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Zombies et littérature : une chercheuse strasbourgeoise nous plonge dans des récits effrayants

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Ils ont osé transformer de grands auteurs et poètes en zombies baveux et en morts-vivants dégoulinants. Et une chercheuse de l’université de Strasbourg a décidé de les épingler en se plongeant dans ces récits effrayants et parfois même un peu gores. On prendrait pas un peu d’avance sur Halloween en se racontant des histoires de morts-vivants ?


Spécialisée dans les littératures francophones issues d’Afrique et des Antilles, Ninon Chavoz est habituée à croiser la figure du zombie dans les récits qu’elle étudie : “Là-bas le zombie a un statut particulier, c’est en quelque sorte là où il est né. En Haïti, les zombies existent d’ailleurs réellement ! On a trouvé des poisons de zombification. Donc il y a une réalité anthropologique de ce côté-là .” Évidemment, comme chacun d’entre nous, la chercheuse a aussi été influencée par les représentations du zombie dépeintes dans les films ou les séries. Pour ses travaux, elle a décidé d’élargir quelque peu la définition, en s’intéressant aux personnages entre la vie et la mort. Qu’ils soient morts-vivants, zombies ou encore à l’état de spectres, tous ont en commun le fait d’être coincés dans un entre-deux angoissant.

livres
© Ninon Chavoz


Une trend zombie chez les auteurs ?

Publié au printemps dernier, son ouvrage “Les morts-vivants. Comment les auteurs du passé habitent la littérature présente” est le produit d’un an de recherches sur la question. “Ce sont des travaux de confinement en sorte.” sourit Ninon Chavoz. Au fil de ses lectures, elle comprend vite que les zombies qu’elle croise sont loin d’être n’importe qui : Je me suis rendu compte qu’il y avait des dizaines de livres où d’anciens auteurs apparaissent” Les ouvrages concernés datent des années 80 jusqu’à aujourd’hui. “Je pense qu’on peut dire que c’est une forte tendance à la fois chez les auteurs français et francophones.” assure l’autrice.

Dans son ouvrage, la chercheuse a sélectionné une trentaine d’auteurs qui n’ont, selon elle, pas grand chose en commun, si ce n’est de s’intéresser aux morts-vivants. Parmi eux, on retrouve de célèbres écrivains installés depuis longtemps comme Bernard-Henri Lévy, Jean-Marie Gustave Le Clézio, mais aussi d’autres qui publient leur tout premier ouvrage. Par ailleurs, elle a aussi remarqué que la plupart n’expérimentent qu’une seule fois ce qu’elle appelle “la fiction morte-vivante” avant de retourner à leurs sujets de prédilections.


D’illustres poètes zombifiés

En général, ces morts-vivants sont des auteurs modernes du 19e. C’est très rare d’aller au-delà et ce sont très souvent des poètes. précise l’autrice strasbourgeoise. Les écrivains auraient d’ailleurs une préférence pour Rimbaud ou Baudelaire, qui ont, semblerait-il, un fort potentiel zombiesque. On se demande comment ils l’auraient pris s’ils en avaient été informés à l’époque. Mais pour Ninon Chavoz ce choix dépend plus largement du genre auquel ils appartiennent : “De tous les genres littéraires, la poésie est aussi sûrement le plus “mort.””  

Dans la grande majorité des cas, le poète zombifié est le personnage principal. Mais celui-ci peut prendre des formes extrêmement variées. Certains bavent allègrement comme ceux qu’on a l’habitude de voir au cinéma. D’autres sont plus proches de la tradition antillaise et sont dépeints en tant que descendants d’esclaves. Mais on croise aussi des fantômes, des spectres, des apparitions, ou encore des sortes de reliques, comme des petits bouts de la personne qui restent vivants. Dans le roman de Jacques Chessex par exemple, le crâne du Marquis de Sade est ainsi présenté comme une relique maléfique au passé effroyable. La chercheuse repère également une dernière catégorie, qu’elle nomme “les agonisants” : “Ils sont entre la vie et la mort, donc ce ne sont pas vraiment des monstres. Mais c’est un peu comme s’ils faisaient des micro allers-retours. Cinq ou six romans sont notamment consacrés aux derniers jours d’un écrivain.” Une chose est sûre, chacune de ces versions du mort-vivant combine à la fois une part d’effroi et d’attirance. Une sorte de fascination dangereuse qui nous pousse à s’en approcher.

