Parce que certains sports ne bénéficient pas d’une médiatisation suffisante, Pokaa continue sa série de portraits sur les sportives du territoire. Aujourd’hui, sautons dans le vide à la découverte de Charlotte Hertzog, l’une des seules nageuses françaises à pratiquer le plongeon de très haut vol.
Pas mal de Strasbourgeois(es) se sont déjà retrouvé(e)s sur le plongeoir de la piscine de Schiltigheim ou de celle, il y plusieurs années, de Kehl. Certain(e)s ont le vertige, d’autres sautent allègrement, obtenant une sensation difficilement descriptible.
Charlotte Hertzog, elle, saute de 20 mètres (m). Une hauteur impressionnante, réservée à une catégorie de sportives rare en France : celles qui pratiquent le high-dive, ou plongeon de très haut vol. Pourtant, la Haguenauvienne de 29 ans a, elle aussi, la peur du vide !
Une fana des sensations fortes
Néanmoins, même avec le vertige, Charlotte Hertzog a toujours aimé les sensations un peu dingues : « J’ai commencé à être pompier volontaire avant le plongeon, inconsciemment, je suis attirée par les sensations fortes ». Un seul objectif : dépasser sans cesse ses limites pour toujours faire plus, et mieux.
Le jour où t’as plus peur c’est là que ça devient dangereux.
Qu’on ne s’y trompe pas, la peur est toujours là. Une bonne chose : « À 20 mètres, je suis morte de peur. C’est normal, mais il faut l’utiliser pour du bon stress. Je suis prête physiquement et mentalement et tout ce que j’ai fait avant m’a permis d’être là. Donc je me fais confiance et j’y vais à fond ».
Gérer son stress pour profiter d’un instant suspendu
Avec un sport aussi impressionnant, la gestion du stress est donc primordiale, même si elle n’est pas évidente. Surtout que Charlotte Hertzog le fait seule : « C’est moi qui gère l’aspect mental ; j’avais essayé avec quelqu’un, mais tant qu’on y est pas allé soi-même, c’est difficile de comprendre je pense ».
Avant, il y a le stress, le bruit, le désordre dans la tête. Et quand t’arrives au fond de l’eau c’est le calme, l’adrénaline qui arrive ; t’es toute seule, au calme, tu respires, c’est fait.
Mais une fois dans l’eau, c’est l’extase. Et pour le décrire, c’est la Haguenauvienne qui en parle le mieux : « Avant le saut, il y a le stress, le bruit, le désordre dans la tête. Et quand t’arrives au fond de l’eau c’est le calme, l’adrénaline qui arrive ; t’es toute seule, tu respires, c’est fait. J’ai juste envie de recommencer ».
Une progression rapide jusqu'à la Coupe du monde... et les premières déceptions
Une mentalité qui l’a fait rapidement gravir les échelons de son sport. Après la gymnastique, qu’elle pratiquait au niveau régional, elle s’est tournée vers le plongeon à 21 ans et réalise rapidement des sauts pour des spectacles au sein du parc d’attractions Walibi Rhône-Alpes.
En 2018, elle saute à 3m, puis à 8m malgré le vertige. Et finalement, en 2019, elle dépasse la barrière des 20m, « le début d’une nouvelle vie », comme elle le dit avec un large sourire. Car c’est la barre qu’il fallait franchir pour participer à des compétitions internationales !
Depuis ce saut j’ai un réel doute qui s’est installé, une sorte de nouvelle version de moi-même est apparue et je me remets bien plus en question.
Sa carrière commence en 2021, mais sa première vraie expérience est celle de la Coupe du monde 2023, à Fort Lauderdale, aux États-Unis. Une expérience amère pour Charlotte Hertzog, car deux jours avant le départ, elle se blesse en préparation. Son sacrum est brisé, son mental chamboulé : « Jusque-là, il ne m’était jamais rien arrivé(e), donc j’avais une sorte de confiance. Mais depuis ce saut j’ai un réel doute qui s’est installé, une sorte de nouvelle version de moi-même est apparue et je me remets bien plus en question ».
La suite de la compétition est alors compliquée. Deux jours après cet incident, elle doit effectuer quatre plongeons et se classe finalement dernière de la compétition. « C’était un peu le rêve qui se transforme en cauchemar. »
« Tout se fait un peu à l’arrache » : difficile d’être un sport peu médiatisé en France
Une déception qui s’accompagne également d’une autre : celle de ne pas se sentir assez soutenue dans son sport. Charlotte Hertzog développe : « On n’a pas d’infrastructures, ni de subventions des collectivités comme ce n’est pas un sport olympique. On est livré(e) à nous-mêmes : si on veut des stages, des coachs ou des voyages, on doit se débrouiller tout seuls. Tout se fait un peu à l’arrache ».
On est encore loin de ce qu’il faudrait pour prétendre à des résultats.
Si elle note un effort de la part de la Fédération française de natation pour inclure les plongeurs et plongeuses de très haut vol dans l’équipe de France de plongeon classique, ils et elles restent mis(es) de côté financièrement, alors que d’autres pays mettent les moyens.
Une problématique qui touche Charlotte Hertzog. Exemple : elle travaille le côté technique à Schiltigheim, mais cette piscine n’a qu’un plongeoir à 10 mètres. Pour aller plus loin, il faut donc voyager : à Madrid, au Canada et aux États-Unis. Des destinations qui ont épuisé les économies de la Haguenauvienne, qui doit donc trouver des sponsors privés par elle-même.
On est livré(e) à nous-mêmes : je suis investie à fond, mais j’ai des limites financières.
Ce problème financier est vicieux : le manque de moyens signifie aussi moins de résultats…une conséquence qui justifie le manque de financement et donc, le développement du sport sur le territoire. Charlotte Hertzog résume : « Je pense que j’ai commencé 10 ans trop tôt ».
Des objectifs encore incertains
Des difficultés financières qui viennent jusqu’à boucher les objectifs compétitifs de la Haguenauvienne. Le 28 novembre dernier – la veille de notre entretien, ndlr -, elle apprenait sa non-qualification à la Coupe du monde de Doha, pour laquelle elle était pourtant qualifiée selon les règles de la Fédération internationale. La raison ? Une histoire d’argent…
On est très peu à faire ça mais si c’est plus accessible, le sport en sortira grandi en France.
La plongeuse de très haut vol développe : « Comme ce n’est pas une discipline olympique, la Fédération française de natation veut garder les budgets pour les sports des JO, prétextant envoyer seulement les sportifs et sportives capables de faire Top 12 mondial. Ce n’est donc pas moi qui ait été choisie ».
Malgré tout, Charlotte Hertzog a l’esprit résolument tourné vers l’avenir. Cela pourrait même être un mal pour un bien : « Ça enlève finalement une pression. C’est un soulagement de pouvoir me rétablir correctement mentalement et physiquement pour les prochaines compétitions ».