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J’ai testé pour vous : perdre mon temps au bureau d’accueil de la CTS

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Quand on m’a proposé de faire cet article, j’étais assez réticent. « Bon, c’est encore la merde à la CTS pour refaire ses abonnements. Tu ne veux pas y aller pour expérimenter le mal-être qu’on ressent chaque mois ? » Non. Achetez-vous un vélo. On peut faire le tour de la ville en 30 minutes et ça coûte moins cher.  « Allez, ça va être marrant, t’as juste à te pointer et tâter l’ambiance, même si tu te casses une fois arrivé au guichet. » On me vend des files interminables, des gens qui râlent et des heures d’attente, bref le rêve quoi. « D’accord, mais c’est juste parce que je vous aime bien, vive la vacuité journalistique hein ». Du coup, j’y suis allé et, surprise, je me suis bien fait chier.

Depuis cette expérience forte de café (l’expression prend tout son sens à la chute de cet article), je ne peux que compatir vis-à-vis de mes chers concitoyens, passagers aguerris ou novices, refusant la clandestinité au nom de la légalité, de l’économie, de la morale ou peut-être plus simplement du manque d’envie de se faire emmerder par nos chers contrôleurs de la CTS. Et je compatis également des pauvres employés de bureau de l’agence commerciale de la Compagnie des Transports Strasbourgeois, harcelés par la fulminante exaspération des clients.

La galère du réabonnement, tous les mois

Arrivée vers 17h le premier lundi du mois à la station Alt Winmärik, la place Saint-Pierre-le-Vieux est occupée d’un peu plus de monde qu’habituellement, mais rien d’anormal et pas de « longue file d’attente jusqu’aux rails du tram » comme on a pu me promettre. Ça commence bien, je sens que je suis venu pour rien.

Je tente de rentrer dans l’agence, mais je me retrouve rapidement emmêlé dans un flux d’entrées et de sorties conséquent. A l’intérieur, il y a plusieurs personnes au mètre carré, formant une foule compacte et impénétrable. Des gens ressortent avec des tickets. Je commence à comprendre le délire dans lequel je me suis embarqué, ambiance bureaucratie française.

Même accéder aux tickets est un parcours du combattant. Une file compacte partant d’un guichet s’étend jusqu’à l’arrière de la boutique et bloque complètement le distributeur automatique. Entre esquives et bousculades, j’arrive à proximité mais je suis obligé de déranger une retraitée pour arracher à bras tendu mon papier sacré. A l’intérieur, on étouffe. Le lieu est aéré, mais la proximité forcée, ajoutée à l’agitation constante et chaotique des gens installe un sentiment pesant et irritant dans la salle, saupoudrée d’un agacement ambiant. Un jeune homme lit un manga sur son smartphone, une maman croque dans une pâtisserie, d’autres râlent. « Quel merdier. Décidément, ça ne va jamais changer… »

Chacun sa vie, chacun son chemin, passe ton ticket à ton voisin

Un vieux monsieur au dos voûté par l’âge porte deux gros sacs de courses avec des affaires à l’intérieur. Il rassure sa compagne qui n’a pas l’air au top de sa forme. « Reste ici Michelle, je vais aller nous chercher un ticket. » Certains ont eu la chance de récupérer une place assise, mais elles se comptent sur les doigts de la main alors qu’il y a clairement plus d’une centaine de personne dans la pièce. Je comprends la présence les gens dehors sur la place qui se révèlent tous être également détenteurs du fameux ticket, dans l’attente que leur numéro soit le gagnant. Résigné, je les rejoins.

J’étudie mon ticket avec précision (pas assez, les petits malins comprendront tout seuls) : numéro 089, délivré à 17h06. Je lève les yeux au tableau d’affichage : Numéro 727, Guichet F. Ok, il y a un problème quelque part là. D’ailleurs, je ne suis pas le seul à me faire la réflexion : « Oh ! On est à 110… Ah ouais, on en est à ce point-là ? C’est impossible, obligé ils se sont trompés » s’exclame une lycéenne effarée à son amie tout aussi sidérée. Elles s’arrêtent et regardent avec incrédulité l’amas de clients depuis l’extérieur de la boutique, comme figées par le spectacle. Comme tous les nouveaux arrivants et moi-même, elles supposent que le compteur repart à 000 une fois le millième numéro tombé.  Autour de nous, ça papote, ça drague, ça s’énerve au téléphone en alsacien, allemand, anglais, français. Jeunes, vieux, actifs, cadres, marginaux… tout le spectre la population strasbourgeoise semble représenté.

De 727 à 089, ya du chemin

15 minutes pour 40 numéros

Étant quelqu’un d’assez patient, je commence à trainer sur mon téléphone, pas trop saoulé pour l’instant. Je me relance le dernier album du rappeur Alpha Wann sur Spotify (« Une Main Lave L’Autre », d’ailleurs c’est une tuerie, achetez-en deux exemplaires). C’est fou comment le temps passe lentement quand on ne fait pas grand-chose. Je me rends compte qu’il fait un peu frisquet dehors avec un simple pull. Ça y est les gars, Winter is Coming. Heureusement, quelques rayons de soleil inondent directement la place. Je regarde l’heure. Seulement 15 minutes sont passées, il est 17h25. Ah, et on n’est monté que de 40 numéros. Donc là, il reste 320 numéros. Si je divise par 40, ça fait 8, donc il me reste 8 x 15 minutes, il me reste donc … bien 2h à attendre. C’est embêtant, la boutique ferme à 19h et en plus j’ai un foot de prévu. Fait chier, je tente quand même ma chance.

