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On a rencontré François Ozon et Melvil Poupaud pour la sortie du film « Grâce à Dieu »

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Dans le cadre de la sortie du film « Grâce à Dieu », j’ai rencontré François Ozon, réalisateur de ce film essentiel, ainsi que Melvil Poupaud et Swann Arlaud qui y jouent les deux rôles principaux. « Grâce à Dieu » relate l’histoire des victimes du prêtre Preynat, dont le procès pour pédophilie devrait avoir lieu cette année. Un film bouleversant, qui découle d’un long travail journalistique et dont on ne ressort pas indemne. C’est à l’Hôtel la Cour du Corbeau que je rencontre l’équipe du film qui vient tout juste de remporter le prix du jury à la prestigieuse Berlinale.  Nous parlons longuement de l’omerta qui règne au sein de l’Église, de la puissance de cette institution, et des dommages qui poursuivent les victimes et leur entourage encore des années plus tard.

Vous vouliez faire un film sur cette affaire, ou l’idée vous est venue autrement?

François Ozon : Non, moi de premier abord, je voulais faire un film sur des hommes fragiles qui expriment leur sentiments. Donc je cherchais un sujet autour de ce thème, et je suis tombé un peu par hasard sur le site de « la Parole libérée ». J’ai lu le témoignage d’Alexandre, qui m’a beaucoup touché, ce combat au sein de l’institution, comment il a essayé pendant deux ans de faire bouger les choses. Jusqu’au moment où il a compris que les choses n’allaient pas bouger et qu’il a décidé de passer au stade judiciaire. Je me suis renseigné, j’ai rencontré les victimes et leur entourage, ils m’ont raconté leur vies, et à partir de leur combat j’ai écrit ce scénario.

Vous avez fait voir le film aux victimes?

François Ozon : Oui, les trois personnages principaux ont vu le film, ils étaient très émus. Je pense que pour eux c’est une manière de terminer leur travail médiatique. Car c’est vrai qu’ils ont fait beaucoup d’interviews, ils étaient au procès dernièrement et le fait que des acteurs s’emparent de leur rôles c’est une manière pour eux de tourner la page. Ça leur fera j’espère un effet bénéfique. Ils sont forcément un peu inquiets par rapport à leur entourage. Le vrai sujet du film c’est la répercussion de la libération de la parole, dans l’entourage et pour les victimes.

Donc toutes les réactions que l’on peut voir dans l’entourage des personnages du film, c’est la réalité?

François Ozon : Oui c’est ce qu’ils m’ont raconté. Ils ont chacun eu des parents qui ont réagi très différemment. La parole d’un enfant il y a trente ans n’est pas écoutée de la même manière qu’aujourd’hui.

Mais vous n’avez pas rencontré le prêtre et le cardinal ?

François Ozon : Non je ne l’ai pas fait, car tout ce que j’utilise dans le film ce sont des choses qui avaient déjà été publiées, sur des sites, dans des livres. Donc j’avais le verbatim de toutes leur déclarations. La fameuse conférence de presse où le cardinal dit « Grâce à Dieu, les faits sont prescrits », vous pouvez la retrouver sur Youtube. Il a réellement dit cette phrase, après il s’est tout de suite excusé en disant qu’il s’était mal exprimé, mais c’est tellement révélateur.

Le rôle a t-il été écrit pour toi ?

Melvil Poupaud : Je pense que François est tombé sur ce sujet et que ça l’a inspiré. Il a assez vite pensé à moi car on se connaît depuis longtemps, c’est notre troisième film ensemble. Il savait qu’il y a des sujets dans ce film qui me touchent particulièrement : l’enfance, la religion, le pardon. Des thèmes dont on avait déjà parlé, donc il pensait que c’était des sujets que je pourrais facilement incarner. Dans « Le temps qui reste », il y avait déjà un peu de ces thèmes là, un rapport à l’enfance très profond, très touchant, un rapport au pardon, à la famille, donc je pense qu’assez vite quand il a écrit le scénario de « Grâce à Dieu », il s’est peut-être effectivement dit qu’il y avait un rôle pour moi.

