Alors que la part individuelle du Pass Culture a drastiquement baissé le 1er mars, sa part collective a elle été complètement gelée à la fin janvier. Des décisions gouvernementales qui vont avoir des conséquences sur le milieu de la culture à Strasbourg, tout comme sur celui de l’éducation aux médias. Et in fine, sur les ados.
Coup dur pour la culture, en France comme à Strasbourg. Le 30 janvier dernier, la part collective du Pass Culture pour les collèges et lycées a été gelée jusqu’en septembre, provoquant l’annulation du dispositif, qui permettait à chaque établissement scolaire d’organiser de nombreuses sorties culturelles.
Deuxième coup de rabot dans le dispositif le 1er mars dernier, avec la baisse drastique de la part individuelle [proposée à chaque jeune entre 15 et 18 ans, ndlr]. Désormais, plus de Pass Culture pour les jeunes de 15-16 ans, 50 € pour les ados de 17 ans et 150 € plutôt que 300 € pour les lycéens de 18 ans. Pour faire simple : alors que l’aide était de 350 €, étalés entre les 15 et les 18 ans de chaque jeune, elle sera désormais, au maximum, de 200 €.

Des annonces qui ont fortement inquiété le monde de l’enseignement et de la culture, en France comme à Strasbourg. Le 27 mars dernier, plusieurs centaines de personnes manifestaient contre les coupes budgétaires dans le milieu de la culture, décidées dans une vingtaine de départements. Un sujet qui n’est pas toujours ancré dans les préoccupations locales, mais qui a pourtant des conséquences très concrètes, sur les élèves et l’accès à la culture.

Un Pass Culture gelé
Selon Marine Dumeny, porte-parole du collectif Debout pour l’EMI [éducation aux médias, ndlr], la nouvelle a été annoncée par mail aux enseignant(e)s et aux personnes impliquées dans le dispositif du Pass Culture : « Ça disait que le dispositif arrêterait de fonctionner, qu’on ne pourrait plus proposer d’interventions et que les professeurs ne pouvaient plus en demander. »
Je pense qu’ils vont réduire le Pass Culture le plus possible jusqu’à extinction, au vu des schémas de coupes budgétaires.
Ce pour une raison très simple : l’enveloppe de la part collective du Pass Culture a été gelée à 50 millions d’euros jusqu’à la fin de l’année scolaire. Un problème selon Marine Dumeny, qui considère que la période entre mars et juin est généralement la plus chargée. Un crédit supplémentaire de 22 millions d’euros reviendra ensuite jusqu’à décembre, permettant théoriquement de financer à nouveau quelques projets.
Mais pour Marine Dumeny, l’inquiétude est de mise : « On ne sait pas ce qu’il en sera pour la rentrée, on est un peu sur la retenue. Quand le Pass Culture avait été mis en place, ce n’était pas censé être quelque chose de pérenne. Je pense qu’ils vont le réduire le plus possible jusqu’à extinction, au vu des schémas de coupes budgétaires. »

Des conséquences très concrètes pour les établissements et les élèves
Ce gel de la part collective du Pass Culture a des conséquences très concrètes sur les établissements, à Strasbourg comme ailleurs : en juillet 2024, plus de 93% des établissements scolaires ont utilisé ce dispositif sur l’ensemble du territoire, « pour monter des projets culturels ou éducatifs, les professeurs ont besoin de fonds, et le Pass Culture permettait une partie de ces financements. »
Surtout, le dispositif permettait de toucher près de 5 à 6 millions d’élèves : « C’est très bénéfique pour eux et ça serait vraiment dommage de l’arrêter là. Et si on arrête, l’impact est déjà assez fort : si on ne le voit pas tout de suite, on le verra dans les prochaines années », explique la journaliste.
La fin de ce dispositif, c’est trahir les gamins, ils ont besoin de ça. Ça leur coupe l’herbe sous le pied pour leur avenir.
Particulièrement sur le sujet de l’éducation aux médias : « On est dans une période avec deux grosses guerres, on fait face à énormément de désinformation. Nous, on apporte un bagage culturel et un esprit critique. On arrive souvent sur les réseaux d’éducation prioritaire ou en milieux ruraux, où les élèves n’ont presque jamais contacté un journaliste de toute leur vie. »
Un lien de confiance se crée, qui est bénéfique pour tout le monde : « Les élèves ont besoin d’avoir quelqu’un en face pour se représenter le métier et les profs sont aussi ravis parce que ça fait plein de sujets à proposer. Ça permet d’apprendre à faire des recherches, à s’ouvrir à l’autre et, sur le long terme, ça sera bénéfique dans leur cursus. »

Pour les pigistes, artistes et intermittent(e)s du spectacle, c'est « un gros coup au moral »
Enfin, pour les pigistes, artistes et intermittent(e)s du spectacle, cette annonce gouvernementale leur a donné « un gros coup au moral » : « Tous les ateliers discutés mais pas encore validés sont tombés à l’eau. Ça représente de gros soucis financiers pour certains. » Ainsi, ce dispositif ne donne plus aucune garantie économique.
Marine Dumeny ne dépend pas financièrement de la part collective du Pass Culture, mais pour elle, il est important de le faire perdurer : « J’étais en ZEP à l’époque de ma scolarité : je sais ce que c’est de ne pas avoir accès au monde extérieur, d’être « citoyen de seconde zone », de prendre des râteaux. C’est pourquoi je trouve que ce dispositif est super important, en permettant à toutes et tous d’avoir accès à la culture et de pouvoir s’émanciper. » Une réalité qui semble avoir échappé au gouvernement.