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Casseroles, costumes et lacrymo : à Strasbourg, un 1er mai festif, populaire et revendicatif

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Cette année, le 1er mai, journée internationale de lutte pour les droits des travailleurs, avait été choisie par l’intersyndicale comme 13e jour de mobilisation contre la réforme des retraites. Syndicats, militant(e)s, étudiant(e)s, familles, avec des chants festifs, des pancartes ou encore vêtus de noir : près de 20 000 personnes ont défilé tous ensemble dans les rues de la capitale européenne, en une myriade de cortèges.

Un double rendez-vous pour une même cause : celle des travailleurs. Ce lundi 1er mai, les militants syndicaux sont les premiers à se mettre en place, avenue de la Liberté. Sur les camions et au bout des poings : des pancartes contre la réforme des retraites.

Malgré la promulgation du texte par Emmanuel Macron le 14 avril dernier, les différents syndicats restent déterminés : “La retraite à 64 ans, c’est toujours non.C’est la première fois depuis 1936 qu’ils défilent ensemble derrière une cause sociale précise, en cette journée de lutte pour les droits des travailleurs.

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Au milieu du cortège en formation, le camion-sono de Force ouvrière ouvre les prises de parole. Un intervenant rappelle que l’intitulé “fête du travail” est né sous le régime de Vichy. Mais cette vision du 1er mai instituée par Pétain occulte les premières journées internationales des travailleurs ainsi que la fusillade de Fourmies en 1891.

Lors de cette dernière, les forces de l’ordre avaient fait 9 morts et 35 blessés en ouvrant le feu sur des manifestants demandant des journées de 8 heures de travail. L’églantine rouge avait alors été choisie comme symbole de la lutte, portée à la boutonnière dans les cortèges, le 1er mai. Pétain, lui, imposera le muguet.

1er mai 2023 Strasbourg mobilisation sociale réforme des retraites manifestation
Chez FO on pratique "le revendicatif festif". © Adrien Labit / Pokaa

Le 1er mai est un jour de lutte, rappelle Catherine Jaeglé, trésorière l’union départementale FO 67. Cette année, il se situe dans le contexte de la mobilisation contre la réforme des retraites, de défense des droits des travailleurs et des acquis sociaux.” Cette semaine, des militants syndicaux ont tracté au Baggersee et place de Haguenau “pour informer sur les conséquences de ce texte”, poursuit la syndicaliste. On va continuer à se mobiliser.” 

Ce lundi matin, la mobilisation passait aussi par la distribution de flyers décorés d’un carton rouge. “C’est une réponse à ce qui s’est passé au Stade de France ce week-end”, explique la syndicaliste. Les organisations syndicales avaient en effet prévu une grande distribution de cartons rouges et sifflets aux spectateurs de la finale de la coupe de France, à Paris. Avec consigne de les utiliser à 49 minutes et 3 secondes de jeu.

La préfecture de Police a tenté de l’interdire. “C’est une entrave grave à nos libertés, tempête la trésorière de FO 67. Comment peut-on s’exprimer face à un président qui part à l’étranger pendant les mobilisations, ne reçoit jamais les représentants syndicaux ? Qui est dans le mépris de l’expression démocratique ?

Casseroles, chants et pantins : manifester avec créativité

10h30. Dans le cortège qui ne cesse de grossir, on croise des pancartes et slogans pour les plus traditionnels, des concerts de casseroles, percussions et fanfares pour les mélomanes. Et même un carnaval pour quelques-uns.

Au milieu de la foule, un petit groupe chantent sa colère contre la réforme, sur des airs festifs. Des caricatures d’Emmanuel Macron côtoient une fusée en carton destinée à l’envoyer sur Mars. Et son pantin (qui a ensuite été brûlé, provoquant la colère de la préfecture du Bas-Rhin) marine dans une casserole géante. Nom de l’initiative : Muguet tapant. “Ça fait un moment qu’on se mobilise en manif, c’est cool de changer de format”, juge l’un des membres.

1er mai 2023 Strasbourg mobilisation sociale réforme des retraites manifestation
Le collectif "Muguet tapant" a animé la manifestation avec musique et costumes. © Adrien Labit / Pokaa

Une façon décalée de manifester qui séduit les militants alentours. Et quelques délégués syndicaux. La colère peut avoir plusieurs débouchés et la créativité en est une, juge Chloé Bourguignon, secrétaire générale de l’Unsa 67, médiatisée grâce à son échange avec le Président de la République lors de son passage à Sélestat. Pour la syndicaliste, ces formes de mobilisation ont toute leur place dans la lutte contre la réforme des retraites.

Il y a une vraie inventivité dans la contestation. Et on voit avec les casserolades que cela a des effets. Au début, les membres du gouvernement se moquaient de ce type de mobilisation. Disaient que les casseroles, c’est pour faire la cuisine. Mais maintenant, il y a des fouilles pour confisquer ces dispositifs sonores portatifs”.

La diversité des contestations permet pour la responsable syndicale de maintenir une pression. “Cette réforme des retraites, cela va devenir un cauchemar pour l’exécutif. L’intersyndicale est soudée depuis le mois de décembre et jusqu’au 14 juillet, ils ne vont plus pouvoir faire un déplacement sans emmener un groupe électrogène pour prévenir des coupures de courant, ni sortir sans entendre de casserole. Même une, ça fait du bruit. Et taper dessus, franchement, ça défoule.

1er mai 2023 Strasbourg mobilisation sociale réforme des retraites manifestation
© Adrien Labit / Pokaa

Une journée à la fois de fête et de transmission

10h35. La manifestation s’élance place de la République puis remonte la place Broglie. À l’avant, comme de coutume, le cortège jeune, réuni derrière une banderole confectionnée le matin même devant le restaurant universitaire Paul Appel, après un petit déjeuner convivial.

