Ils nous ont tant manqué et, maintenant qu’ils sont de retour, les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois ne semblent pas prêts de les lâcher. Nos brasseurs locaux tournent à nouveau à plein régime et ont su faire de cette reprise une réussite. On a pris de leurs nouvelles pour savoir comment ils ont vécu ce redémarrage à 100 à l’heure.
On s’était déjà glissé dans les coulisses de la filière avant le 19 mai dernier, pour savoir comment les brasseurs et les grossistes locaux se préparaient à cette date fatidique. Plus d’un mois après, c’est l’heure du premier bilan.
Des clients contents et une soif étanchée
Parmi l’ensemble des brasseurs interrogés, la réponse est unanime : les clients sont au rendez-vous ! Les commandes sont honorées et dégustées avec plaisir par les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois qui se sont précipités dans leurs bars, cafés et restaurants préférés à la réouverture. “Le vendredi soir est le seul soir où nous proposons en plus de nos bières et softs, des planchettes de charcuterie, fromage et légumes, et des knacks. Nous étions complets le 1er vendredi, et depuis les vendredis soirs restent très prisés. Nous sommes ravis de voir La Mercière pleine de vie.” se félicitent Marie-Laure Heitz et Franck Julich de La Mercière.
Un sentiment de retrouvailles confirmé du côté de la brasserie Meteor : “On s’aperçoit que les Français et surtout les Alsaciens sont encore très attachés à leur bistrot !” remarque le président Edouard Haag. Pour la brasserie Perle, la reprise a aussi été très forte. Les clients semblent vraiment contents de retrouver enfin la bière pression en terrasse, mais aussi en restauration. Et le maître brasseur Christian Artzner note même quelques petits changements positifs dans les habitudes de consommation : “Il y a un engouement aussi pour les bières spéciales, les choses un peu plus innovantes car les gens ont pris goût à découvrir de nouvelles recettes pendant le confinement. On est contents, on a fait un beau mois de juin.”
La bière qui coule à flots
Pour faire face à cette reprise en force, il a évidemment fallu produire suffisamment. “À la brasserie Meteor, on fait 70% de fût à destination des cafés et des bars donc on a été particulièrement touchés quand c’était à l’arrêt.” précise Edouard Haag. La brasserie a donc anticipé une forte reprise à partir de début avril et a augmenté son stock en prévision avec un objectif dans le viseur : éviter toute rupture de stock au moment de la reprise : “On est remonté pour avoir entre un mois et deux mois de stock à la mi-mai et heureusement qu’on a fait ça, car la reprise est très très forte, surtout depuis début juin. On a aussi fait le pari dès janvier de racheter des fûts puisque année après année, on a une demande de plus en plus forte. Donc on a besoin de plus en plus de fûts, même s’ils ont une durée de vie de 30 ou 40 ans. Et on les a déjà tous utilisés !”
Pas de doute pour le président de la brasserie Meteor, on rentre vraiment dans le dur de la saison “Même une année hors Covid, il y a toujours des tensions fin juin début juillet on est dans le pic de consommation. J’espère que ça va tenir.” Actuellement, la structure tourne à 100% en trois équipes de 8h qui se relaient : “On travaille jour et nuit pour mettre la bière en fût.. On est passé du tout au tout en quelques semaines.” La brasserie Perle aussi a dû re-remplir tout le circuit entre les grossistes, les caves et les clients : “Ça nous a aspiré beaucoup de volume d’un coup ! Mais quoi qu’il en soit on est hyper contents de travailler, de rallumer la machine ça fait du bien d’entendre les fûts en inox s’entrechoquer à nouveau.” se félicite le maître brasseur.
Prudence est mère de sûreté
Mais après la reprise, la période estivale reste floue pour les brasseurs qui naviguent à vue cette année. “Généralement, il y a une légère diminution au mois d’août, les gens ont tendance à partir aussi, mais ça dépend vraiment des saisons.” explique Erwin Sohn de la brasserie 3 Mâts. Habituellement, la structure parvient à écouler ses stocks grâce aux Décibulles ou bien aux touristes, mais cette année, les professionnels n’ont aucune certitude : “L’été, c’est une bonne saison pour nous, mais peut-être que cette année ça le sera un peu moins que d’habitude, vu que les Strasbourgeois vont peut-être partir, et qu’il risque de ne pas trop y avoir de touristes. Ou alors à l’inverse, tout le monde va vraiment jouer le jeu, on ne sait pas du tout comment ça va se passer.” Pour assurer ses arrières en cas de forte baisse de consommation, le gérant compte bien faire attention à ne pas sur-produire : “Pour le moment on ne va pas faire trop de stock non plus on reste prudent.”
Et il n’est pas le seul à rester sur ses gardes. Du côté de la brasserie Perle, on se demande si l’euphorie va se poursuivre en juillet et en août malgré les vacances et l’affluence touristique. Edouard Haag quant à lui le reconnaît, dans le secteur brassicole, tout est question d’équilibre : “Dans notre métier, on navigue toujours entre deux écueils. Soit on produit trop et le risque en cas de reconfinement, c’est qu’il faudra jeter de la bière ou alors on ne produit pas assez pour faire face à un risque de rupture.”
Alors pour ne rien jeter, il est de notre devoir de continuer à aller trinquer.