Pourquoi avoir choisi ces acteurs dans les rôles principaux?

François Ozon :  Melvil c’était une évidence, car je le connais bien et qu’il s’intéresse beaucoup à ces thématiques là. C’est un très bon comédien. Denis Ménochet, j’avais aussi travaillé avec lui dans « Dans la maison », et j’aimais bien ce côté un peu bulldozer, rentre-dedans, à mettre les pieds dans le plat. Malgré une force physique de premier abord, il a une vraie fragilité. Et Swann je ne le connaissais pas mais je l’avais vu dans « Petit Paysan » qui m’avait beaucoup plu. Je lui ai trouvé une sensibilité à fleur de peau, d’écorché vif, qui correspondait bien à ce que je voulais montrer d’Emmanuel.

« Grâce à Dieu » reprend des faits qui se sont réellement passés, j’ai suivi un peu le procès Barbarin et j’ai été révoltée de voir qu’aucune condamnation n’a été requise contre le cardinal.

Melvil Poupaud : A priori non, je crois que le verdict est le 7 mars, mais il y a peu de chances que Barbarin soit inquiété.

Le film montre très bien à quel point le diocèse se donne du mal pour enterrer l’affaire. Il y a quelques années, on déplaçait les prêtres dans d’autres paroisses, mais finalement aujourd’hui ils ne sont pas plus inquiétés, ils peuvent agir en toute impunité ?

Melvil Poupaud : C’est ce que le film raconte, le côté déconnecté de l’Église, de certaines personnes dans l’Église, qui ne sont plus au contact de la réalité, qui ne se rendent même pas compte de l’omerta, des crimes, du silence qui les rend coupables aussi. Enfin en tout cas, complices. Ça parle de cette institution. Ce n’est pas un film contre certaines personnes, mais c’est juste un état de fait qui prouve qu’il faudrait que les choses changent radicalement et que les gens s’ouvrent un petit peu. d’ailleurs c’est un film qui peut raccorder avec plein de sujets comme le célibat des prêtres par exemple… je pense que c’est une institution qui est figée dans le passé et qui a besoin d’un dépoussiérage profond.

Swann Arlaud, François Ozon et Melvil Poupaud. Crédit photo : Vincent Muller

Vous avez rencontré les victimes?

Melvil Poupaud : Je les ai rencontrés mais pas avant le tournage. Le personnage que je joue moi je l’ai rencontré à l’issue de la première projection qu’il y a eu à Paris. Je n’avais pas envie de les voir avant, je sais que François les avaient beaucoup vus. Il a fait un vrai travail de journalisme, d’enquête, il a recueilli beaucoup de témoignages. Donc je sentais que dans le scénario, il y avait déjà toute cette matière et moi je ne voulais pas imiter Alexandre. Je sais que lorsqu’on joue avec quelqu’un en tête, ça parasite plus qu’autre chose. J’avais envie d’être libre, et d’inventer mon personnage à moi. Puis comme François avait toutes les clés du personnage et de l’histoire, je lui ai fais confiance et j’ai préféré inventer quelque chose. Après ça m’amusait aussi de jouer un personnage que j’ai déjà croisé, qu’on a déjà tous croisé, un catho tradi, avec un peu toute la panoplie.

Les 5 enfants…

Melvil Poupaud : Voilà les cinq enfants, le petit pull sur les épaules, ce sont souvent des personnages qu’on a vu dans des comédies et qui sont tournés en dérision. Ils sont souvent victimes de préjugés parce qu’on pense que ce sont des réactionnaires, catho un peu tradi, et là j’avais envie justement de jouer avec ces codes-là, ces clichés. A la fin, on oublie cette apparence, pour juger la personne, et on se rend compte qu’en fait c’est quelqu’un de très courageux, d’ouvert d’esprit, qui parle à ses enfants, qui se révèle même être quasiment héroïque. Ça me faisait plaisir de partir de ce personnage qu’on connaît tous, grand bourgeois tradi, pour en faire un personnage attachant et humain.

