Covid oblige, les touristes se font moins nombreux cette année à Strasbourg. Mais qui sont ceux qui ont posé leurs valises dans la capitale européenne cet été et pourquoi ont-ils choisi cette destination ? Nous leur avons posé la question.
Place de la Cathédrale, il y a des choses qui ne changent pas. Comme la difficulté à traverser le parvis à vélo de manière confortable, à cause des dalles et des pavés, où celle de garder son chapeau vissé sur la tête les jours où le vent du diable est particulièrement puissant. Mais il y a aussi des choses qui peuvent étonner les Strasbourgeois les plus avisés, comme la file des visiteurs attendant de pouvoir rentrer dans l’édifice. L’été, il n’est pas rare qu’elle s’étire sur une bonne partie de la place tant la cathédrale est souvent victime de son succès. Cette année pourtant, il y a moins de monde à s’arrêter devant les trois portails de style gothique pour en scruter les détails.
« Ce n’est pas une zone à haut risque »
Parmi les quelques badauds absorbés dans la contemplation de la façade, ce mardi en fin d’après-midi, Mickaël et Céline, originaires de Sarrebruck en Allemagne. « On a décidé de partir hier, de façon assez spontanée, explique Mickaël. Strasbourg est à seulement 1h30 de voyage et nous n’étions jamais venus. » Le couple a prévu de rester une journée et de visiter la cathédrale ainsi que le quartier de la Petite France. C’est leur première visite au sein de la capitale européenne. L’Alsace a beau avoir été une région très touchée au début de l’épidémie en France, Mickaël et Céline n’ont pas eu le sentiment de prendre un risque en venant passer du temps sur les bords de l’Ill. « C’est la même chose ici qu’en Allemagne. Strasbourg n’est pas indiqué comme une zone à risque par les autorités. C’est surtout en région parisienne si j’ai bien compris. »
Non loin de là, Joerg observe le tympan de droite avec son fils Philipp. Ce père de famille est venu de Stuttgart en camping-car pour trois jours d’escale. Au programme, visite de la vieille ville, découverte de nouveaux restaurants, et circuits permettant d’en apprendre plus sur l’histoire de Strasbourg. C’est la cinquième fois qu’il vient, et il ne peut s’empêcher de noter que la place de la cathédrale est « moins bondée que d’habitude ». Lui aussi a consulté les recommandations des autorités allemandes avant de venir, rassuré. « Comme ce n’est pas une zone à haut risque, il n’y a pas de quarantaine à observer en revenant en Allemagne » explique t-il. Un élément qui a joué dans la balance au moment de choisir sa destination.
À la sortie de la cathédrale, on trouve aussi des touristes français. Caroline est revenue avec sa fille à Strasbourg pour deux jours, après y avoir passé un long week-end avec son mari autour du 15 août. Ce qui l’a attirée à Strasbourg ? « L’architecture historique : les maisons à colombages et les canaux ». « Je fais redécouvrir à ma fille ce que j’ai visité en août », sourit-elle. À savoir la cathédrale bien sûr, mais aussi le Palais Rohan et le Musée d’art moderne. L’épidémie a eu peu d’incidence sur son choix de destination, mais l’a amenée à privilégier des promenades en extérieur. « Ici, beaucoup de gens portent le masque dans la rue. C’est moins le cas chez nous dans les Haut-de-France. “
Cet été, un « tourisme de proximité »
À l’ombre de la flèche gothique, ce sont surtout des touristes européens et français qui discutent, dégustent une glace, ou lèvent la tête pour scruter les bas-reliefs, ce mardi après-midi de fin août. Comme cela a été le cas tout du mois. L’Office de tourisme de Strasbourg et sa région a lancé une enquête auprès de ses visiteurs du 15 au 31 août : il en ressort que 60% des visiteurs venus demander des renseignements venaient de France, 22% d’Allemagne, et les autres, originaires des Pays-Bas, d’Espagne, de Belgique, d’Italie, du Royaume-Uni, de Suisse, du Portugal ou encore du Luxembourg. « La saison estivale 2020 est celle du tourisme de proximité », juge Jean-Jacques Gsell, président de l’Office de tourisme de Strasbourg et sa région, qui relève que les habitants du Grand Est étaient particulièrement bien représentés dans la part de visiteurs français. Le public des visites guidées de l’Office de tourisme était composé à plus de 40% d’Alsaciens cet été par ailleurs
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Cette année, le secteur du tourisme a été particulièrement touché par la crise du Covid. La mer, la montagne et la campagne ont été les destinations plébiscitées au niveau national, contrairement au tourisme urbain, à la peine. Ce dernier souffre de l’absence d’événements culturels majeurs, comme les festivals ou les expositions à portée internationale. Il pâtit également des difficultés du tourisme d’affaires. Difficultés supplémentaires : les grandes villes françaises ont redoublé d’efforts en matière de communication, à coup de campagnes publicitaires notamment, pour attirer les visiteurs. « On était plus nombreux à vouloir se partager un gâteau plus petit, explique Patrice Geny, directeur de l’Office de tourisme de Strasbourg. C’est une réalité qu’il faut prendre en compte.”
Moins de visiteurs à Strasbourg donc, et moins de seniors notamment. Les données de l’Office de tourisme font état d’une chute très importante de -96% de visite en groupe en juillet, et -92% en août. Les autocaristes et croisiéristes ont tout simplement stoppé leur activité cet été en raison notamment de règles trop contraignantes concernant la situation sanitaires. Cette baisse a eu un impact important sur certains établissements strasbourgeois, mais aussi sur l’activité des guides conférenciers.
Conséquences de cette situation : moins de visites pour les lieux touristiques emblématiques de la capitale européenne. Le nombre de visiteurs de la cathédrale a été divisé par deux par rapport à l’année dernière (qui était une très bonne année, avec un nombre de visiteurs en hausse par rapport à l’année précédente cependant). Le Parlement européen a enregistré un recul de fréquentation de 60% par rapport à 2019, les musées de la ville : une baisse de 56%. « Il est à noté que la fermeture du Musée zoologique pour travaux explique une partie de cette baisse », tempère cependant le président de l’Office de tourisme.
Les professionnels du tourisme regardent désormais du côté de la fin de la saison estivale et de la période de Noël pour terminer l’année avec le moins de difficultés possibles. Avec l’espoir que le marché de Noël ait bel et bien lieu, et attire des touristes d’un peu partout dans le monde. « Rappelons que le secteur du tourisme représente 8% du PIB au niveau national, souligne Jean-Jacques Gsell. Et une part plus importante en Alsace, où cette part est de 10%. Ce qui représente 35 000 emplois. »
Victoire PIROT