Pendant le confinement, au sein du groupe Tousse Ensemble, s’est déployée une véritable créativité, parce qu’on avait simplement envie de partager ce qui nous faisait vibrer, pour mieux vivre ensemble une situation inédite. Quelques musiciens locaux se sont découverts à nos oreilles et, maintenant que la vie reprend peu à peu, mais toujours dans le respect des gestes barrières, on est allé à leur rencontre, pour qu’ils ne soient plus seulement un visage, un piano, une guitare ou une voix derrière un écran, mais pour que vous connaissiez un peu mieux celles et ceux qui pourraient faire la scène locale strasbourgeoise de demain. Troisième, et dernier, à l’appel : Sefkan, un chanteur et guitariste strasbourgeois qui a énormément d’énergie à revendre !
Pour relire le portrait de Léa, c’est ici. Pour relire celui de Bary, c’est là.
Un homme pressé
L’apprentissage de la musique de Sefkan s’est fait par plusieurs étapes. Avec toujours un point cardinal : l’envie de tester de nouvelles choses et de ne jamais se lasser. « J’ai commencé la musique vers 10/11 ans avec de la musique kurde. Je jouais du saz– une sorte de luth à manche long, ndlr. Sauf que ça a vite fini par me lasser, je baignais dans ce milieu depuis mon enfance et en grandissant j’ai voulu découvrir autre chose. »
Baignant dans la musique kurde depuis longtemps au sein de son milieu familial, il découvre d’autres musiques et d’autres envies lorsqu’il rentre en école d’ingénieurs. Et comme c’est parfois le cas, il a commencé à essayer des choses nouvelles pour une fille :« J’ai commencé à découvrir autre chose en école d’ingé, avec une fille, la première sur laquelle j’ai vraiment flashé et je me suis mis à la guitare et au chant, tout d’abord en chorale puis en solo. » Comme beaucoup, Sefkan s’est d’abord mis à des chansons dites « de dragueurs » mais ça l’a vite lassé aussi. Et cet hyperactif a fini par tout tester : « Je me suis mis à la basse, la batterie, l’harmonica, piano et ukulélé. Mes goûts musicaux ont changé du coup, et je m’y suis mis au rock, puis au métal, donc beaucoup moins dragueur (rires). Maintenant je suis chanteur dans un groupe – Dazzling Bravery, groupe de heavy-power metal, ndlr – et bassiste dans un autre – Umuda Haykiris, groupe kurde, ndlr. Et je suis aussi chanteur de rue. » Des groupes avec qui il a bien voyagé, en passant notamment par l’Allemagne et l’Autriche.
La musique, différentes sensations toujours uniques au monde
Si Sefkan aurait pu être l’incarnation de l’homme pressé de Noir Désir, la musique lui a permis d’affirmer un autre côté de sa personnalité, farouchement indépendant : « J’ai commencé la musique parce que tu es dépendant que de toi-même. C’est l’idée d’un défi, si ça marche c’est grâce à toi, si ça marche pas c’est à cause de toi. Quand je chante je suis dans mon monde, je me soucie pas de ce qu’il y a autour, c’est juste unique cette sensation. » De manière plus générale, il est aussi très solitaire et la musique lui permet de s’affirmer au jour le jour : « Ça a eu un impact plus général, je suis quelqu’un finalement d’assez renfermé, qui n’a pas beaucoup confiance en moi et la musique me permet d’avoir confiance en moi, tout simplement. »
Néanmoins, Sefkan ne le cache pas, avant de monter sur scène, il ne fait pas son malin : « J’ai un peu envie de me pisser dessus à chaque fois (rires). Mais c’est une sensation de stress positive, qui me procure une énergie de dingue. Une fois que tu es dedans, une fois que tu chantes, ce stress s’en va et c’est une sensation indescriptible. Que je sois seul ou en groupe. »
Maintenant qu’il est également dans un groupe, il ne dépend plus que de lui-même tout le temps. Une sensation différente à celle à laquelle il était habitué, mais tout aussi enrichissante : « Je me suis habitué à la musique en groupe, c’est une autre sensation, tu dépends des autres, ils dépendent aussi de toi, c’est une sensation tellement enrichissante, t’es dans ton monde, mais tu dois t’adapter aux autres, au public… La musique c’est un monde à part et c’est là-dedans que je retrouve mes sensations de bien-être. »
Un musicien de rue
Suivant toujours ses envies de se lancer constamment des défis, Sefkan est aussi musicien de rue. Une autre manière de faire de la musique, mais également de gérer la pression de la scène : « La chose qui me plaît le plus c’est que t’as aucune pression dans la rue. Les gens sont pas là pour t’écouter, ils le font si ça leur plaît et si c’est pas le cas ils te passent devant. Cette sensation de pas savoir ce qui va se passer, cet inconnu c’est trop cool. Bon au début, je te l’avoue, je savais pas ce qui allait se passer et je faisais pas trop mon malin. »
Une pratique qui n’est pas trop répandue à Strasbourg selon ses propres mots. Mais pour celles et ceux qui sont intéressés, Sefkan a deux/trois conseils : « À la base y a une asso d’artistes de rue à Strasbourg, tu peux t’inscrire pour jouer dans des créneaux précis dans des lieux précis, mais bon, à Strasbourg tu peux te passer de ça. Personne n’est jamais venu m’embêter parce que je faisais de la musique sans autorisation, ce qui est pas le cas à Colmar où il faut une autorisation payante. »
Finalement, ce qui motive Sefkan, c’est le fait de se retrouver directement au contact des gens, dans toute leur humanité, leurs surprises et leurs réactions. « Les gens peuvent tellement être surprenants dans la rue, une fois j’ai eu un billet de 100 euros dans mon chapeau. Y a des gens qui dansent devant moi, des enterrements de vie de jeune fille qui m’ont demandé de jouer telle ou telle musique, des gosses qui sont émerveillés et les parents qui sont attendris. Les réactions de gens, c’est ça que j’adore. »
Une variété de musiques impressionnante
Tout comme dans la vie Sefkan aime donc se lancer des défis. Et cela se retrouve dans ses choix musicaux. Bien entendu, il préfère le métal, et particulièrement le heavy power metal avec son groupe Dazzling Bravery – pour ceux qui ne savent pas ce que c’est, un bon exemple de groupe de ce style est Iron Maiden, ndlr. Néanmoins, lorsqu’il est en solo, il ne faut s’attendre qu’à une seule chose : être surpris. « Dans les bars, j’aime bien reprendre des chansons auxquelles les gens ne s’attendent pas. Ce sur quoi je me base, c’est pas ma voix ni mon jeu, c’est sur l’effet de surprise, sur l’inattendu et surtout mon énergie. » Une énergie que vous avez tous pu découvrir sur le groupe Tousse Ensemble durant le confinement.
