Lors des JO de Paris, 36 athlètes strasbourgeois(es) et alsacien(ne)s nous ont fait vibrer. On est parti à la rencontre de certain(e)s d’entre eux/elles, pour raconter leurs histoires et leurs parcours, et pour mieux les connaître. Aujourd’hui, on se crosse sur les playgrounds du parc de la Citadelle avec Frank Ntilikina, le plus Strasbourgeois des joueurs de basket.
Chez les Ntilikina, le basket est une affaire de famille. Né il y a 26 ans en Belgique, Frank Ntilikina est vite arrivé à Strasbourg avec sa mère et ses frères. Dès ses 5 ans, il tombe amoureux du basket en voyant un match d’un certain LeBron James, et il se passionne très vite pour la NBA et la culture américaine, « un coup de foudre » selon lui.
Ni une ni deux, le petit Frank commence à tâter de la balle orange avec ses frères dans les parcs. Dans l’attitude, il est déjà prêt pour la NBA : « La culture américaine m’attirait et je trouvais ça stylé (rires). En plus, le fait d’être avec mes grands-frères, je voulais déjà parler anglais tout jeune, quand on allait à la Citadelle sur le playground ». Curieux et voulant savoir tout sur son sport, il ne cherchait qu’une chose : devenir meilleur.
Son premier match à la SIG à l’âge de 15 ans
Après avoir commencé au SUC, il va à l’Esplanade au Saint-Joseph Basket, puis entre le Neudorf et la Meinau, il gravit les échelons. Il intègre le centre de formation de la SIG à 15 ans, lors de son année de seconde, passée à Marc Bloch. C’est aussi à cet âge-là qu’il joue son premier match à Strasbourg, contre Boulogne sur Mer.
Après une année de première passée à s’entraîner de plus en plus avec les pros strasbourgeois, il intègre à plein temps l’équipe pro de la SIG durant son année de terminale en 2015/2016. Il participe à des rencontres de Coupe d’Europe, notamment face à Belgrade, son futur club.
Comme l’année précédente, il perd en finale du championnat de France, mais il est également à nouveau élu meilleur espoir du championnat. Et surtout, tout au long de la saison, des recruteurs américains se pressent au Rhénus car Frank Ntilikina attire la NBA.
Une expérience mitigée sportivement mais enrichissante humainement en NBA
Et justement, lors de la draft 2017, le basketteur strasbourgeois vit son rêve : il est sélectionné en 8e position par les Knicks de New-York, une des franchises mythiques de la NBA. À l’époque, il rentre dans l’histoire du basket français : il est le Français drafté le plus haut de l’histoire. Malgré quelques blessures au début de sa 1e saison, il réussit à s’imposer comme doublure du meneur de l’époque Jarrett Jack.
En NBA je n’avais pas forcément tous les moyens pour m’exprimer au mieux en tant que joueur.
La suite sera plus compliquée : après 4 saisons contrastées chez les Knicks, il part aux Mavericks de Dallas. S’il connaît l’expérience d’une finale de conférence face aux Warriors [finalement vainqueurs cette année-là], là encore c’est compliqué. Finalement, sa dernière saison NBA se passe à Charlotte, mais après de nombreuses blessures, il est licencié en février 2024, le laissant démuni à seulement six mois des JO.
Frank Ntilikina ne se cache pas, quand on lui parle de son expérience NBA, il reconnaît un « bilan mitigé, qui n’était pas forcément ce qui était rêvé au niveau de la carrière ». Mais le Strasbourgeois préfère voir le positif : « L’expérience était très enrichissante humainement et sportivement. Quant t’arrives à New York dès 19 ans, tu fais face à la vie seul, en temps que meneur d’une franchise historique, tu dois tout apprendre. Faire ça pendant 4 ans c’était magnifique ».
Un compte à rebours avant les Jeux
Rentré blessé en France, Frank Ntilikina n’a qu’un objectif : se retaper physiquement pour faire les Jeux. Un compte à rebours commence pour le Strasbourgeois : « Je suis rentré avec la volonté de me remettre sur pied, de commencer un nouveau départ pour ma carrière en général mais aussi pour les JO, parce que là c’était compliqué de se projeter à ce moment-là ». Il met le bleu de chauffe, fait des bilans physiques et a bossé comme un dingue avec son entourage.
Un « parcours énorme », pour avoir la chance de revivre son rêve de gosse et retourner aux Jeux. Finalement, Vincent Collet [sélectionneur de l’équipe de France de basket, ndlr] le pré-selectionne ; une récompense pour un basketteur en quête d’amour du jeu : « Quand j’ai retrouvé le terrain, c’était rafraîchissant ; je retrouvais le jeu comme j’aimais, c’était un nouveau départ ».
