des pièces uniques, portées et utilisées tous les jours, et lorsque je les créé, je me dois de penser à cela. L’objet doit être pratique, joli, son toucher doit être nickel et il doit durer dans le temps. L’idée de savoir que les gens portent un objet que j’ai fait de mes mains, et ce tous les jours, me rend extrêmement fier, et c’est pour cela que je fais ce métier.”.
© Bastien Pietronave / Pokaa
Aussi, à l’arrivée de Noël et après un “Black Friday” tentaculaire qui fait les poches aux artisans pour renflouer les caisses d’Amazon, Pierre avait un message à faire passer. “Les ceintures, les portefeuilles, les sacs, tout le monde en a, et chacun les porte en permanence, ils sont indispensables. Aujourd’hui, on fait vachement attention à ce que l’on mange, à comment on s’habille, à la provenance de tel ou tel produit, pourquoi ne pas le faire aussi avec la maroquinerie ? Pourquoi ne pas se tourner vers une maroquinerie qui se trouve à deux pas de chez soi, vers des objets travaillés par un artisan du coin, qui utilise des matières premières irréprochables ? Ce que j’ai envie de faire, c’est de rebattre les cartes de la consommation d’objets du quotidien. Au lieu de se dire : mon portefeuille est cassé, j’achète n’importe quoi n’importe où, pourquoi ne pas prendre du temps et réfléchir à ce que l’on achète et soutenir l’artisan du coin ?”.
Pendant un court instant, nous avons plongé ensemble dans l’univers suspendu de Pierre et de ses objets. Nous avons eu la chance de partir à la rencontre d’un véritable passionné de belles matières, de techniques artisanales et de savoir-faire. Un savoir-faire local, multiple, qu’il compte bien remettre sur le devant de la scène alsacienne grâce à un doigté sensible et une vision nouvelle de la maroquinerie d’art. Car avec de tels artisans, qui offrent un nouveau souffle à leur métier, la maroquinerie d’hier a plus que jamais un pied dans le monde d’aujourd’hui.
“La Reverdie”
Atelier de maroquinerie
22b rue de l’Hôpital
67150 Erstein
Visite sur Rendez-vous du lundi au vendredi de 9h à 18h
06 03 28 32 76
[email protected]
Le site marchand
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Heureuse que ce type de commerce existe dans notre ville. A bientôt. Mme SCHMITT