Au sein d’un concert, comme récemment à la Peau d’Vache ou au Nelson, on passe du hip-hop au métal, en réalisant des petits détours par de la pop sirupeuse et de la variété française. Un vrai mélange des genres avec néanmoins quelques préférences : « Lose Yourself d’Eminem, j’adore, tout comme Drink d’Alestorm. Sinon, j’aime aussi reprendre les Dropkick Murphys, c’est vraiment cool, ou encore les Dire Straits et Pink Floyd. »
Et s’il met toute son énergie dans ses reprises, il ne lui est pas encore vraiment venu à l’idée de composer ses propres chansons. Même si le fait d’être dans un groupe le pousse doucement vers cette direction : « J’y pensais pas plus que ça, mais depuis que je suis dans le groupe ça me pousse à composer par moi-même. Là on travaille une chanson que j’ai principalement composée et écrite. Mais quand j’ai intégré le groupe, les chansons étaient déjà prêtes et j’ai dû réadapter à ma sauce des paroles, pour rendre ça plus « chantable ». Personnellement j’ai pas encore essayé, je sais pas, je pourrai peut-être le faire. Je suis plus concentré par le groupe pour le moment mais pourquoi pas à l’occase. » Au vu du personnage, on a hâte de voir ce qu’il a en réserve.
Une devise : la découverte constante
Avec deux groupes, une carrière solo à chanter dans les bars et le fait de jouer dans la rue, la musique prend énormément de temps déjà dans la vie de Sefkan : « En terme de temps, j’essaie vraiment d’en faire tous les jours, parce que c’est avant tout un réel plaisir. C’est au moins 20 minutes par jour, mais ça peut être beaucoup plus. Et surtout à toute heure de la journée. »
Ce qui ne l’empêche pas d’avoir énormément d’autres centres d’intérêt à côté : « J’essaie de faire que ma vie soit comme ma passion pour la musique : une découverte constante. En musique j’écoute et je joue des styles et des chansons tellement variés et différents. Pour le reste de ma vie, c’est pareil : je touche à plein de trucs. Je pratique la danse rock depuis 2 ans. En ce moment, quand je peux, je fais du volley ou beach-volley. Je m’intéresse aussi énormément à l’histoire du cinéma. Et enfin je prends part à des actions politiques qui me tiennent à cœur, comme la Défense de la cause kurde en Turquie. » Finalement ça ressemble bien au personnage : hyperactif, toujours prêt pour de nouveaux défis et curieux de tout.
Un objectif ? Juste s’amuser
Pour l’année qui arrive, Sefkan a quelques objectifs de prévus, que ce soit en solo ou en groupe. Notamment de jouer un jour dans un lieu bien connu des Strasbourgeoises et des Strasbourgeois : « J’ai déjà joué à pas mal d’endroits dans des bars à Strasbourg ou dans la rue. Mais la cathédrale ce serait un kiff total, avec la réverbération sonore. Sinon, La Laiterie avec mon groupe ce serait génial. »
Et justement, alors que la période de la Covid-19 a bien bouleversé les plans de son groupe, Sefkan ne baisse pas les bras et regarde l’avenir avec ambition : « En pleine période Covid, beaucoup de nos concerts ont été annulés. Là on travaille sur nos compos et on aimerait sortir un album dans l’année à venir. Ce serait génial qu’on y arrive. On a déjà trois chansons en attente en studio. » Enfin, en solo, il ne se prend pas la tête. Avec un but précis : faire tous les concerts qu’il peut : « Niveau perso juste m’amuser. Tout ce que je peux faire comme concerts en solo je le ferai, en France comme en Allemagne, où ils sont plus réceptifs qu’ici d’ailleurs. J’ai pas de projets à long terme, je fais ça pour m’amuser, m’éclater et prendre mon pied. » On ne va pas se mentir, on le prend avec lui.
Pour suivre Sefkan, vous pouvez suivre la page Facebook de Dazzling Bravery.