En cette période plutôt sombre, teintée par la crise sanitaire et géopolitiques, il semble assez audacieux de se risquer à imposer une touche de rouge et de colorer notre quotidien d’un peu d’amour. C’est pourtant le défi que s’est lancée la jeune compagnie Fou.folle qui jouera une nouvelle fois le 24 février prochain à la Pokop, 19 rue du Jura. On y raconte l’amour, ou plutôt les amours, ces sentiments avec lesquels on ne transige pas.
Les Rats quittent le navire, c’est le tout premier projet de la jeune compagnie Fou.folle fondée en 2020 par Sacha (metteur en scène de la pièce) et Anette (autrice). Sur scène, on retrouve Fanny et Naëma, accompagnées de leur metteur en scène qui cumule sur ce projet une double casquette. Une pièce qui s’annonce à la fois drôle, extravagante et colorée, et qui aborde le plus intemporel des sujets, en y apportant un nouveau souffle, pile dans l’air du temps.
Sur la route de l’amour
C’est au cours de l’hiver 2019 que Sacha et ses acolytes se sont lancés le défi de parcourir le Grand Est en caravane à la recherche de témoignages sur l’amour et sa signification. Une quête menée sous la forme d’étapes au cœur de huit villes parmi lesquelles Metz, Nancy, Mulhouse, Reims et bien évidemment Strasbourg. “L’idée, c’était qu’on aille à la fois sur des marchés, des parvis de théâtre, ou bien sur des campus, pour interroger les gens sur ce que représente l’amour pour eux. On avait à la fois des personnes qui ne savaient pas trop ce qu’on faisait là et qui venaient par hasard, et d’autres qui attendaient notre venue et qui avaient déjà préparé leur anecdote.” explique Sacha. Dans l’ambiance intimiste de la caravane, les langues se délient et il n’est pas question d’en perdre une miette. Le metteur en scène explique avoir été surpris par les réponses : “On s’attendait à ce que les mêmes choses reviennent, mais on a finalement eu des choses très variées. Parmi les thèmes qui revenaient beaucoup on avait l’amour de soi, la culture queer, ou encore les amours pluriels.” L’équipe enregistre chacun des participants, et c’est à partir de cette petite enquête de terrain que le texte d’Anette sera construit.
Pourquoi “Les Rats quittent le navire” ? Qu’est-ce que ça raconte ?
Dès le départ, les trois personnages attendent quelque chose ou quelqu’un : une personne, un groupe, un événement. Ils cherchent alors à combler le vide et entament une conversation sur leur idée de l’amour. “Ça part très vite en engueulade !” précise Sacha. “Il y a un espèce de gros battle de joutes verbales, puis, on revient à cette attente. Mais on part très vite sur de l’absurde.” Et d’ajouter : “Dans le texte d’Anette, les personnages sont constamment empêchés, c’est très compliqué pour eux. C’est une sorte de dialogue de sourds mais c’est aussi très drôle. Ce n’est pas du tout pessimiste !” Résultat, on ne sait pas où l’action se passe, à quelle époque elle se passe, quelle est l’identité des personnages, et pourtant les dialogues promettent d’être criants de vérité. Quant au titre de la pièce, celui-ci semble être un mystère de plus à découvrir. Au cours du spectacle, des rats font leur apparition à plusieurs reprises, sans que l’on sache vraiment qui ils sont ou bien ce qu’ils représentent : “Ça peut être la société, les personnes homophobes, les transphobes, on ne sait pas trop. Ou bien ça peut être aussi ces trois personnages. C’est assez absurde parce que les rats reviennent et tous cherchent à les fuir et à s’en protéger alors qu’il s’agit peut-être finalement d’eux.” confie le jeune metteur en scène.
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Des armures de durs à queer
Sur scène, les trois comédiens portent les tenues de Charles de Vilmorin, un jeune styliste qui a sorti sa première collection en plein confinement. “J’ai découvert son travail pendant le confinement, un peu par hasard. Ce qu’il fait m’a beaucoup interpellé, sur ce que ça raconte sur le rapport au genre. Je lui ai parlé du projet et ça s’est fait assez naturellement.” raconte Sacha. La pièce dépeint trois rapports à l’amour complètement différents à travers les personnages d’Aimé.e, Désiré.e et Fortuné.e qui défendent leur point de vue avec force et détermination. Chaque comédien arbore donc sa veste comme une armure avec laquelle il se tient prêt à combattre pour ses idées. Mais ce style très coloré exubérant permet aussi de mettre en avant une esthétique queer qui s’accorde totalement au propos de la pièce comme le confirme le metteur en scène : “Ce travail avec les vestes, ça crée des silhouettes totalement différentes. La veste est ample, la matière est un peu celle d’une doudoune, puis on a un pantalon plus proche du corps avec des talons. Donc soudainement, on a un corps qui paraît presque désarticulé. On n’a pas besoin de savoir si ce sont des hommes, des femmes, des individus binaires, ou non-binaires.”
Un texte écrit et récité en écriture inclusive
L’ensemble de la pièce est non seulement écrite en écriture inclusive mais également jouée sous ce format-là par les acteurs. Dans sa note d’intention, l’autrice précise : “Cette écriture permet d’inclure quiconque la lirait, quiconque la verrait, quiconque l’entendrait. Pour que toutes et tous, puissions bénéficier de modèles, de personnes à qui s’identifier. Pour que, pas une personne ne se sente en dehors du propos.” Un défi pour les comédiens, qui ont dû apprendre à prononcer les mots d’une nouvelle manière et qui incarnent des personnages qui ne sont pas genrés. Mais que les Strasbourgeois et les Strasbourgeois se rassurent, Sacha promet que même avec cette particularité, le texte reste intelligible : “Même si c’est au départ assez étrange, au bout de 5-10 minutes l’oreille s’habitue !”
Les Rats quittent le navire
À la Pokop, 19 rue du Jura
67 000 Strasbourg
Jeudi 24 février à 20h
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