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Strasbourg : Encyclopedia Cyclus

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Des crottes de la taille d’un rocher Suchard aux coins des yeux. Des pétales de Chocapic entre les dents. J’enfourche ma monture, en tentant de ne pas terminer la gueule sur le bitume ardent. Il est tôt et pourtant, à cette heure-ci déjà, l’air est lourd et étouffant.

Strasbourg au mois de juin, est un petit désert urbain. Les scorpions en moins, les cyclistes en plus.

D’autres créatures matinales balancent leurs premiers coups de pédales le long des quais. Zombies attendant que la première tasse de café fasse son effet. Les yeux vitreux, suite à un visionnage tardif, la veille, d’un documentaire de 3h30 sur la reproduction des drosophiles, ils cherchent un semblant de rythme pour réveiller leurs corps engourdis.

Un « Claquette – Chaussette » me croise, une clope au bec, au bout de sa vie à chaque taffe tirée. Il tousse et crache d’énormes huîtres verdâtres qui prennent la liberté de s’éclater contre un tronc d’arbre qui n’a rien demandé. Vole petit mollard. Vole. Des Knacki-Balls violettes surgonflées en guise de doigts, pour diriger ce qu’on appelle communément un guidon. Pour lui, c’est une manette de Super Nintendo et il est Yoshi dans Mario Kart. Il évite des peaux de bananes virtuelles et se penche dangereusement, jouant avec la gravité, pour choper des carapaces imaginaires.

Je ne sais pas à quoi il tourne, mais j’en veux aussi.

J’ai toujours rêvé d’être un champignon géant sur un kart. Ses joues rouges, de belles pommes d’amour collantes, contrastent avec un short bleu et une veste verte Sergio Tacchini. Cette variation de couleurs et ce brillant ne résultent pas uniquement d’un goût prononcé pour la mode avant-gardiste, mais d’un processus de défense contre les autres cyclistes, qu’il prévient au cas où l’un d’entre eux tenterait de se frotter à cet arc-en-ciel mobile.

Le souffle court, il tente de suivre un « Hipster Scoliosé » pour profiter de son aspiration. Courbé sur le trombone qui lui sert de vélo de course, appelé usuellement un «fixie », un « brise-dos », un « rendez-vous chez le kiné » ou un « torticolis ». Les troubles musculo-squelettiques occasionnés par l’usage de cet engin de torture, ont permis de mettre en place un protocole de soins au Centre de réadaptation fonctionnelle Clémenceau. L’OMS estime qu’il s’agit de la pire pandémie du siècle.

Pire qu’Ebola, le virus se propage de façon inquiétante à travers une casquette Vans, un t-shirt Northface, un sac à dos Herschel ou bien encore un slim Cheap Monday.

ASOS a d’ores et déjà avertit ses clients, que la marque se désengage de toute responsabilité en cas d’utilisation abusive d’un fixie suite à l’achat compulsif d’une paire de New Balance.

Aérodynamisme oblige, le poids de la barbe méticuleusement taillée de cette espèce, permet d’avoir la posture la plus courbée au monde. La posture de la lombalgie, étudiée en deuxième année d’école de vétérinaire. La colonne vertébrale doit être parallèle au sol. Attention à ne pas confondre avec un des symptômes de la maladie de Scheuermann.

Avec des pneus aussi fins qu’un filet de sandre poché dans une mousse d’amandine au Crocodile, il fait corps avec les nids de poule, les cailloux et les trottoirs.

Le « Hipster Scoliosé » ne roule pas avec son Peugeot vintage customisé de 1978 payé 1800 euros, il fait l’amour au goudron.

Il creuse le trou de la Sécurité Sociale suite à ses consultations chez l’ostéopathe et est sous tutelle, puisque surendetté, dépensant son salaire dans la réparation de crevaisons multiples via des chambres à air en caoutchouc bio-équitable.

