Artiste touche-à-tout, Alix Stemmelin cumule les casquettes d’illustrateur, de styliste et de dessinateur de BD. Son style à l’esthétique glamour réussit le pari de mixer pop culture et imagerie religieuse. Une pépite locale, dont le style singulier se fait déjà remarquer à l’étranger.
“Petit, j’ai vaguement dû vouloir faire fleuriste ou égyptologue à un moment, mais en vrai, j’ai très vite su que je voulais dessiner.” Alix Stemmelin cultive ses premières ambitions dans le Sundgau, où il passe son enfance avant de rejoindre Strasbourg pour suivre une année de prépa en arts appliqués, puis un BTS en Design de mode. Mais ce cursus ne correspond finalement pas aux attentes du jeune artiste : “Je me suis aperçu qu’on voulait me fixer des normes et ça ne passait pas. Les écoles d’art, c’est souvent un peu une grosse usine, de laquelle tout le monde ressort avec les mêmes acquis. Alors que je pense que ça devrait plutôt permettre à chacun de trouver sa voie.” explique t-il. Et en effet, s’il y a bien une chose à retenir de la personnalité d’Alix, c’est sa détermination à exercer son art comme il l’entend. Qu’il s’agisse de sa façon de travailler, de son style ou d’investir plusieurs disciplines à la fois, l’illustrateur ne semble pas prêt à faire de compromis. Ainsi, s’il s’est d’abord orienté vers l’illustration de mode, il officie aujourd’hui aussi bien dans le stylisme, que dans l’illustration : “Je ne veux pas choisir entre le dessin et le vêtement, je veux faire les deux. Je ne me mets pas de limite à ce niveau.” Plus récemment, l’artiste a encore ajouté une nouvelle corde à son arc : la bande dessinée.
Une esthétique où deux époques s’entremêlent
Dès sa jeunesse, Alix trouve ses inspirations dans la BD, l’imagerie populaire, avant de s’intéresser davantage à des artistes plus académiques, aux tableaux de la Renaissance, à l’art et à l’architecture religieuse et tout particulièrement le peintre classique Jean-Auguste-Dominique Ingres. En parallèle, il découvre aussi un univers plus “grand public”, grâce aux créations de Jean-Paul Gaultier et à travers les portraits d’Annie Leibovitz. Et c’est finalement un savoureux cocktail de toutes ces influences qui définit le style du jeune illustrateur. Les portraits, les natures mortes, le vitrail sont une part importante de son œuvre. “En ce moment, je fais plutôt du portrait, très coloré, très orienté composition religieuse et très classique. Mais il y a aussi un petit côté comique, une influence Walt Disney. Ça reste réaliste, mais super stylisé.” commente l’artiste. Il confie également : “J’aime bien utiliser des trucs antagoniques, qui ne vont pas ensemble, qu’il y ait un décalage temporel par exemple.”
Et il est vrai qu’on a souvent le sentiment que deux époques se mêlent dans chacun de ses tableaux. Mais c’est surtout l’esthétique glamour qui caractérise le style Alix Stemmelin. Ou comme il le dit lui-même, “le côté porno-chic des années 2000”. Des courbes généreuses et des silhouettes élancées, qui rappellent son goût pour la mode, l’esthétique et le beau. Les personnages sont d’ailleurs essentiellement féminins. Et lorsqu’une figure masculine apparaît finalement, c’est souvent en tant que “simple accessoire” ou en tant que “décoration”.
À la main, sinon rien
Alors que la plupart des artistes prennent le tournant du numérique en créant directement sur ordinateur ou tablette, Alix quant à lui, préfère travailler à la main pour chacune de ses créations : “Je refuse de dessiner avec autre chose que mes mains, des crayons et un papier. Je déteste dessiner à l’ordinateur, de toute façon, je n’en suis pas capable. Je pense que tout ce qu’on imagine, on peut le faire avec ses mains. Pas besoin d’ordinateur. C’est aussi pour ça que je n’étais pas d’accord avec mes profs, je tiens vraiment à travailler comme ça.” Même si l’illustrateur est conscient que cela peut parfois lui fermer certaines portes ou bien dresser quelques obstacles sur son chemin. On vous l’avait dit, pas de compromis.
C’est donc toujours un crayon à la main qu’il trace son esquisse, avant de marquer les contours au stylo, puis de colorer le dessin grâce à des crayons aquarellables ou des feutres à alcool. Une technique qui demande évidemment plus de temps et de précision qu’une version numérique. Pour ses portraits ovales en format A3, il faut donc généralement compter une semaine de travail pour que l’artiste achève l’illustration. Même s’il arrive qu’il dessine du soir au matin lorsque l’envie lui prend : “J’ai un côté monomaniaque” plaisante Alix. Et d’ajouter : “Mais j’espère que quand les gens voient mes dessins, ils remarquent que c’est beaucoup de travail.”
