Qu’est-ce qu’un virus ? Comment fonctionne le virus qui cause la maladie Covid-19 ? Quelles sont les cellules qu’il infecte et quel est son impact sur celles-ci ? Quels sont les plus gros risques en terme de santé publique ? Cet article a pour but de clarifier au maximum l’état actuel des connaissances au sujet du SARS-CoV2, source de la pandémie déclarée le 12 mars 2020 par l’OMS.
Ce n’est pas le coronavirus mais un coronavirus qui fait la une d’à peu près tous les journaux du monde depuis 2 mois. Les coronavirus désignent une famille de virus, caractérisés par leur forme. Ceux-ci possèdent sur leur membrane la protéine S, en forme de spicule, qui donne l’impression d’une couronne autour du virus, d’où l’appellation coronavirus, du latin, “virus à couronne.” Le SARS-CoV2, coronavirus qui cause la maladie Covid-19, est le septième coronavirus identifié qui infecte les organismes humains.
Quatre d’entre eux induisent un rhume lors d’une infection. Les trois autres induisent potentiellement des difficultés respiratoires. Le SARS-CoV est à l’origine d’une épidémie en Asie en 2003, qui aurait tué 774 personnes. Le MERS-CoV, découvert en Arabie Saoudite en septembre 2012, aurait tué 107 personnes dans ce pays. Enfin, le plus célèbre d’entre eux est le SARS-CoV2, découvert et décrit en janvier 2020 suite aux premiers cas détectés dans la ville de Wuhan en Chine. Le 12 mars 2020, l’OMS a qualifié l’épidémie causée par ce virus de “pandémie” (épidémie qui atteint un grand nombre de personnes, dans une zone géographique très étendue).
Une cellule infectée par le SARS-CoV2 produit des millions de particules virales
Contrairement aux bactéries, qui possèdent tout l’attirail moléculaire pour se multiplier seules, sous réserve d’avoir des nutriments, les virus sont des complexes de molécules dépendants d’une cellule hôte pour se reproduire. Ils sont donc obligés de parasiter d’autres organismes pour se multiplier. Les différents virus se spécialisent le plus souvent sur un type de cellule et ont une stratégie moléculaire et de propagation spécifique. Certains se développent dans des cellules de plantes, d’autres dans des bactéries, (qui sont des organismes composés d’une seule cellule), d’autres dans des cellules d’animaux, bref il en existe énormément de variétés. Ils mutent beaucoup, ce qui induit de potentielles évolutions dans leurs procédés et dans les organismes qu’ils sont capables d’infecter.
Pour ce qui est des virus qui infectent les humains, on en recense environ 130 qui sont impliqués dans des maladies. Ceux-ci ont différentes stratégies selon le type de cellule qu’ils visent dans notre corps. Par exemple le SARS-CoV2, coronavirus responsable de la pandémie, s’est adapté aux cellules qui possèdent sur leur membrane la protéine ACE2. L’extrémité des protéines de sa couronne s’accroche sur les protéines ACE2, s’ensuit une fusion des membranes du virus et de la cellule. Il pénètre alors dans la cellule, et utilise ses mécanismes cellulaires pour se multiplier. Il l’oblige à produire tous les éléments pour constituer de nouvelles particules virales. Ainsi, une cellule peut libérer des millions de copies d’un virus, et elle finit par se décomposer.
Le virus tue des cellules du système respiratoire
Le SARS-CoV2 peut réaliser ce mécanisme sur toutes les cellules dont la protéine ACE2 est présente sur la membrane, car c’est la condition pour que celui-ci puisse pénétrer à l’intérieur. Cette protéine est présente sur les cellules du système respiratoire, du système digestif, du foie ou encore du système nerveux central. Dans la plupart des cas répertoriés de la maladie Covid-19, on observe de la fièvre et une toux. La fièvre est une réaction normale du corps pour lutter contre un agent infectieux.
La toux est un réflexe de défense face à une irritation de la trachée et des bronches. Le virus se transmet principalement par voie orale via des gouttelettes de toux, ou des postillons. Des cas de transmission avant que des symptômes apparaissent ont été identifiés. C’est ça, et la grande affinité avec les cellules humaines via l’interaction avec la protéine ACE2, qui font du SARS-CoV2 un virus très contagieux. Il atteint rapidement des cellules du système respiratoire et se multiplie grâce à elles. Il tue donc un certain nombre de ces cellules. Dans la majorité des cas, le système immunitaire arrive à bout du virus et les personnes contaminées guérissent.
Une forte propagation du virus dans les cellules respiratoires peut conduire à des complications sévères
D’après le Dr Michael J. Ryan, directeur du programme d’urgence de l’OMS, 20% des cas sont sévères et 2% sont mortels. Ces chiffres sont des estimations qui changent au fur et à mesure que les connaissances évoluent. Il se peut aussi qu’un grand nombre de cas ne soient pas pris en compte dans ces statistiques. De nombreuses personnes ont des infections “asymptomatique” ou “paucisymptomatique” (avec pas ou peu de symptômes) et ne sont pas examinées. Les cas sévères et mortels sont associés à des difficultés respiratoires aiguës. La mort cellulaire et l’irritation dans les poumons, notamment au niveau des bronches, est alors très importante. Cela peut conduire à de graves complications.