La 9 ème édition « Au boulot à vélo » se déroulant du 11 au 24 juin, de nouvelles espèces font leur apparition sur le bitume. On les remarque à leurs lunettes de soleil jaunes estampillées Véloptimiste ou aux fanions accrochés fièrement aux porte-bagages. Il en faut peu pour mouiller son maillot et sortir son vélo poussiéreux du garage. C’est la période où la piste cyclable devient une autoroute sans péage avec des apprentis conducteurs, des poubelles roulantes au contrôle technique périmé ou des amateurs aux tenues inadaptées.

Prenez par exemple cette « Coccinelle Pinupus », reconnaissable à sa robe à pois et ses hauts talons, en totale harmonie avec son vélo électrique hollandais et son rouge à lèvres flashy. Lorsqu’elle arrive au boulot, le Rimmel coulant sur ses joues, des moucherons dans les cheveux, les lèvres texture Ben and Jerry sortant du micro-onde, elle répond sans le moindre agacement, à son collègue qui lui demande « Mais c’est pas trop compliqué de rouler à vélo avec des talons aussi hauts ? », que « Non ça va, il faut juste reprendre le rythme », même si au fond, elle aimerait lui balancer sa bouteille de Volvic à la gueule et faire un collier avec ses oreilles.

Je frôle la crise d’épilepsie en croisant un « Ver luisant » au gilet jaune fluo et au casque violet.

Cette couleur est particulièrement vive et agressive alors que je viens de me lever depuis 27 minutes. Cela a au moins l’avantage de lui éviter d’être dévoré par un « Dopus Epilus » qui pense qu’il fait un contre la montre du Tour de France avec un prototype de 800 grammes breveté par la NASA et un casque profilé en carbone qui lui confère la tronche d’un spermatozoïde à la recherche d’un ovule sous EPO. A chaque fois qu’il veut dépasser, il lance un petit cri, identique à celui du Grand Hamster d’Alsace en plein coït. Avoir un vélo qui vaut deux fois le PIB de la Bretagne, et qui n’est même pas équipé d’une sonnette. Cherchez l’erreur. Surtout ne tentez pas de le coller comme un « Hipster Scoliosé ». Il arrive que ce Petit Poucet aux jambes épilées, sème des seringues pour retrouver son chemin.

A l’inverse, le « Morandinus » suinte son petit déjeuner à travers sa doudoune violette et son jogging en velours. Des gouttelettes de sueurs coulent sous sa casquette en polyamide, et il se cogne les genoux au guidon du vélo de sa petite sœur de 11 ans, en tentant furtivement d’entr’apercevoir la culotte de la cycliste d’en-face. Lorsqu’il est en chaleur, il expose le duvet prépubère de son torse et gonfle les pectoraux en gémissant.

Parade d’accouplement insistante, observée de mai à septembre selon les ornithologues de la Police Nationale.

Il lance un regard aguicheur et des sourires vicelards à faire pâlir Jean-Luc Lahaye, allant jusqu’à se prendre pour Roméo récitant une tirade Shakespearienne : « Oh la la la la ! Mademoiselle, vous êtes trop charmante. Franchement, la robe, c’est abusé trop court par rapport à la longitude de vos jambes. Vous me perturbez grave! ». Juliette lui lancera un doigt d’honneur en guise de réponse. Du coup, pas de guerre entre les Montaigu et les Capulet. Pas de comédie musicale à la con, à se coltiner sa belle-mère dans la bagnole. La stupidité a du bon, parfois.

Je me faufile tant bien que mal dans cette jungle urbaine, zigzaguant entre un « Siamois » qui prend toute la piste, collé à son pote, à lui hurler le résumé du match France – Pérou, un « Schizophrénus » qui parle tout seul, un « Gilles de la Tourette » traitant de fils de pute tous les piétons à proximité et un « Obispo » équipé d’un casque Bose, qui pense qu’il est au karaoké, et que chanter du Justin Bieber avec un accent anglais à tuer une deuxième fois David Bowie, c’est top-tendance à 8 heures du mat. Grâce à lui, un orage violent s’abattra sur toute l’Eurométropole quelques heures plus tard.