Des dessins qui défilent sur les podiums du continent africain
Après ses études, le passionné de mode qui rêve de créer ses propres vêtements se heurte rapidement aux difficultés de s’imposer dans l’univers si particulier du stylisme. Il décroche alors un job alimentaire afin de pouvoir travailler en parallèle sur ses créations personnelles. Et après des premières tentatives et quelques déconvenues, son style finit par taper dans l’œil du créateur sud-africain Rich Mnisi. Le styliste lui propose une collaboration et les deux artistes échangent leurs idées d’un continent à l’autre, via les réseaux sociaux. C’est finalement lors de la fashion week de Lagos, au Nigeria, que Rich Mnisi fait défiler sur podium le premier dessin signé Alix Stemmelin X Rich Mnisi. Et depuis 2018, les dessins d’Alix ont déjà été présents sur les silhouettes de trois différentes collections. “Quand un créateur dont tu apprécies le travail te contacte, c’est vraiment super. Mais grâce à lui j’ai aussi découvert tout un milieu de créateurs africains super inspirants et un tas de nouvelles marques très modernes.” se réjouit l’illustrateur.
© Rich Mnisi X Alix Stemmelin
Mais ça ne l’empêche pas de nourrir toujours l’espoir de pouvoir développer un jour ses propres créations et sa marque. Et à quoi ressemblerait une telle collection ? Alix imagine plutôt une mini collection : “Il y a déjà des tonnes de vêtements disponibles actuellement, il y a assez de marques, assez de choix. Je voudrais plutôt faire une collection capsule avec par exemple juste une vingtaine de pulls, un peu luxueux, un peu précieux. Ce serait moins accessible, mais plus artistique.”
© Rich Mnisi X Alix Stemmelin
Les mains en France mais le cœur à l’Est
C’est à l’âge de 12 ans qu’Alix fait la rencontre de Yuliya, une petite fille d’origine ukrainienne, qui vient d’emménager dans son village. Très vite, ils deviennent très proches et elle lui fait découvrir la culture slave à travers la gastronomie, la langue et ses traditions. Alix l’accompagne même lors d’un voyage dans son pays d’origine et y rencontre la grand-mère de son amie. “C’était vraiment une culture fascinante. Et comme tout dans ma vie, ça a commencé avec des trucs populaires comme la nourriture, puis je me suis intéressé moi-même à l’art russe et orthodoxe.” se souvient l’artiste.
Aujourd’hui, il débute même une formation pour apprendre le Russe. “Je veux vraiment continuer à m’inspirer de ça. Il n’y a pas que Poutine en Russie ! J’invite les gens à découvrir l’architecture, la nourriture, l’art, etc.” ajoute-t-il. Plus tard, au cours de son cursus, l’illustrateur à aussi eu l’occasion de se rendre en Russie pour la toute première fois et de fouler le sol de la fameuse Place Rouge. Et plus récemment il s’est rendu à Saint-Pétersbourg, une ville qu’il porte particulièrement dans son cœur : “C’est vraiment mon endroit préféré au monde.”
© Rich Mnisi X Alix Stemmelin
La bande dessinée : des icônes féminines qui gagnent à être illustrées
La dernière aventure dans laquelle Alix s’est lancé, c’est la bande dessinée. “En voyant mes dessins, tout le monde me disait qu’il fallait que j’en fasse [une BD] et je me suis toujours dit non. Ce n’est qu’assez récemment, il y a environ 4-5 ans que j’ai commencé à y penser sérieusement.” , raconte-t-il. Alors quand l’occasion se présente, c’est dans la cité phocéenne qu’il choisit de s’exiler pour travailler sur ce vaste projet. Là-bas, loin de ses proches, il se consacre alors au dessin pendant près de six mois : “Je dois dire que j’ai pris mon pied, c’était différent de ce que je faisais. Et puis j’étais un peu confiné avant tout le monde. C’est vraiment bizarre de passer tout son temps sur une seule chose.”
© Alix Stemmelin
Quant à l’histoire qu’il voulait raconter, celle-ci était déjà toute trouvée puisqu’il s’agit de l’histoire de la Baba Yaga, une figure féminine surnaturelle très présente dans les contes russes, que l’artiste a beaucoup lu durant son enfance. La bande dessinée se compose d’une quarantaine de pages, toutes réalisées à la main et Alix s’est aussi permis d’adapter le conte à sa façon, promettant aux lecteurs quelques surprises : “J’aime l’esprit des contes traditionnels donc j’ai gardé le texte original. Mais comme ce sont des ouvrages classiques, la fin était assez sexiste donc je ne pouvais vraiment pas laisser l’histoire telle quelle. Alors j’ai prévu une fin plus gay friendly, j’ai ajouté un peu de dépravation et d’alcool, et j’ai même intégré Macron à la place du tsar !” Avec cet ouvrage qu’il a réalisé seul de A à Z, Alix espère bien réussir à convaincre une maison d’édition ou le célèbre magazine Fluide Glacial de publier sa BD.
Et comme le jeune homme mène plusieurs projets de front, il attend également une réponse des organisateurs du festival d’Angoulême, à qui il a soumis une autre bande dessinée, cette fois-ci réalisée entièrement au stylo Bic et relatant la fascinante histoire de Rolandina, une prostituée transgenre qui officiait au Moyen-Âge à Venise.
© Alix Stemmelin
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