Le 1er mai est traditionnellement une journée festive. On souhaitait proposer un moment qui nous permette de nous retrouver tous ensemble, détaille Max*. Pour ces militants étudiants, il s’agit aussi de rappeler “que le 1er mai est un jour de lutte”. Le mot d’ordre du jour est fièrement porté sur la banderole : “Nous ne sommes rien, embrasons-nous.”

1er mai 2023 Strasbourg mobilisation sociale réforme des retraites manifestation
Dernier jour des vacances, les étudiants s'était mobilisés dès 8h30 ce matin. © Adrien Labit / Pokaa

Diverse, créative, festive, la mobilisation du jour a également attiré des familles, venues bien plus nombreuses que lors des précédentes manifestations contre la réforme des retraites. Lucie, 45 ans, regarde le cortège s’étirer en attendant de se glisser dans la foule avec son compagnon et ses deux enfants. “D’habitude, je suis obligée de bosser le 1er mai. Là, tout s’est aligné pour que je puisse venir, détaille celle qui n’a pas pu participer aux autres journées de mobilisation pour des raisons professionnelles également. Mais je n’aurais pas pris le risque d’y aller avec mes enfants”, juge-t-elle.

Un peu plus loin, Fanny attend elle-aussi de suivre le mouvement avec son compagnon et ses deux enfants. “Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas déplacée, mais on fête toujours le 1er mai dans ma famille, explique la trentenaire. C’est année, c’est un peu plus militant que d’habitude. C’est une façon de s’opposer à la réforme des retraites et à la politique générale du gouvernement.” Particulièrement dans ses aspects sociaux, sécuritaire et migratoire.

Pour cette salariée de l’éducation nationale, il était important de venir en famille.C’est une vraie transmission des valeurs de montrer que l’on peut manifester librement. Une façon de dire qu’il faut se montrer, qu’il n’y a pas que les élections qui sont importantes.

Faire (Black) bloc

Fort de près de 20 000 personnes, le cortège emprunte le tracé des dernières journées de mobilisation intersyndicale. Remontent vers Homme de fer, bifurque rue des Franc-Bourgeois, poursuit rue de la Division Leclerc avant de tourner à nouveau rue des Orphelins en direction des quais. Au milieu de la foule, des silhouettes noires apparaissent. Discrètes, pour le moment.

1er mai 2023 Strasbourg mobilisation sociale réforme des retraites manifestation
© Adrien Labit / Pokaa

Sur le côté, Severine*, 30 ans, regarde passer la manifestation avec un ami. “Je ne défile pas forcément pour le 1er-mai, mais celui-ci s’inscrit dans la continuité de la mobilisation contre la réforme des retraites, détaille la Strasbourgeoise. Je suis là pour participer à remplir le cortège parce que je pense que cela a un impact sur la manière dont les gens perçoivent le mouvement.

Lors des dernières mobilisations, la jeune femme a également participé à des manifestations spontanées. “Je pense qu’il est important, parfois, de s’éloigner de ce qui est encadré, défini. Ce type d’action offre une autre visibilité à la mobilisation. C’est une forme d’expression. La casse concerne des banques, des enseignes en lien avec l’argent. Même si je n’y participe pas, je suis ok avec ça, ça ne me dérange pas. Je m’habille en noir pour faire corps avec la foule, pour donner de la visibilité à un mouvement populaire.

12h30. Alors que le cortège intersyndical tourne avenue de la liberté, un groupe en noir bifurque vers le Palais universitaire. À sa tête, une banderole renforcée. “Sous les k-way le peuple.” La foule suit massivement le mouvement impulsé par les hommes et femmes en tenues sombres. En Black Bloc. Terme qui désigne un mode d’action et non un groupe ou une organisation.

1er mai 2023 Strasbourg mobilisation sociale réforme des retraites manifestation
Le cortège spontané remonte la manifestation syndicale quai des Pêcheurs. © Adrien Labit / Pokaa

La manifestation spontanée arrive boulevard de la victoire, défait des barrières de chantier, se fraye un chemin à travers les petites rues de la Krutenau. Quelques participants au mouvement éclatent la vitre de panneaux publicitaire JC Décaux et mettent le feu à des poubelles. La foule en noire débouche sur les quais, où l’intersyndicale défile encore. Deux cortèges se croisent. L’un fait place à l’autre qui avance sous les vivas et les applaudissements.

1er mai 2023 Strasbourg mobilisation sociale réforme des retraites manifestation
Rue des Bateliers, la police charge la banderole de tête, matraque au poing. © Adrien Labit / Pokaa

Premiers affrontements sur le Pont Sainte-Madeleine. Des manifestants jettent des bouteilles et des pavés sur les forces de l’ordre qui répondent avec une salve de gaz lacrymogène. Le cortège noir reflue, avance sur les quais et bifurque rue des Bateliers. Il n’a pas le temps de sortir de la rue qu’un groupe de CRS se déploie et charge au milieu de nouveaux tirs de gaz, matraque au poing. Ils procèdent à quatre interpellations.

1er mai 2023 Strasbourg mobilisation sociale réforme des retraites manifestation
Jets de projectiles sur le Pont de la Poste. © Adrien Labit / Pokaa

L’arrière du cortège spontané reprend les quais, tourne boulevard de la Marseillaise. Nouveaux affrontements Pont de la Poste cette fois. Demi-tour en direction du TNS. Gazage. Repli place de la République. Une averse diluvienne éclate, mais peine à dissiper les lacrymogènes qui pleuvent également. Le cortège finit par se disperser au croisement de l’Avenue des Vosges et de la rue Lamey, après un dernier échange de projectiles.

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