Tristement mis en lumière dans la presse en 2018, avec une affaire de pillage des réserves, le Musée de l’impression sur étoffes (MISE) à Mulhouse abrite un trésor inestimable, connu dans le monde entier. Dans ses murs, se côtoient l’histoire du textile local et mondial, les techniques qui y sont associées, mais aussi des livres entiers d’échantillons de tissus traversant les époques et les tendances. Immersion dans ce joyau de la mode, qui a inspiré de nombreux grands noms comme Chantal Thomass et Hermès.
Dès 1833, les industriels mulhousiens se rassemblent en Société industrielle de Mulhouse (SIM) afin de collecter des archives de leurs savoir-faire, pour garder une trace de leur travail, mais aussi pour nourrir le talent et l’imagination des étudiants de l’École de dessin industriel créée par leurs soins, dans le but de former les meilleures recrues pour leurs manufactures.
Les collections enflent rapidement, et après plusieurs déménagements et deux conflits mondiaux, le musée prend définitivement place en 1955 dans son bâtiment actuel, à Mulhouse. À la fois musée du textile, de la mode, des arts décoratifs et de l’histoire du goût, le Musée de l’impression sur étoffes a de quoi satisfaire les curieux/ses !


Histoire des techniques et contrefaçons
Lorsqu’on franchit les portes, on est directement saisi par la beauté et la profusion des tissus qui habillent la boutique du musée : des étoffes colorées, fleuries, au retombé parfait. Le ton est donné, dans ce lieu qui abrite pas moins de 6 millions d’échantillons de tissus, et 50 000 documents textiles.


La visite commence au rez-de-chaussée. On rentre directement dans le vif du sujet avec une rapide histoire des différentes techniques d’impression sur étoffes, mais aussi les grandes évolutions dans le domaine, comme l’introduction de l’impression en continu grâce à des rouleaux de cuivre gravés, qui ont mené à la production industrielle que nous connaissons aujourd’hui.
On trouve d’ailleurs, dans la salle suivante, de magnifiques exemples d’indiennes, produites grâce à ces nouvelles techniques. Il s’agit d’un tissu léger imprimé, produit à partir de 1746 à Mulhouse, et qui fait la fortune de la bourgeoisie de l’époque.


L’engouement est tel, que de nombreuses contrefaçons apparaissent sur le marché, comme on l’apprend un peu plus loin dans le musée. Cela mène à la mise en place de contrôles stricts des productions pour éviter la contrebande. C’est à partir de ce moment que les entreprises se mettront à accoler des marques sur les tissus, comme gage de qualité et de prestige. Une habitude que nous n’avons pas perdue aujourd’hui.


Il y a également, savamment exposées dans un désordre organisé, d’anciennes planches à impression, véritables trésors du musée. Si toute une pièce est dédiée à l’explication de l’utilisation de ces planches, il est également possible pour les visiteurs/ses de participer, sur réservation, à des ateliers pour s’initier à la technique d’impression sur tissu. Une belle opportunité de pouvoir manier les planches à impression, dont certaines datent du XVIIIe siècle !



Des fleurs pour les géants de métal
Au rez-de-chaussée, se trouve aussi la « Salle des fleurs », une pièce aux couleurs chatoyantes, dédiée aux peintures de fleurs, un motif central dans l’impression sur étoffe, dénotant d’un goût certain pour la nature et les paysages romantiques.
On y découvre certaines personnalités notoires de la création florale, comme Madeleine Lemaire, surnommée « L’Impératrice des roses » dans le milieu parisien, une peintre spécialiste des fleurs. Talentueuse, féministe, elle a côtoyé et reçu, dans son hôtel particulier, les plus grands de son époque, comme Alexandre Dumas, Anatole France, ou Marcel Proust.


Après ce bain de pétales, on gravit une volée de marches d’un bel escalier monumental, pour atteindre le premier étage. Pour clôturer la visite en beauté, dans l’aile gauche, il est possible de déambuler au milieu de géants de métal datant du XIXe siècle.
Vestiges des usines mulhousiennes, ces monstres de métal sont des dons des industriels de la SIM (Société industrielle de Mulhouse) pour enrichir les collections du musée, et des témoins de la place importante de la ville dans la révolution industrielle. On se sent tout(e) petit(e) face à l’immensité du progrès.



Des collections décimées
L’aile droite du premier étage est consacrée à des expositions temporaires. Récemment, l’expo Quel chantier !, revenait sur l’inventaire qui a suivi l’épisode malheureux du pillage des collections, évoqué au début de cet article.
L’affaire a débuté en avril 2018, lorsque la direction du musée a eu la désagréable surprise de recevoir un coup de fil d’une maison de vente parisienne, Sotheby’s Paris, lui signalant avoir été contactée pour mettre aux enchères deux vases Gallé datant du XIXe siècle. Le problème ? Ces deux pièces n’étaient pas supposées être à Paris, mais dans les réserves du MISE à Mulhouse.

Une plainte est alors déposée, et une enquête est ouverte par la police judiciaire de Mulhouse et l’OCBC (Office central de lutte contre le trafic de biens culturels). Rapidement, le principal suspect n’est autre que le conservateur du musée lui-même, qui a profité de lacunes dans l’inventaire des pièces.
Le constat est lourd : 3500 livres d’échantillons, sur les 5000 que compte la collection, ont disparu, ainsi que plus de 400 carrés Hermès sur les 515 qui étaient entreposés au musée (témoin de l’amitié qui lie le musée et la maison de couture parisienne).
Le MISE se retrouve dans une grande détresse matérielle et financière, et est mis en demeure par l’État. En 2020, un inventaire exact des collections et du pillage est alors lancé, sous la tutelle de la DRAC Grand Est (Direction régionale des affaires culturelles). Ce « chantier » est toujours en cours !

À ce jour, 76 carrés Hermès pillés ont été retrouvés et restitués au musée grâce à l’enquête menée par l’OCBC et la police judiciaire de Mulhouse. Il s’agit d’une part minime du trésor dérobé, mais qui a remis du baume au cœur aux équipes du musée, et aux amoureux/ses de la mode. Véritable entité résiliente, le MISE se relève et se réinvente, restant une source d’inspiration pour des milliers de créateurs/rices et de stylistes à travers le monde.