livre zombie
“Le Revenant” d’Éric Chauvier.
© Ninon Chavoz


Démystifier les grandes figures de la littérature


Ces célèbres morts-vivants sont souvent décrits dans des situations grotesques :Baudelaire va par exemple se faire émasculer en public dans un des récits sur lequel j’ai travaillé. On désacralise, on piétine ces auteurs, mais en même temps on continue de parler d’eux. C’est lié au patrimoine. La question c’est : comment se le réapproprier sans en faire quelque sorte de sacro-saint, un panthéon dans lequel on ne pourrait pas rentrer.” Cet état d’entre-deux si particulier, permet donc aux écrivains d’en ramener d’autres dans notre époque, sans vraiment leur faire reprendre complètement vie. Ils sont vivants aujourd’hui, mais morts d’hier” s’amuse la chercheuse.

Bien qu’ils proviennent d’une autre époque, ces morts-vivants s’intéressent toujours à des questions très contemporaines comme la problématique environnementale par exemple. Certains auteurs vont même jusqu’à s’arroger le droit de pervertir leur personnage historique en lui attribuant des comportements qui vont à l’encontre des valeurs qu’il défendait à son époque. “Rimbaud par exemple, est mort assez jeune. Et Thierry Beinstingel va imaginer un roman où il survit à sa blessure au lieu d’en mourir et devient alors un entrepreneur. Il en fera même une sorte de précurseur de la littérature du travail. Alors même que Rimbaud a toujours dit qu’il ne voulait pas travailler.” Dans cet ouvrage, le poète a le corps abîmé par sa blessure : Il est vivant, mais il porte le poète mort en lui. Et qu’il s’agisse de son corps ou de son esprit, il n’est plus vraiment le même dans cette “presque” seconde vie.

Selon Ninon Chavoz, ces “fictions mortes-vivantes” permettent à de jeunes auteurs de faire leurs premiers pas dans la littérature en ressuscitant une grande figure du passé, que tout le monde connaît. Et puis du côté des lecteurs, c’est aussi une façon de se réconcilier avec la littérature : Ça permet d’aborder ce qu’on a connu ou appris en contexte scolaire et dépoussiérer cette littérature qu’on a pu juger ennuyeuse, en la rendant familière et inquiétante. En faisant bouger les rôles, on peut transformer notre rapport à la “grande littérature.”

Ninon Chavoz
Ninon Chavoz, chercheuse à l’Université de Strasbourg.
© Caroline Alonso / Pokaa


Les reco pour frissonner un bouquin entre les mains

Après avoir dévoré un grand nombre d’ouvrages de ce genre si particulier, Ninon Chavoz a accepté de nous partager quelques recommandations à destination de celles et ceux qui aiment se faire peur tout en restant bien au chaud sous un plaid. Et en cette période halloweenesque, quoi de mieux que ramener les morts à la vie ? Parmi tous ceux étudiés au cours de ses recherches, l’ouvrage préféré de la chercheuse est celui de Dominique Noguez intitulé “Les trois Rimbaud”.C’est une parodie d’études universitaires, où l’auteur s’amuse à imaginer ce qui se serait passé si Rimbaud avait survécu. Le poète devient un auteur plan-plan et sans saveur. La désacralisation est poussée à l’extrême.” raconte-t-elle. 

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“Azur noir” d’Alain Blottière. © Ninon Chavoz

Quant au roman le plus effrayant, il faudra selon elle se tourner vers un autre ouvrage consacré à Rimbaud, “Azur noir” d’Alain Blottière.C’est l’histoire d’un très jeune garçon, hanté par le fantôme de Rimbaud parce qu’il habite dans la maison où le poète a habité. Je l’ai trouvé assez inquiétant. À la fin du roman, tout le monde se retrouve confiné car un vent de particules toxiques souffle dans les villes. Le fantôme avait prévenu l’adolescent qui finit par errer dans Paris avec ce vent toxique.

Et pour les fans de gore et de zombie repoussant, l’autrice conseille “Le Revenant” d’Éric Chauvier.C’est celui qui se rapproche le plus de la figure du zombie qu’on peut voir au cinéma. Il est très réussi en matière de description de zombie. C’est le zombie de Baudelaire qui se promène. Dans le Marais à Paris, les passants pensent qu’il participe à une zombie walk, mais il va finir par en attaquer un. Pour moi, c’est le roman le plus gore au sens contemporain.

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