Touriste d’un jour ou de toujours des rues strasbourgeoises, peut-être as-tu, au cours d’une balade, remarqué qu’ici Les Murs ont des oreilles. Une petite particularité de papier collé qui vient agrémenter, avec facétie, les façades de notre cité. Derrière ce clin d’œil à la langue française : une colleuse de jeux de mots originaire d’ici. Confidences sur l’oreille – plutôt que l’oreiller – avec la jeune street artist qui se cache derrière ce blaze.
D’oreille à oreille
Dans le milieu du street art, les artistes restent généralement assez mystérieux. Mais Les Murs ont des oreilles ; et parfois ils livrent quelques secrets… Ce que l’on peut dévoiler ? Que derrière ces petites oreilles collées, on retrouve une jeune femme, Parisienne aujourd’hui, et Strasbourgeoise, hier.
C’est aux alentours de 15 ou 16 ans, que cette grande curieuse qui a « toujours aimé [se] balader dans la rue en regardant un peu partout » commence « à coller et dessiner sur les murs ». Bien avant l’oreille, elle s’essaye au genre avec « une série de visages très colorés et un peu creepy » qui se faisaient « arracher très (très) vite ! ».
Puis, une entrée à khâgne et un rythme plus effréné l’empêchent de « poursuivre ses activités créatives » comme elle le souhaite. « J’ai donc dû trouver un moyen d’en maintenir au moins une, question d’équilibre personnel ! Le collage était le médium le plus évident pour répondre à tous ces critères, alors j’ai commencé à coller de façon «industrielle» avec les oreilles », m’écrit-elle.
Restant à l’époque à la BNU jusqu’à sa fermeture, elle enchaînait ensuite sur des sessions en solo, musique dans les oreilles, pour « [se] vider la tête ». Pour la petite anecdote, sa première fut collée sur un cendrier de la bibliothèque, fin 2019.
Depuis, sa pratique a évolué, et les oreilles se sont implantées sur des murs d’autres villes : Paris où elle s’est installée, Rennes, Lille, Metz, Orléans… « Et la liste va s’agrandir dès que possible ! ».
Au pied de la lettre
Deuxième évolution notable de son style : l’apparition de visuels en sus de ses petites oreilles. Bien qu’elles restent « [sa] marque de fabrique, mais […] aussi [sa] signature », elles se trouvent désormais accompagnées de face-à-face de visages et… d’illustrations d’expressions françaises. L’artiste, qui s’attache désormais à « coller plus gros et mieux placé » explique d’ailleurs que « ce dernier projet [lui] tient particulièrement à cœur ».
C’est donc en très grand et très coloré que dans plusieurs villes de France s’affichent désormais les expressions vues et revues par ses soins. « Prendre son pied », « le pote aux roses », « tomber des nus », « être un ass* » (*cul en anglais), « les prudes hommes »… Le langage est fleuri, imagé, mais c’est tout en finesse que des Grecs dénudés et autres jeunes filles édentées se tapent l’affiche dans nos rues.
Les Murs ont des oreilles, « dyslexique et dysorthographique », pour qui « l’apprentissage du français a été un véritable combat » avoue trouver un certain plaisir à s’amuser de la langue française qui ne manque pas d’humour. Elle rajoute : « Travailler avec des expressions françaises imagées, sur les nuances entre leur prononciation, leur orthographe et leur sens, me permet de jouer avec ce qui a longtemps été une source de honte. »
Ce projet, nommé « Au pied de la lettre », est également, pour elle, un clin d’œil à sa pratique littérale de l’art urbain : « Mes montages sont faits à partir d’œuvres classiques (de l’Antiquité, de la Renaissance, de la peinture du XIXème), c’est-à-dire ce que l’on s’imagine spontanément quand on parle d’art. En collant des morceaux d’art dans la rue, je prends le street art au pied de la lettre ».
Le bouche à oreille
Pour la suite, la street artist a beaucoup d’idées, ce qui la « motive dans ces malheureux moments d’inactivité ». Elle a d’ailleurs pour projet de « mettre en place un jeu de piste / concours à Strasbourg au printemps », en espérant que cela sera « possible d’ici-là ».
Pour le reste, elle garde le mystère : « Je ne vais pas trop en parler pour le moment, vous le découvrirez assez vite sur vos murs ! ». Et comme une invitation, elle glisse que « les plus belles photos sont toujours celles de [ses] abonnés » et qu’il ne faut pas hésiter à les lui envoyer via son Instagram si l’on croise un de ses collages à Strasbourg.
Ne serait-ce pas une bonne excuse pour faire une sortie dans son périmètre autorisé, que de laisser son regard s’égarer le long des murs, à traquer les oreilles qui s’y cachent ? Ou encore de lever le nez de son guidon entre deux courses et se laisser surprendre au coin d’une rue ?
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Bravo RBK,
La prochaine fois que je verrai une oreille sur le mur, je murmurerai ton nom .