Le premier humain atteint de la maladie Covid-19 aurait été contaminé par un animal au niveau d’un marché dans la ville de Wuhan, en Chine. Un virus similaire au SARS-CoV2 infecte des chauves-souris, mais les pistes les plus crédibles évoquent l’hypothèse d’un intermédiaire entre la chauve-souris et l’humain qui serait le pangolin. Les scientifiques envisagent cette espèce car certaines de ses cellules synthétisent une protéine ACE2 très identique à celle présente chez les humains. Le virus qui contaminait la chauve-souris aurait muté pour être capable de contaminer les pangolins, et aurait donc pu directement contaminer l’être humain. Bien que ces pratiques soient illégales, le pangolin est tué pour être mangé ou utilisé dans certaines pratiques de médecine traditionnelle. Il est fort probable que des pangolins étaient présents au marché de Wuhan.
“En Italie, les plus faibles sont sacrifiés faute de respirateurs artificiels.”
Lors de toute infection par un agent pathogène, le corps met en place une réponse immunitaire pour le combattre. Comme dit plus tôt dans l’article, dans la majeure partie des cas, le corps humain arrive à bout de ce virus. Cependant, environ 20% des personnes contaminées nécessitent des soins. Cela pourrait à terme représenter des centaines de milliers voir des millions de personnes dans un pays comme la France. Une saturation sévère des hôpitaux pourrait en déboucher, avec des conséquences graves comme l’expliquent une trentaine de journalistes français correspondants en Italie dans une tribune :
“Nous avons pu constater la progression fulgurante de la maladie et avons recueilli les témoignages du personnel de santé italien. Beaucoup nous font part de la situation tragique dans les hôpitaux, les services de thérapie intensive saturés, le triage des patients, ceux – les plus faibles – que l’on sacrifie faute de respirateurs artificiels suffisants. Par conséquent, nous considérons qu’il est de notre responsabilité d’adresser un message aux autorités publiques françaises et européennes pour qu’elles prennent enfin la mesure du danger. Tous, nous observons en effet un décalage spectaculaire entre la situation à laquelle nous assistons quotidiennement dans la péninsule et le manque de préparation de l’opinion publique française à un scénario, admis par l’énorme majorité des experts scientifiques, de propagation importante, si ce n’est massive, du coronavirus.”
Une situation tendue dans les hôpitaux strasbourgeois
Même à Strasbourg, les hôpitaux sont déjà en difficulté. Des opérations sont annulées pour ne garder que les plus graves. Jean-Philippe Mazzucotelli, chirurgien cardiaque et chef de service aux hôpitaux universitaires de Strasbourg, a confié à Rue89 Strasbourg que “ce qu’il faut craindre c’est qu’on ne soit pas en mesure de soigner tous les patients graves qui arriveraient en urgence, que ce soient les patients Covid-19 ou d’autres patients.”
D’après l’épidémiologiste américain Marc Lipsitch, en l’absence de découverte d’un traitement ou d’une politique de confinement radicale, 40 à 70% de la population mondiale pourrait être infectée par ce virus. Cela aboutirait à des millions de morts à l’échelle de la planète. Le conseil scientifique, un groupe de 10 experts mis en place le mercredi 11 mars à la demande de l’Élysée, a estimé qu’en l’absence de mesures de prévention et d’endiguement, 300 000 à 500 000 personnes décèderaient dans l’Hexagone. C’est ce qui a motivé les décisions annoncées les 12 et 14 mars par le gouvernement.
Pour le moment, il n’existe pas de traitement contre le SARS-CoV2, mais des scientifiques du monde entier travaillent dessus. L’objectif est de mettre au point un médicament qui cible spécifiquement des molécules du SARS-CoV2 pour le rendre inopérant. Des recherches pour un vaccin sont également en cours. Il s’agira de mettre au contact du corps un élément du virus dans une forme non-pathogène, pour que l’organisme génère des cellules immunitaires prêtent à réagir en cas de réelle infection. Des mois seront tout de même nécessaires pour qu’un vaccin soit réellement utilisable.
En attendant, de nombreux médecins dont Philippe Devos, un réanimateur belge en première ligne face à l’épidémie, appellent à une réflexion solidaire et une prise de conscience collective chez la population : “Il n’y a pas une seconde à perdre. Il ne faut pas raisonner à l’échelle individuelle en se disant qu’on a peu de chance d’en mourir, mais il faut penser aux plus faibles, et à la saturation des hôpitaux, qui pourrait avoir des conséquences gravissimes. Il faut limiter au maximum les rassemblement, les contacts entre les personnes dans des lieux publics…”
Rappel des “gestes barrières” conseillés par la préfecture :
Pour freiner la transmission du virus, il appartient à chacun de mettre en place les mesures barrières recommandées qui sont des gestes simples mais efficaces pour limiter la propagation de l’épidémie :
- se laver les mains régulièrement,
- tousser ou éternuer dans son coude,
- utiliser des mouchoirs à usage unique,
- saluer sans se serrer la main et éviter les embrassades
Crédit photo de couverture : NIAID / Flickr