Dans mon casque résonnent les paroles de Philly Phaal : « Pour se rendre au taf chaque jour, ma mère prend l’tram de six heures vingt // J’comprends ceux qui utilisent leur flingue » Ouaaaaais gros… moi aussi je commence à comprendre…  Autour de moi, exaspération, ennui, seum, voire désespoir se lisent sur les visages. Je me surprends à compter le nombre de panneaux informatifs qui défilent sur l’écran d’annonce. 7…8… 9. Et c’est reparti. C’est frustrant : pas le temps de les lire que le prochain est passé, mais bon, de toute façon ils sont placardés en papier juste à côté. Flemme de lire quand même. TL; DR (comme cet article ?)

Qu’est-ce qu’on se fait chier.

Je me reroule et rallume une cigarette. Les feuilles blanches qu’on m’a fourbement refilé à Kehl lors d’un moment d’inattention sont vraiment dégueulasses. Mais qui peut bien fumer ça ? En plus, elles se consument bien plus rapidement, ce qui diminue l’effet initial de ma démarche cancéreuse, celui de faire passer le temps. D’ailleurs, qu’est-ce que le temps ? La vie se consume aussi vite que ma cigarette, pourquoi dois-je la gâcher en attendant comme un clampin, ticket froissé à la main. Quel en est le sens ? La mort peut tirer mon numéro à n’importe quel moment… Contrairement à la liste de la CTS qui n’avance pas. Ok, on va se calmer sur la philosophie de comptoir. Vous voyez où j’en suis rendu ?

« Autant profiter de l’instant », me dis-je. Et donc, dans société capitaliste ça veut dire être productif. Je passe donc deux-trois appels professionnels et quelques sms de demande d’interviews. Parfait. Rentabiliser son temps, check. Il est 18h et la file n’a même pas avancé jusqu’à 900. Le bad, je n’ai plus rien à faire à part laisser mon esprit divaguer (quelle horreur, pourtant il paraît que c’est bon pour la santé). Le vent commence à me tailler les joues. Il faut que je fasse quelque chose. Ah ! Dieu m’a étendu ! Un tabac-presse est juste en face. Je peux bien m’éclipser quinze minutes, non ?

Me voilà donc parti pour acheter des VRAIES feuilles à rouler. J’en profite pour une rapide revue de presse et choper le Canard et le Diplo, sale gauchiste que je suis. Tant que j’y suis, je peux bien aller me choper un café en vitesse, je suis large. Direction le Kelly’s Sibin, bar irlandais au coin de la rue pour me réchauffer autour d’un bon café noir. 18h23  de retour à l’agence il me reste encore une heure à tuer au plus.

Franchement cadre cosy, café pas trop mauvais, 7,5/10

Une petite absence de 20 minutes, ça paaaasse

Il y a toujours autant de monde à l’intérieur, comme si je ne m’étais jamais absenté. Dans l’idée il devrait rester encore une petite centaine de personnes devant moi. Stupeur, désarroi, le panneau affiche le numéro 135. Comment est-ce possible ?? 200 numéros en vingt minutes ? Ça défie toutes mes prédictions. Ô rage, ô désespoir, ô détresse ennemie, que n’ai-je donc tant attendu pour cette infamie ? L’amertume du café que je viens d’avaler semble étrangement bien plus prononcé d’un seul coup.

Je grince des dents et je demande à une dame à côté quel numéro elle a. « J’avais le 096, maintenant j’ai le 275. » Elle aussi s’est éclipsée une dizaine de minutes pour passer à la pharmacie. On doit être beaucoup dans ce cas de figure, sans compter ceux qui abandonnent ou qui ne voient pas arriver leur tour, créant un appel d’air impitoyable dans lequel les autres clients ont pu s’engouffrer. Je reregarde mon ticket. Il annonçait seulement 262 personnes devant moi, une petite ligne en dessous de mon numéro, soit bien moins que les 360 de mes savants calculs….

Les absents ont toujours tort paraît-il. Contrairement à ma compatriote qui voit l’heure de fermeture de la boutique inéluctablement approcher, j’abandonne lâchement mon poste de combat, fuyant cet enfer vers des horizons plus agréables, en espérant pouvoir au moins divertir le lecteur de ma mésaventure. Voilà comment j’ai passé près de deux heures à attendre, en vain, à la CTS, et j’espère sincèrement pour vous, usagers réguliers des transports en communs de l’Eurométropole, qu’un jour la procédure de réabonnement sera totalement dématérialisée. Oh et puis c’était marrant en vrai.

Le compteur de la mooooort

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Commentaires (2)

  1. Il en faut du courage et de l’abnégation pour oser s’aventurer aux guichets de la CTS en début de mois. Bravo à l’auteur ! Je me permets de répéter son conseil : achetez vous un vélo ! (ou louez le, mais fuyez le tram, fuyez, pauvres fous.)

  2. Sinon à Paris comme London et NYC on peut recharger sur l’Internet, dans des boutiques de quartier, aux ATMs en plus des bornes en gare et aux nombreux guichets situés dans les stations. C’est ubuesque Gotfertomi …

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