Swann Arlaud : Même si on a rencontré les victimes après, et qu’ils ont été assez touchés car ils se sont reconnus dans beaucoup de choses, malgré tout ce sont aussi des personnages de cinéma. Et ça c’était important pour François. Puis nous ça nous a laissé plus de liberté aussi car on avait quand même cette responsabilité de ne pas les trahir, de ne pas les décevoir. Si on les avait rencontré avant je pense que ça nous aurait mis une pression supplémentaire. J’ai regardé quelques interviews sur internet, pas en tant que matière de travail mais pour confirmer quelque chose que je savais déjà. On ne joue pas l’abusé sexuel, ce sont des gens normaux mais qui ont vécu ça. Ça ne se voit pas sur un visage et ça ne se joue pas, ça n’habite pas la surface.

Melvil Poupaud et Swann Arlaud. Crédit photo : Vincent Muller

Il est incroyable Alexandre. Dans les personnages qu’on va revoir le plus fréquemment, il y a aussi Emmanuel qui lui est devenu le profil type du mec rebelle, boucle d’oreille, moto, veste en cuir. François qui décide de se faire apostasié. Mais par contre Alexandre reste très croyant malgré ce qu’il s’est passé.

Melvil Poupaud : C’est ça qui est beau dans le film, ce sont trois personnages qui ont vécu la même chose, mais qui ont des destins très différents, même socialement ils ne viennent pas du tout du même milieu, ils n’ont pas vécu le traumatisme pareillement. Emmanuel c’est le plus abîmé, le plus écorché. Moi j’ai réussi à refaire ma vie, mais même dans ce contexte très bourgeois, où on comprend qu’il ne faut pas parler, où les parents sont très lâches, ça demande beaucoup de courage de libérer cette parole. Après François, c’est le plus rentre-dedans, c’est le plus combatif. Mais oui ça montre comment un traumatisme subi et tu, à une répercussion sur tout l’environnement, toute la famille, et ça on ne peut pas le voir dans un article de journal.

François Ozon : Tout est réel, j’ai fait un vrai travail journalistique, et c’est ça qui était intéressant, les trois personnages étaient issus de milieux sociaux très différents, ça induisait des comportements et des rapports très différents.

Melvil Poupaud et Swann Arlaud. Crédit photo : Vincent Muller

Effectivement tous les personnages réagissent de manière très différente, mais ils ont également des parents qui ont réagi de manières très variées. Certaines réactions étaient vraiment révoltantes. Par exemple, quand Alexandre en parle à ses parents, et qu’on lui répond :  » Tu remues la merde! » Ils ne veulent juste rien savoir.

Melvil Poupaud : Oui, moi j’ai les parents les pires. Mais on ressent chez tous les parents  une part de responsabilité, et une part de culpabilité. Même ceux de François qui ont essayé de faire des démarches, on sent que malgré tout ils n’ont pas réussi à faire bouger les choses et ils ont gardé ça comme une espèce de douleur et de frustration. Mais pour ma part, c’est clair que mes parents ne veulent pas en entendre parler, c’est la honte, ça se cache, c’est un peu le culte du secret. Dans ce genre de famille très conservatrice, on a pas envie de s’exposer, on ne parle pas, on ne dit rien. C’est une espèce de prison.

Ces personnes sont très croyantes, mais elles savent qu’il y a eu des dérives, et elles préfèrent faire comme si de rien était.

Melvil Poupaud : Comme les gens de l’Église, comme Barbarin, ils sont au courant mais ils n’ont pas envie de révéler ça au grand jour, c’est un peu une entreprise, pas de la mafia, mais il y a quand même ce culte d’omerta très obscur. Je pense qu’on a pas idée d’à quel point l’Église est une organisation secrète et obscure.

