Lors des JO de Paris, 36 athlètes strasbourgeois(es) et alsacien(ne)s nous ont fait vibrer. On est parti à la rencontre de certain(e)s, pour raconter leurs histoires et leurs parcours, et pour mieux les connaître. Aujourd’hui, on plonge dans le grand bassin avec Eve Planeix, nageuse artistique sortant d’une 4e place olympique.
Parfois, on sent que l’on est fait(e) pour un sport, comme une vocation qui devient incontournable, comme une évidence. Parfois, on plonge dedans par hasard, et on se rend compte qu’on ne s’arrêtera plus. Pour Eve Planeix, c’est la deuxième option qui s’est imposée à elle.
La Clermontoise de 23 ans a débuté la natation à 9 ans, après plusieurs années de danse. « Jalouse » de voir que son frère gagnait des médailles en lutte, comme elle le raconte en riant, elle tombe sur la natation artistique aux Jeux de Pékin en 2008. D’un coup d’un seul, elle dit à ses parents : « C’est ça que je veux faire. »
Un plongeon réussi dans le grand bain de la natation artistique
Si elle savait déjà nager, elle doit, à l’époque, apprendre en détail le crawl et les différentes bases pour se déplacer dans l’eau. Pour elle, tout est très vite devenu naturel : « Ça s’est tout de suite très bien passé, je voyais que c’était top ce que je faisais. » Ça n’empêche pas Eve d’être frustrée : « Je voulais déjà faire ce que je voyais à la télé, mais j’y arrivais pas (rires). Donc j’avais limite envie d’arrêter, mais j’ai vite compris que ça allait venir. Je savais déjà où je voulais aller. »
D’ambition, Eve Planeix n’en manque pas. De talent non plus : elle gravit rapidement les échelons, et rejoint l’équipe de France de natation artistique à partir de 2016. C’est également cette année-là qu’elle rejoint le club du Ballet nautique de Strasbourg, où elle toujours licenciée. Depuis, elle a participé à plusieurs championnats d’Europe et du Monde, remportant notamment une médaille d’or en équipe et une médaille de bronze en équipes aux championnats d’Europe 2023.
Un sport très complet « qui permet de dégager de l’émotion »
Dans l’équipe de France, Eve est voltigeuse : c’est elle qui fait les figures acrobatiques en l’air, aidée par ses porteuses qui l’envoient en l’air. Un poste intense, comme le sport qu’est la natation artistique, qui demande un entraînement rigoureux : « On s’entraîne entre 6h et 8h par jour, même plus pour les Jeux. C’est assez varié, on a plusieurs chorés à préparer, on fait de la prépa physique, de la muscu, du pilate, du renforcement musculaire, de la natation. On bouge tout le temps. »
La natation artistique demande donc beaucoup à ses nageuses, qui doivent combiner de nombreuses qualités : « Dans ce sport il faut être très complet : ça demande de la grâce, de l’explosivité, de la force, de la souplesse, de l’endurance, des qualités gymniques… Ça demande beaucoup et on s’ennuie jamais ». De son côté, Eve a toujours gardé une préférence pour l’aspect artistique : « Ça me permet de procurer et de dégager de l’émotion, c’est un de mes points forts. J’aime sentir que je fais quelque chose de beau. »
Une préparation aux Jeux plus compliquée que prévue
Lancée à pleine balle avec l’équipe de France dans la préparation des Jeux de Paris, Eve Planeix se blesse au poignet deux mois avant le début de la compétition, sur un porté à l’entraînement. Une grosse entorse qui n’est pas exceptionnelle dans un sport aussi sujet aux blessures, mais qui a engagé une course contre-la-montre pour la voltigeuse.
Si je me blessais encore plus, je mettais tout le monde en difficulté, le choix a été vite fait et ça m’a permis d’aller au bout de ce que je voulais faire.
Si elle n’a jamais douté de sa participation aux Jeux, Eve Planeix a tout de même dû « se poser les bonnes questions », comme elle le dit elle-même : « Je ne me suis jamais dit que c’était fini, j’avais déjà eu plusieurs blessures et je savais que j’allais revenir. Mais je sentais que si je tirais trop je risquais de me blesser ailleurs. Il fallait juste prendre mon mal en patience et surtout ne pas lâcher mentalement. »
Engagée sur l’épreuve duo et sur celle en équipe, Eve a finalement fait le choix de se réserver uniquement pour l’épreuve en équipe : « Avec ma blessure, je me suis réservée sur l’épreuve par équipes. Le duo de remplacement fonctionnait très très bien et moi je sentais que ça n’allait pas être un retour facile. Si je me blessais encore plus, je mettais tout le monde en difficulté, le choix a été vite fait et ça m’a permis d’aller au bout de ce que je voulais faire. Je voulais aller aux Jeux et la priorité, c’était l’équipe. »
Une belle compétition
Au centre aquatique de Saint-Denis, les Bleues ont fait plus qu’une simple forte impression. Pour Eve, c’était même un soulagement : « Je les attendais avec impatience parce que j’étais dans une routine, je savais ce que je voulais chercher et donc mentalement fallait que ça commence. » Au programme : trois épreuves, une technique, une libre et une acrobatique, la préférée de la nageuse strasbourgeoise.
Tout de suite, les Bleues sont rentrées dans leur compétition, regardant leurs adversaires les yeux dans les yeux : « On avait direct nos concurrentes face à nous, on avait envie de leur montrer qu’on était là pour qu’elles aient peur de nous, j’ai aimé ça. On nous attendait à chaque épreuve, à chaque choré, personne ne savait ce qu’on allait montrer, on a su marquer les esprits grâce à l’aspect artistique. »
C’est une 4e place olympique quand même, ce n’est pas rien.
Avec une 5e place à l’issue des deux premières épreuves, les Bleues ont tout donné lors de la partie acrobatique. Sous des airs de French cancan qui ont résonné dans le centre aquatique, elles ont réussi à marquer le coup, enthousiasmant tout le public dans une ambiance dingue : « On a transmis énormément d’émotion, on a vraiment réussi ce qu’on voulait faire. » Finalement, les Bleues terminent au pied du podium, avec 886.6487 points, contre 900.7319 pour les Espagnoles, 3e.
Une petite frustration pour Eve Planeix : « Nous on voulait la médaille et monter sur le podium, mais voilà, après on n’était pas loin, on avait le niveau. Ça ne s’est pas fait pour un tas de raisons, dont certaines ne nous appartiennent pas forcément. » Mais la nageuse préfère retenir le positif : « Je ne peux pas dire que je suis déçue car nous sommes fières de ce qu’on a fait. C’est une 4e place olympique quand même, ce n’est pas rien. »
Pour la suite, « prendre les choses étape par étape »
Un peu vidée mentalement et physiquement par une période pré-olympique pas simple, Eve Planeix repart sur une nouvelle année sans se projeter : « Je prends les choses étape par étape : je pars sur cette année et je verrais après. Je suis en vacances, je vais faire ma rentrée, qui sera plutôt cool par rapport à ce qu’on a pu vivre. ».
L’occasion pour l’étudiante en psychomotricité à la Sorbonne de profiter d’une pause pour prendre du temps pour elle : « J’aime bien être tranquille, ne rien faire. J’aime beaucoup tout ce qui est lié au travail manuel : crochet, peinture, tous les mois j’ai un nouveau truc en tête (rires). » Des hobbys jamais loin de la passion qui l’anime tous les jours : celle de faire quelque chose d’artistique, dans l’eau ou non.