Pendant les Jeux, un groupe s’est créé
Repartant avec la médaille d’argent après une défaite frustrante face aux Avengers américains, les Bleus ont rempli leur contrat. Mais la route pour y arriver a été chaotique : victoire poussive face au Brésil, miraculeuse face au Japon et déroute face aux Allemands, l’équipe de France ne convainquait pas à la maison.
Mais après cette défaire, Frank Ntilikina parle « d’électrochoc » : « On s’est remis en selle les jours qui ont suivi la défaite face à l’Allemagne, qui permis de reconstruire un état d’esprit parfait ». Lors de leur quart face aux Canadiens, ces derniers arrivent confiants, sans doute trop. Mais juste ce qu’il faut pour motiver les Bleus et Frank, passé titulaire : « Leur attitude, c’était ce qu’il nous fallait pour nous motiver ».
Titulaire ou remplaçant, j’y fais pas grande attention ; les tactiques sont si différentes de match en match sur les JO. Pour moi, l’important c’était de compter les uns sur les autres, 12 joueurs à se faire confiance.
Jeux olympiques : le Strasbourgeois Frank Ntilikina médaillé d’argent au basket
Une victoire impressionnante plus tard, et les Bleus refont face à l’Allemagne. Cette fois, le collectif et la force de caractère incroyable développé par l’équipe de France font la différence : le champion du Monde est dehors, dans une ambiance incroyable. Frank Ntilikina n’en revient toujours pas : « C’était juste une expérience inoubliable à la maison : les 27 000 personnes à Lille, les 14 000 personnes à Bercy, la famille, on le ressent, c’est quelque chose d’exceptionnel ».
Finalement, les Bleus s’inclinent en finale face aux États-Unis, à l’issue d’un gros combat. Une légère frustration pour le meneur strasbourgeois : « L’objectif de la médaille a été atteint, mais ça reste un peu frustrant ; le rêve c’était de jouer et gagner contre les États-Unis ». Quelques semaines après la finale, il réalise néanmoins l’exploit réalisé : « Quand on est à l’intérieur, on s’en rend pas forcément compte mais quand la pression redescend, on se rend compte du truc ».
« Strasbourg c’est la maison »
Malgré sa carrière NBA, malgré ses exploits, Frank Ntilikina n’a jamais oublié sa maison, son QG comme il l’appelle : Strasbourg. Il y revenait à chaque fin de saison NBA, pour « passer du temps à ma famille, retourner dans les endroits où j’ai grandi ». En parallèle, il souhaite rendre à Strasbourg ce que la ville lui a donné : « Je veux essayer de construire et développer le sport et le basket en Alsace ».
Et le Strasbourgeois a déjà commencé à rendre : il a été le mécène de la rénovation des terrains de basket de la Citadelle, proposant 50 000 € pour la peinture au sol des terrains.
À la Citadelle, c’était quelque chose de fort qui s’y passait chaque été, même l’hiver. On passait toutes nos journées là-bas, c’est le QG aussi.
Un geste normal pour lui : « On a grandi sur ces terrains ; je me faisais refuser au début par les grands (rires). Parfois, on voyait qu’il y a avait pas de filets sur les paniers, y avait un Félix qui venait mettre des filets, on signait des pétitions pour renouveler les terrains. Donc j’avais la volonté d’en parler avec la mairie et les interlocuteurs pour faire quelque chose avec ce terrain ».
D’autres projets, Frank n’en manque pas : « J’ai en tête un projet de camp d’entraînement, c’est dans les papiers depuis un moment. Pour moi, c’est une première grosse étape pour pousser et apporter les outils aux jeunes et à tout le vivier alsacien. On a un potentiel de ouf ». Affaire à suivre.
Se retrouver et se relancer
Pour la saison prochaine, Frank Ntilikina retrouve l’Europe, avec le club serbe du Partizan Belgrade. Un immense club du basket européen, avec des ambiances toujours incroyables. Un soulagement pour lui : « En tant que joueur c’est un des, sinon le meilleur club du monde. C’est la passion, l’amour du jeu ».
Le jeune Frank, maintenant, il est content, il a retrouvé le bonheur de vivre.
Humainement, le meneur strasbourgeois est également soulagé de ce nouveau départ : « Je suis super content, dans un environnement super sympa. C’est une nouvelle découverte humaine, c’est rafraîchissant. Là je peux reprendre et me relancer ». On ne peut que lui souhaiter de rester en bonne santé et de retrouver de la réussite. Le travail va payer.