Aussi quand François se confie à la télé, et que sa maman lui dit : « Je sens que je vais avoir beaucoup d’appels ». La logique veut qu’on se dise que ça va être des appels de soutien, mais non au contraire ça va être des appels de leurs amis du club de bridge, très croyants et mécontents de voir ça passer à la télé. L’Église et la foi prennent le dessus sur toutes les horreurs qui s’y passent. C’est effarant.

 Swann Arlaud : Il y a aussi une part de responsabilité, de culpabilité assez forte.  Notamment pour la mère d’Emmanuel, mon personnage, qui elle finalement n’a pas vu quand gamin il lui a dit  » le prêtre m’a embrassé sur la bouche ». Elle n’a pas imaginé que ça pouvait être ça. Donc il y a une culpabilité très forte, de ne pas avoir vu, ou de ne pas avoir voulu voir et comme la parole se libère souvent très, très tard, on ne peut plus revenir en arrière.  C’est ce que raconte le film de François. Les dommages collatéraux dans les familles et à quel point ça détruit tout le monde. Ce silence là, il détruit même les parents qui auraient été capables de réagir mais qui à ce moment là n’ont pas vu.

Effectivement, la maman de ton personnage on voit qu’elle essaye de se rattraper, après.

Swann Arlaud : Oui justement, elle se rattrape, c’est donc qu’il y a en effet une culpabilité, une faute.

Melvil Poupaud : Oui et il y a plein de déni aussi, certains préfèrent faire comme si ça ne s’était pas passé, pour ne pas avoir à gérer le regard des autres, il y a un côté province aussi. Le film se passe à Lyon, c’est peut-être un milieu plus fermé.

Swann Arlaud :  Certes le pourcentage est plus fort dans l’Église mais la pédophilie existe dans tous les milieux où on travaille avec des enfants, et le réflexe est toujours le même, on protège d’abord l’institution.

Et vous vous êtes croyants?

Swann Arlaud : Moi je suis agnostique, je suis croyant mais dans aucune religion.

Melvil Poupaud : Moi je le suis oui.

Plus maintenant (rires)

Melvil Poupaud : Siiii, ça ne change rien pour moi, ce n’est pas le même sujet.

François Ozon : Moi non, j’ai eu une éducation religieuse, une éducation catholique, mais je ne suis plus croyant.

A la fin du film, le fils d’Alexandre lui demande : « Est-ce que tu crois toujours en Dieu? »

Melvil Poupaud : Oui effectivement c’est aussi le sujet du film. En ce qui concerne mon personnage qui est resté croyant pour sa part jusqu’à la fin du film, il y a cette question un peu en suspens, où François voulait qu’il y ait une ambiguïté. Que le spectateur puisse se demander, malgré tout ce qu’il a vécu est-ce qu’il est encore capable de croire en Dieu? Est-ce que ça a ruiné sa foi? Après je sais qu’Alexandre dans la vraie vie, était encore croyant jusqu’à peu, et c’est intéressant car le film soulève ses questions aussi. Ce n’est pas parce qu’on a été déçu par L’Église ou qu’on a rencontré des prêtres pédophiles que tout à coup on ne croit plus au message du Christ ou qu’on a plus la foi, c’est deux choses différentes. Tu peux très bien continuer à croire tout en sachant qu’il y a des mecs pourris dans l’institution de l’Eglise.

Swann Arlaud : Alexandre je l’ai vu il y a peu, et il disait qu’il était toujours croyant, mais qu’il était de moins en moins pratiquant.

Melvil Poupaud : Moi il m’a dit qu’il avait carrément eu une révélation mais à l’envers où tout à coup il s’est arrêté dans la rue en disant : « ah non mais c’est clair, ça n’existe pas. »  Il m’a dit que c’était très fort, et très dur à vivre.

