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Strasbourg : l’anonymat des lucioles

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« Une présence importante de lucioles et de lampyres semble pouvoir être considérée comme un des indicateurs de bon état de naturalité de l’environnement nocturne. Autrefois des groupes de milliers de lucioles pouvaient être aperçus sur et autour d’un arbre, aux abords d’un ruisseau. »

Le premier train, celui de 6h51, n’arrivera que dans une heure. Affalé sur un banc anti-SDF qui fracasse les vertèbres et insulte ma scoliose, une canette de Redbull à la main, j’ai davantage l’air d’un Saint-Bernard aux yeux globuleux que d’un être humain.

La nuit fût rude mais je suis innocent Monsieur le juge.

Ce devait juste être le pot de départ de ce collègue que je ne peux pas blairer. Une tête de con qui dépasse du col d’une chemise blanche impeccablement repassée. Le genre de type qui sait tout et qui reprend les autres avec un air de majordome, prêt à tuer pour un stylo quatre couleurs. Un mélange de Wikipédia et d’Eric Zemmour.  Un concentré de frustration parfumé à l’after shave bon marché, qui contrôle tout, de la cuisson chronométrée de sa blanquette de veau à la durée du coït dominicale avec sa femme.

Un trouble obsessionnel compulsif d’après Psychologie Magazine.La science infuse.Du narcissisme surdimensionné. Une encyclopédie vivante qui connaît  l’éthymologie de chaque mot et qui n’hésite pas à vous reprendre pour vous humilier en plein milieu d’une réunion devant votre N+1:

” Excuse moi, je pense que tu parles du Québec et non pas du Canada. Et le premier film de Xavier Dolan n’est pas Laurence Anyways mais J’ai tué ma mère en 2009 “.

Vous comprenez qu’en présence d’un trou du cul de ce niveau, je n’ai pas eu d’autres alternatives que de me rabattre sur les petits fours et sur tout ce qui contient de l’alcool.

Si pour mesurer le niveau d’un tremblement de terre il y’a l’échelle de Richter, il est temps de mettre en place l’échelle du Couillon pour mesurer le niveau de stupidité de certaines personnes. Lui est à 8 sur une échelle de 10. L’équivalent du séisme le plus meurtirer au monde à Shaanxi en 1556.

Le champagne, même tiède et premier prix, a cet avantage de me faire rapidement oublier que je suis entouré d’une bande de pingouins en cravate (Que la communauté des manchots me pardonne cette comparaison honteuse).

Il y’a néanmoins des exceptions, même chez les pingouins. Prenez par exemple Dany DeVito dans Batman.1,47 mètres de talent.

Dans mon cas, cette exception qui glisse sur la glace comme sur les ordres, se nomme Christophe. Ce petit homme dégarni qui sort son Opinel à chaque fois que le mot Medef est prononcé, ne paie pas de mine au premier abord mais une fois  six coupelles avalées, il devient ce copain imaginaire de colonie de vacances, avec qui je rêvais d’aller regarder les filles se changer, via un trou habilement rebouché avec du papier mâché dans le mur des vestiaires du gymnase.

De fil en aiguille, ou plutôt de crémant en Martini, je me retrouvai dans la rue, une bouteille à la main, à fumer une clope, moi qui tousse même en suçant une cigarette en chocolat.

L’amateur d’ivresse, volontaire ou malgré-lui,  connaît ce moment précis où tout bascule.

Cette sensation d’être invincible, l’adrénaline qui monte au même rythme que la pile de tickets de carte bleue à chaque tournée.  Un shoot de vie dans un shooter de vodka-caramel. Je parle fort. Je suis sûr de moi, argumentant sur n’importe quel sujet,  de la crise nucléaire iranienne à la nouvelle collection de Victoria’s Secret. Sujets hautement techniques, l’un comme l’autre mais mon ivresse me confère le titre de consultant en géo-lingeriepolitique sur BFM TV.

C’est vers 1h04, après avoir englouti une demi-douzaine de falafels pour accompagner un seau de ketchup, que je sens que la limite du raisonnable est atteinte. Ma raison me dit de rentrer me coucher parce que demain je ferai moins la malin à  hurler comme un couguar à quatre pattes, la tête dans une bassine en plastique, mon corps surexcité me suppliant d’une voix nasillarde de continuer la fiesta jusqu’à l’épuisement :

“Allez, il est à peine une heure, ne fait pas ton vieux ! J’ai envie de danser moi ! ». (Oui, mon corps parle comme Claude François quand il est bourré).

« On doit prendre les petites décisions avec sa tête et les grandes avec son cœur » disait H. Jackson Brown (à moins que ça ne soit Jean-Claude Vandamme) . J’ai un grand cœur parait-il. Voilà pourquoi je me trouve  assis à la gare de Strasbourg, à l’aube.

Je n’ai rien venu venir. Le trou noir.Ad astra.

Ma dernière image est celle de Christophe réalisant un moonwalk pour impressionner une nymphette qui semblait avoir vingt ans. Elle en avait 47. Pour déterminer l’âge d’un arbre, il suffit de couper son tronc et de compter les cernes du bois. Pour déterminer l’âge d’une femme, c’est une autre histoire. Jean-Luc Lahaye sait de quoi je parle.Le fond de teint et le mascara peuvent trahir le plus expérimenté des hommes.

Je me retrouve là, trois heures plus tard, un cactus qui pousse dans mon crâne, de la lave dans le bide, du rouge à lèvres dans le cou.

Le hall ressemble à un camp de réfugiés. Si Marine le Pen passait par là, il est certain que je serai reconduit à la frontière via le premier TER en route pour Kehl.

Une solidarité s’installe naturellement. Des Doliprane sont collectés grâce à la générosité des passants. On s’installe à même le sol pour faire connaissance. Il y a Marianne qui passait juste déposer un vinyle de Foals à son cousin. Fabrice qui allait manger avec ses collègues pour fêter la fin du stage d’un morveux en école de commerce ou Bertrand qui avait une heure à tuer avant de choper son train. Innocents, happés par la fête. Si jeunes. RIP naïfs aux coeurs purs et aux estomacs fragiles.

L’embuscade du destin où les anges tirent des flèches enivrantes de Picon au hasard.

Nous contemplons  l’ouverture de la boulangerie Paul comme un spectacle de marionnettes. Guignol dispose des croissants décongelés sur un plaque métallique avant de l’enfourner sous l’oeil attentif de Gendarme, son manager au badge étincelant.

Des randonneurs équipés comme des cosmonautes tentent de communiquer avec nous mais nous ne sommes pas dans un clip de David Bowie, ni de la même planète bien qu’étant du même monde. Si un jour j’arrive à avoir la même taille de mollet que l’un d’entre-eux, je promets à l’humanité d’arrêter de fumer et à mère de tailler ses thuyas comme des bonsaïs.

Petit à petit, la verrière du lieu, carapace d’une tortue transparente, laisse pénétrer les premiers rayons réconfortants du soleil. Le jour est une délivrance pour ceux qui survivent la nuit mais pour certaines petites lucioles rayonnant dans les festivités obscures, c’est le moment de  retourner dans les bas-fonds du quotidien, dans l’anonymat, du moins jusqu’à samedi prochain.


MR ZAG

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