On peut difficilement trouver les mots ce matin. Une défaite 4/0 face à un Marseille trop fort chez soi, et un Nice qui renverse Reims en 7 minutes par la seule volonté d’un seul homme. Strasbourg finit son championnat 6ème. Une place qui, la majeure partie du temps, assure des rêves européens. Mais pas cette année. Oh que cette soirée à la Meinau aurait pu être différente ! Est-ce qu’on aurait aimé une fin en apothéose dans une Meinau vibrant dans son amour de ses Bleus et Blancs ? Évidemment. Est-ce que c’est le résultat qu’on a eu ? Non. Pourtant, est-ce qu’on aurait imaginé vivre cette finale à Marseille il y a un an ? Non plus.
Cette année était donc celle de toutes les nouveautés. Celle où le Racing, après une saison éprouvante psychologiquement, décide d’engager un entraîneur ambitieux. Celle où on bat Metz 3/0 dans un derby enflammé, où les Strasbourgeois enflamment la Meinau, enchaînant des cartons match après match. Et celle où, pour une fois, et plus de dix ans après avoir touché le fond, on se prend à rêver. À des vertiges européens, des voyages au fin fond du continent, à de futurs moments entre supporters des Bleus et Blancs. Malheureusement, la réalité a frappé froidement. Et quatre fois. Pourtant, à la Meinau, l’ambiance était là. 6 000 personnes qui tapaient dans les mains, qui chantaient leur amour pour leur équipe. Et ce bien avant le début du match. L’ambiance joyeuse d’une fête, qui ne demandait qu’à s’enflammer.
Ce sont pourtant les Marseillais qui ont allumé les premières mèches, dans leur stade où 650 vaillant(e)s Strasbourgeoises et Strasbourgeois avaient fait le déplacement. Avec quelques miracles, nos Bleus et Blancs résistent à l’orage. Et avec les résultats émanant des concurrents directs, l’espoir naît à la Meinau. Et comme pour ponctuer ce début de liesse collective, Caci déboule sur son côté gauche, et adresse un centre parfait. Gameiro, l’enfant de la Meinau, celui que tout un peuple attend comme le Messi, échoue juste à côté du cadre marseillais. Peu importe finalement, Strasbourg est dans le match.
La Meinau aussi. Poussant aussi fort que possible, pour que sur la Canebière résonne les chants strasbourgeois. Tout le monde croit en l’exploit. Tout le monde tape dans les mains, chante et danse, une bière ou un soft à la main. Malheureusement, poussé par son public bouillant, Marseille plante la première banderille. Une action mal maîtrisée, une frappe de Gerson, 1/0. Coup de froid sur la Meinau. Pour ne rien arranger, Lens mène face à Monaco. Désormais, Strasbourg n’est plus européen. Un comble pour la capitale européenne. Une anomalie pourtant de courte durée, puisque, même si Marseille continue de mener, Monaco égalise face à Lens. Strasbourg se retrouve à nouveau projeté en Europe. La fête reprend.
Désormais, il faut espérer. Longtemps. 56 minutes exactement. Des minutes passées à chanter, à taper dans les mains et à pousser. Lorsque résonne la mi-temps, malgré la défaite, la joie prédomine. Strasbourg, 15ème budget de Ligue 1, tutoie les étoiles de l’Europe. Et les supporters kiffent le moment avec leurs potes. À Copenhague à Rome ou à Basel, ils kiffent le moment avec ceux qu’ils aiment.
À la mi-temps, on prévoit d’acheter des maillots de Reims ou de Monaco, qui nous permettent de rêver. On fait la queue pour prendre des bières et on refait le match avec nos voisins, aussi pétris d’espoir que vêtus de bleu et de blanc. L’odeur des tartes flambées embaument la Tribune Ouest lorsque retentit le coup de sifflet de la deuxième mi-temps. Tout de suite, Strasbourg semble plus conquérant, déterminé à prouver que sa 5ème place n’est pas due au hasard. Gameiro, encore lui, échoue face au cadre marseillais. Ça ne veut pas passer, mais le Racing reste toujours fermement accroché à son rêve européen. Moins de 20 minutes à jouer, et la Meinau pourra exulter. Surtout que Monaco douche les espoirs lensois, en menant 2-1. La Meinau chante, danse et profite d’un rare moment d’accalmie . On pense que ce moment va durer. C’est mal connaître le football.
La beauté est cruelle. Et celle du foot l’est encore plus. À la 73ème minute de son match, le Racing cède une deuxième fois. Presque en même temps, Nice revient à 2-1 contre Reims. Plus qu’un but, et les Niçois chipent l’Europe aux Strasbourgeois. L’angoisse a changé de camp, et elle arrive à la Meinau. 5 minutes plus tard, c’était écrit. Nice 2, Strasbourg 0. Et même un troisième, Nice coiffant définitivement au finish l’Europe à sa capitale. Les supporters tentent de remotiver les troupes au stade, mais le mal est fait. Ce mal qui fait se prostrer même les plus vaillants supporters, celui qui fait quitter la Meinau sous le coup de trop d’émotion, dix minutes avant le coup de sifflet final, alors que l’on a passé sa vie à aimer le Racing. La beauté du football réside dans sa cruauté. Et ce soir, Strasbourg l’a compris.
Au coup de sifflet final, il y a de la déception. De la tristesse. De la colère même. Mais il y a aussi des chants, de la volonté. Et surtout, de la fierté. Celle de voir un club grandir, franchir pas à pas les étapes qui le mènent au plus haut niveau. Celle également de voir que même mené, même malmené, le Racing peut toujours compter sur ses supporters. Et que, malgré la défaite, les chants résonnent encore longtemps dans une Meinau qui n’a pas fini de fêter ses héros.
Désormais, ce qu’il reste, c’est le bilan. Tristement, mais avec fierté. Qui aurait pu penser que Strasbourg finirait sixième du championnat ? Probablement même pas le plus optimiste des supporters strasbourgeois. La preuve d’un travail monstre effectué par Julian Stéphan et son staff, pour faire progresser l’équipe et les joueurs, leur donnant les moyens et l’ambition de tutoyer les plus hautes cimes de notre championnat. Même s’il est tentant de succomber à la déception, il est beaucoup plus courageux de prendre le risque de la fierté et de l’espoir. La fierté du chemin parcouru et de la qualité de la saison proposée. L’espoir de penser que ce n’est que le début, et que le cigogne du RCS vient tout juste de commencer son envol vers les étoiles.
Et en attendant la saison prochaine, on ne peut que dire, Strasbourg je t’aime.