Le prêtre est dérangeant, il ne nie rien, il avoue tout. Le personnage dit qu’il est « malade », il avoue avoir un problème avec les enfants. Il est méprisable bien évidemment, mais j’ai ressenti tout autant de mépris pour le cardinal qui dégage une personnalité très manipulatrice, très dure.

Melvil Poupaud : Le film n’est pas vraiment à charge contre telle ou telle personne, c’est toute une construction, une entreprise qui fait que les gens ne peuvent pas vraiment agir au sein de cette institution. Peut-être que même si l’un d’eux avait voulu agir dans un sens ou dans un autre, c’était bloqué. Le pape leur donne des directives et le temps que ça revienne, faut brusquer personne. Les seuls mecs qui ont osé ouvrir leur gueules dans ce genre d’affaire, ils se sont tout de suite fait virer de l’Eglise. C’est le pouvoir de l’institution.

François Ozon : Après, le prêtre n’est pas non plus une victime! C’est un homme de 72 ans, c’est un vieil homme. On a du mal à imaginer le vice chez un vieillard, mais c’est la réalité, il ne faut pas se laisser berner non plus par l’apparence, c’est toute la complexité des choses, mais les victimes ne le regardent pas comme quelqu’un de doux et gentil.

Swann Arlaud : Concernant le prêtre, du fait d’en avoir fait dans ce film un être humain qui dit lui même qu’il a été victime d’abus donc qu’il y a peut-être eu une reproduction et qui dit lui-même qu’il a toujours avoué mais que sa hiérarchie n’a rien fait. C’est le rendre un peu humain, et remettre les choses à leur place réelle, c’est-à dire, ce ne sont pas des monstres ou des diables envoyés sur terre pour violer des enfants… Ce sont des êtres humains. Et ça c’est aussi un problème, français, de vouloir mettre des œillères. Contrairement à en Allemagne par exemple où il y a des lieux dédiés à ça, des pubs du genre  » Si vous aimez les enfants plus que vous ne le devriez, appelez ce numéro faites-vous soigner ». Ils ont monté ce truc, et ils ont eu dans les 5000 personnes qui sont venues la première année. Et donc on te dit que lorsque tu es attiré par les enfants, tu ne peux pas t’en débarrasser mais que tu peux faire un travail pour ne jamais passer à l’acte. Donc c’est au moins accepter, que cette chose là qui est ignoble, et qui fait partie de l’être humain, existe. Et qu’à partir du moment où on assume ça, on peut peut-être éviter des cas.

Melvil Poupaud : Les éloigner des mômes.

Swann Arlaud : Effectivement Preynat dans le film il est presque parfois touchant, il est humain. Je ne dis pas une seconde que ce qu’il a fait est excusable ou qu’il ne faut pas qu’il soit condamné, mais ça veut dire qu’en effet il faut arrêter de se mettre des œillères en se disant, y a le diable d’un côté, et nous on est des gens biens. C’est inhérent à l’humanité malheureusement.

Le personnage est exceptionnellement bien joué.

Melvil Poupaud : Aussi il faut dire que c’est un grand acteur qui le joue. Bernard Verley c’est un immense acteur qui a joué avec les plus grands metteurs en scène. Il a un rôle très difficile. Par exemple, moi quand Ozon m’a parlé de ce film, j’en ai parlé à ma fille de 17 ans, je lui ai dit que j’allais faire un film sur la pédophilie. Elle m’a répondu : « Tu ne vas pas jouer un pédophile? » et j’ai senti dans ses yeux qu’il ne valait mieux pas. Ce sont des rôles difficiles à assumer, qui peuvent te suivre et te hanter. Et lui il l’a fait mais merveilleusement bien, car effectivement il est pathétique par moment,et  en même temps parfois il fait peur. Quand il regarde Emmanuel on dirait qu’il a toujours une espèce de tentation.