En transe, les cuisses qui tremblent, il me reste un dernier obstacle à franchir avant d’arriver à destination.

Cet obstacle, c’est le 36 tonnes du cyclisme, le convoi exceptionnel de la bicyclette : Le transporteur alias le BAKFIETS. Pour moi, ce n’était qu’une légende. Le nom d’un combo dans Tony Hawk sur PS1, une figure de patinage artistique ou un épisode des Convois de l’extrême, mais ce matin-là, j’ai vu ma vie défiler en doublant cette caravane qui sonne comme un engin de chantier lorsqu’elle recule. Un jour, aux Pays-Bas, un type s’est dit «Tiens, j’en ai marre de foutre la gamine sur le siège bébé à l’arrière du vélo. Je vais lui construire un F3 en ronce de noyer, avec une véranda, la clim et un lit king size pour que cette grosse feignasse soit couchée tout le trajet, bien au frais, à siroter un Candy à la fraise avec ses potes ».

Je me vois encore me rapprocher dangereusement de la glissière de sécurité, pensant terminer broyé par un caisson en bois, tout ça parce que le gamin distrayait son père en sortant la tête de sa cabane roulante.

Le « Gilles de la Tourette » arrivant en face me traita d’enculé et c’est sur un coup de frein à la Poulidor que je pus, in extremis, éviter un choc frontal.

Le cœur battant à 200 à l’heure, moulinant sur la 36ème vitesse, j’échangeai quelques politesses avec le chauffeur poids lourd, accessoirement père de famille. Le ton monta. Nous en viendrions presque aux mains tellement l’atmosphère est électrique. Ça fait plusieurs jours qu’il n’a pas plu, que les gens vivent au ralenti à traîner en slibard, reclus dans leurs appartements.

Le mioche nous observe, dubitatif. Deux « Idiotus » prêts à se foutre sur la tronche sur une piste cyclable.

« Papa, j’ai peur ». Pas besoin d’un long discours, d’un médiateur du RAID ou d’un combat à la Fight Club avec Brad Pitt pour régler cette histoire. La vérité sort toujours de la bouche des enfants.

Les lèvres pleines de confiture à la fraise, il fait redescendre la pression avec un sourire jusqu’aux oreilles. Un orage de joie de vivre. Une pluie de gaieté. Nous nous confondons en excuses. Nous réalisons l’absurdité de la situation et l’image que nous donnons à ce « Tricyclus » en observation dans le monde des deux roues.

Cette maturité précoce lui vaudra de se débarrasser des petites roues vissées à son tricycle le week-end d’après. Il essaiera de faire quelques mètres avec son « grand » vélo, offert par sa mamie pour son anniversaire. Tel un oisillon tentant pour la première fois de voler, il s’écrasera d’abord plusieurs fois au sol. Il se relèvera, parce qu’il est fier et parce que sa maman le regarde. Son papa qui le maintient suffisamment pour le rassurer, sans le diriger, lui insufflera juste ce qu’il faut de vitesse pour qu’il garde l’équilibre.

Le miracle se produira jusqu’à la fin de la ligne droite d’un chemin forestier discret. Il ne manque qu’une musique lacrymale de Max Richter pour accompagner cet exploit. Le petit ange freinera maladroitement avec ses pieds. Les genoux écorchés, il se retournera avec cette naïveté dans les yeux que les adultes perdent au fil des déceptions. C’est à ce moment précis qu’il aura le consentement invisible de son père. Il fait désormais partie du Microcosme du vélocipède.

Il faut dire aussi, qu’un ange avec un casque Buzz L’Éclair, ça a de la gueule. Même avec les ailes tâchées de Mercurochrome.


>> MR ZAG <<

Mr Zag a une voisine, un chat, des collègues, un job, il aime Lynch, Radiohead et Winshluss. Mr Zag a un Pinocchio tatoué sur le bras, quelques gribouilles en islandais. Mr Zag ouvre les yeux et décrit le monde avec une vision bien à lui.

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