En ce premier samedi de mars, le soleil joue encore un peu à cache-cache mais ses rayons illuminent quand même la cathédrale. Sur le campus de l’Université de Strasbourg, dans une salle qui accueille chaque semaine des centaines d’étudiant(e)s, six ont un rêve : devenir journaliste. Entre réalité du métier et préparation des concours, on a suivi pendant quelques heures leur folle aventure.
C’est une association d’intérêt général qui porte bien son nom : La Chance. Depuis 2007, elle aide gratuitement des étudiant(e)s boursiers/ères ou en situation de handicap à intégrer les écoles de journalisme reconnues par la profession, aux quatre coins de la France, de Marseille à Paris, en passant par Bordeaux, Grenoble, Rennes et Toulouse.
À Strasbourg, elle existe depuis 2016 et compte aujourd’hui une vingtaine de bénévoles qui sont, pour la très grande majorité, des journalistes professionnel(le)s d’horizons divers : Pokaa, France 3 Alsace, Rue89 Strasbourg, AFP, BFM Alsace, Le Trois, Radio France, DNA ou encore Arte.
Dans la capitale alsacienne, ces bénévoles aident chaque année entre 5 et 10 étudiant(e)s à atteindre leur rêve, devenir à leur tour des journalistes, grâce à des cours théoriques et pratiques le samedi après-midi. De la culture G à l’actualité, en passant par la langue française : l’objectif est de les entraîner à réussir les concours des 15 écoles reconnues en France.
En parallèle, La Chance veut surtout permettre une plus grande diversité dans les rédactions des médias, qu’elle soit socio-économique ou ethnoculturelle. Et pour mieux comprendre le fonctionnement de cette asso, on a posé nos questions à la promo 2025 !
Un soutien pour des étudiant(e)s originaires d'Alsace, mais pas que
Cette année, la promo strasbourgeoise de La Chance est composée de six étudiant(e)s qui ont entre 22 et 25 ans : Luca, Adèle, Benjamin, Yosser, Rébecca et Quentin, qui est, lui, repasseur. Késako ? Cela signifie qu’il a déjà passé les concours avec l’association l’année dernière et qu’il tente une seconde fois ! Présentateur/rice, reporter, journaliste reporter d’images… Toutes et tous souhaitent travailler, dans un futur proche, en presse écrite, en radio ou en télévision, en France ou à l’international.
De plus, ils et elles habitent en Alsace, ce qui n’est pas toujours le cas. Dans les années passées, les villes de Belfort ou encore de Metz étaient représentées. « Dans ces cas-là, La Chance aide financièrement l’étudiant pour qu’il puisse venir aux cours, en payant une partie du train », explique une bénévole.
Parfois, ils et elles suivent des cours à la fac en parallèle (en droit, en lettres modernes, en histoire) ou travaillent, en service civique à la Radio Bienvenue Strasbourg (RBS) par exemple. Boursiers/ères, ces étudiant(e)s ne peuvent souvent compter que sur eux-mêmes pour payer le loyer ou encore leurs courses.
C’est aussi là qu’intervient l’asso, car chaque étudiant(e) est accompagné(e), à Strasbourg, par trois référent(e)s : un ou une ancienne étudiante de la prépa devient sa marraine/son parrain, et deux tuteurs/rices sont là pour l’aider toute l’année. « C’est une chance d’être suivie par deux journalistes professionnelles, je peux les contacter à tout moment en cas de question ou de doute », explique Yosser.
Pourquoi vouloir devenir journaliste ?
L’association est aussi là pour aider ces jeunes à clarifier leur projet professionnel. Alors, après six mois de formation, à la question « Pourquoi vouloir devenir journaliste ? », chacun(e) a ses arguments.