Swann Arlaud : Cette scène au commissariat, il me regardait entre les prises, en marchant comme ça et il me disait : « t’as pas l’impression que je marche sur de la gélatine? » Il était vraiment dégueulasse.

François Ozon : J’ai choisi Bernard Verley car c’est un grand acteur mais c’est vrai que ce n’est pas facile car c’est le rôle du méchant, et moi ce que je voulais c’est aussi montrer une part d’humanité chez cet homme même si tout ce qu’il a fait est totalement condamnable.  J’ai rencontré plusieurs acteurs et ce que j’ai aimé chez Bernard Verley c’est qu’il a à la fois une  présence imposante et en même temps il a un regard. L’acteur est l’avocat de son rôle. C’est à dire que même si c’est un monstre il faut le défendre. Il le fait très bien. Il est très perturbant, désarçonnant.

Melvil Poupaud et Swann Arlaud. Crédit photo : Vincent Muller

 

J’ai lu que l’avocat de Bernard Preynat, avait demandé à ce que la sortie du film soit repoussée, puisque le procès du prêtre n’a pas encore eu lieu?

François Ozon : Oui, il est dans son rôle d’avocat. La sortie a toujours lieu le 20 février, de toute façon tout ce que je raconte autour de Barbarin et Preynat, a déjà été publié, il n’y a pas de surprises par rapport aux faits. Pour ceux qui connaissent l’affaire, ils ne vont rien apprendre. Le film et le scénario a été relu et validé par les avocats. Cet avocat n’a pas vu le film il essaye de défendre son client.

Bon c’est sûr que le film ne les met pas très en valeur, mais en même temps ce sont les faits.

François Ozon : Absolument, de toute façon il a toujours tout avoué, il n’y a jamais eu de dissimulation, c’est ça qui est d’autant plus révoltant, c’est que sa hiérarchie était au courant.

Oui et puis finalement on le voit dans le procès Barbarin, la justice ne fait rien par rapport à ça.

François Ozon : Ça c’est le droit, c’est la prescription, après Preynat va être jugé, puis forcément condamné, puisqu’il y a des faits non-prescrits. Il a reconnu tout ce qu’il a fait. Après pour la non-dénonciation, il y a aussi des lois de prescription qui font que « Grâce à Dieu » d’une certaine manière, la hiérarchie et le cardinal Barbarin ne seront certainement pas condamnés pénalement. Par contre ils seront moralement responsables.

Et vous quel avis avez-vous sur cette issue?

François Ozon : Moi, d’une certaine manière l’aspect judiciaire c’est secondaire, ce n’est pas le sujet du film, le sujet du film c’est les victimes, leur travail. « Grâce à Dieu » ne donne pas de réponses, c’est un film qui pose beaucoup de questions, qui interroge le spectateur. Chacun peut se faire sa propre opinion. Forcément, mon film est raconté du point de vue des victimes donc je suis de leur côté. Pour moi ce qui est important c’est qu’il y ait une vraie prise de conscience au sein de l’Eglise, pour que ça ne se reproduise plus. Que la parole se libère, et qu’il ne soit plus possible pendant trente ans qu’un prêtre puisse abuser d’enfants régulièrement alors que sa hiérarchie est au courant. Ce n’est pas un film politique, c’est un film citoyen. Evidemment j’espère que les gens vont s’en emparer pour en débattre, les catholiques, l’Eglise, que les parents s’interrogent. Si le film se termine par une question ce n’est pas un hasard, c’est à chacun d’y répondre.

>>Propos recueillis par Emma Schneider <<

Merci à François Ozon, Swann Arlaud, Melvil Poupaud pour leur gentillesse, merci à l’équipe de l’UGC et de l’hôtel de la Cour du Corbeau, merci à Vincent Muller pour ses talents photographiques et aux 3 petits cochons pour leur délicieuses bretzels. 


 Grâce à Dieu

De François Ozon, avec Melvil Poupaud, Swann Arlaud, Denis Ménochet

Sortie le 20 février 2019


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