« Vouloir faire ce métier en 2025, c’est s’engager contre la désinformation, explique Yosser. Le rôle des journalistes est crucial pour vérifier l’information et éviter d’être submergé de fake news. » Une parole partagée avec Rébecca, qui poursuit : « Ce qui est intéressant dans ce métier, c’est que les faits priment sur l’imaginaire, les ressentis, et les journalistes doivent s’adapter chaque jour aux situations et aux personnes rencontrées. On est là pour informer les gens sur ce qu’il se passe autour d’eux, à l’échelle locale, nationale et mondiale. »
De son côté, Luca pense que le travail de journaliste devient de plus en plus nécessaire : « On voit bien ce qui se passe aux USA avec Trump et Musk, où le journalisme est attaqué de toutes parts. Cette dérive arrive aussi en France et ça m’inquiète, car je suis attaché à la vérité. »
Comme Quentin, Benjamin n’hésite pas à utiliser le mot « passion » pour décrire son projet professionnel. D’ailleurs, il a déjà une idée bien précise de ce qu’il souhaite faire : « Depuis petit, je regarde du sport à la télé et j’ai commencé à m’imaginer devenir commentateur comme Margotton, Sabatier ou Benjamin Da Silva. Pour y arriver, j’ai appris qu’il fallait devenir journaliste, alors me voilà. »
Un idéal qui ne l’empêche pas d’avoir les pieds sur Terre : « C’est un milieu précaire, mais ce n’est pas un obstacle. Si je veux faire ce métier, ce n’est pas pour l’argent, sinon j’aurais fait des études d’ingénieur. »
La dernière réponse est pour Adèle : « Personnellement, je veux devenir journaliste pour raconter des histoires. J’aime l’idée de permettre à chacun de s’informer sur des sujets qu’il n’aurait pas côtoyés sans mon travail. Plus politiquement, c’est aussi pour faire peser les témoignages d’autres personnes que de politiciens dans le paysage médiatique, afin de faire fleurir la diversité et, avec un peu d’espoir, faire reculer les formes de haine qui s’enracinent de plus en plus ces dernières années. »
France 3, Arte, AFP ou encore DNA : pour réussir, les étudiant(e)s partent aussi en stage
Au-delà des cours et de l’accompagnement quotidien sur neuf mois, les bénévoles de La Chance viennent en aide aux étudiant(e)s de plusieurs façons. À Strasbourg, ils et elles organisent par exemple des visites du Parlement européen ou des ateliers radio avec Radio En Construction (REC, 90.7 FM). L’occasion d’en savoir plus sur les institutions européennes mais aussi de manier pour la première fois leurs futurs outils professionnels.
En parallèle, l’association et les bénévoles aident les étudiant(e)s à trouver des stages dans des médias divers et variés. « Grâce à La Chance, je bénéficie d’un grand réseau de journalistes, ce qui me permet de me faire petit à petit une place dans le milieu. Sans cet accompagnement, ça aurait été bien plus compliqué de décrocher certaines opportunités », déclare Yosser, qui a notamment fait des stages à France 3 et à Rue89 Strasbourg.
Fille d’agriculteurs/rices et titulaire d’une licence professionnelle dans le commerce en grande distribution, Rébecca ressent aussi ce soutien : « Rien ne me prédestine à devenir journaliste. Sans les contacts, c’est difficile d’effectuer des stages dans des rédactions. Sans mauvais jeu de mots, c’est une chance d’être à La Chance. »
Un autre aspect revient également dans les témoignages de ces étudiant(e)s : le besoin de se sentir légitime.
« Au début de l’année, on a l’impression de ne pas être légitime quand on fait le premier test d’actualité et qu’on a 5/20. Mais on nous dit que c’est normal, que ça va venir. Il y a un vrai investissement de la part des bénévoles, qui sont optimistes et qui cherchent à nous faire progresser », affirme Benjamin, tout comme Adèle et Yosser. Cette dernière précise : « Quand on vient d’un parcours sans lien direct avec le journalisme, les stages et l’accompagnement permettent vraiment de se sentir à sa place. »
Une aide financière pour les concours et surtout une belle « cohésion »
La Chance aide aussi les étudiant(e)s à faire face aux prix des concours, parfois élevés, grâce à une bourse. Un point abordé par Yosser : « Quand on veut multiplier ses chances d’obtenir une admission, les prix représentent aussi une contrainte. Sciences Po Paris coûte par exemple 150€. Quand on candidate à plusieurs écoles, la facture peut monter à plusieurs centaines d’euros. »
Quentin développe : « Même après les concours, quand on intègre une école, on a le droit à une bourse qui s’ajoute à celle du Crous. C’est un coup de pouce très important. »
Et l’ambiance dans tout ça ? « Il y a une vraie bienveillance » assure Adèle, suivie par Yosser : « La promo étant restreinte, il y a un véritable esprit de cohésion et d’entraide. Contrairement à d’autres prépas où la compétition peut être pesante, à La Chance, on avance ensemble. »
Des candidatures ouvertes jusqu'au 9 juin
Installée depuis huit ans à Strasbourg, l’association La Chance est actuellement à la recherche de sa future promo, pour une rentrée prévue en septembre 2025. Alors, si vous voulez devenir journaliste et que vous habitez le Grand Est ou une autre région, vous pouvez candidater en cliquant ici. Il n’y a que deux critères : être boursier/ière ou équivalent et être titulaire au minimum d’un diplôme Bac+2 ou de 120 crédits ECTS l’année des concours.
Et surtout, on croise les doigts pour Luca, Adèle, Benjamin, Yosser, Rébecca et Quentin !
