Avec la diversité qu’offre notre terroir viticole, combiné au savoir-faire de nos vignerons, on peut dire qu’en Alsace niveau vin, il n’y a que l’embarras du choix. Et on n’est jamais à l’abri de tomber sur de belles pépites insoupçonnées ! Alors, par curiosité, on est allé toquer à la porte de quatre restauratrices strasbourgeoises pour leur demander quels vins d’Alsace elles avaient mis à la carte, et pourquoi elles les avaient choisis. Attention, coup de cœur garanti.
Avec 51 grands crus, 7 cépages, plus de 15 000 hectares de surface de vignoble et 150 millions de bouteilles de vins vendues en moyenne chaque année, on peut dire que l’Alsace pèse sur la scène viticole française. Bien que la taille de son domaine soit assez infime si on la compare à celle du domaine bordelais par exemple (qui a presque dix fois plus de vignes plantées), l’Alsace reste l’un des maillons fort sur l’échiquier du vin français. Riesling, Sylvaner, Muscat, Pinot noir, Pinot Gris, Pinot Blanc ou Gewurztraminer : chacun aura sa petite préférence et les possibilités d’assemblages infinies révèlent toujours des saveurs inédites en fonction des millésimes, des souvenirs qu’ils nous procurent et des arômes qu’ils nous laissent sur les lèvres.
Ces pépites et ces souvenirs perso, on va essayer de les dénicher ensemble grâce à quatre restauratrices (dont une sommelière), qui ont accepté de nous ouvrir leur porte, parfois accompagnées par des invités qualifiés ! On retrouve Jessica du restaurant le Pont Aux Chats, Camille des Funambules, mais aussi Tiffany et Chloé de chez Honesty, accompagnées du vigneron Jean-Daniel Hering. Toutes nous parlent avec sincérité des vins qu’elles proposent à leurs clients et les décrivent avec leurs mots, leur expérience et leurs émotions.
La sélection de Jessica (Le Pont Aux Chats)
Le Klevener de Heiligenstein de chez Her
“Pour ce Klevener de 2020, on est sur un cépage cousin du gewurztraminer que l’on appelle le savagnin. Conservé un peu au frais, c’est un vin parfait pour un apéro sous le soleil en fin de journée, pourquoi pas avec un plateau de fruits de mer. C’est l’un des vins qui m’a fait vraiment apprécier le blanc d’Alsace qui pendant longtemps a subi sa réputation de région à vins de table trop sucrés et trop riches. Là, on a un poil de sucre résiduel mais surtout un vrai nez et une réelle palette aromatique. C’est simple mais délicat, facile à boire et en même temps subtile. Au Pont Aux Chats, on adore mettre en avant des cépages un peu méconnus et celui-ci, selon moi, casse un peu les codes sans partir dans tous les sens, on adore.” Au Pont aux Chats, déguster ce Klevener vous reviendra à 5 euros le verre et 30 euros la bouteille.
Orange is the New White, un vin orange de chez Kleinknecht
“Je te propose là un vin orange de macération. Pour ce vin, les raisins blancs ont été vinifiés comme des raisins rouges, avec la peau et la rafle. C’est complètement atypique, bien punchy et on retrouve un petit coté tropical qui me fait penser aux vacances. On est sur des saveurs de litchi et de fruits exotiques sans le sucre qui va avec. Là tout de suite, ça me donne envie de manger des desserts un peu acidulés comme du cheese cake ou de la tarte au citron, pour le salé, ce serait plutôt un poisson en tartare par exemple. C’est un vin de plaisir pour ceux qui aiment l’originalité, et franchement ça se boit tout seul.” Pour savourer ce vin au Pont aux Chats, il faudra débourser 5,50 euros pour le verre et 32 euros pour une bouteille.
“Rahn”, le pinot noir de chez Mélanie Pfister
“Déjà, Mélanie Pfister est une fille géniale, je tiens à le dire. Elle a repris les vignes de son papa et j’aime beaucoup ce qu’elle fait, elle bosse avec passion. Le pinot noir que je te présente là, c’est l’un de mes coups de cœur. Quand je sens son parfum, je suis au Pont de la Zorn à Weyersheim avec ma tarte flambée, il me donne vraiment envie de manger ce type de plat convivial, en fait c’est une madeleine de Proust. On a un vin qui a du corps (grâce à un passage en barrique) et c’est vraiment pas le cas que tous les pinots noirs. On est déjà sur un vin de 2017 qui a un vrai nez, une vraie identité avec un parfum un peu boisé assez caractéristique. Avec sa jolie robe rouge rubis bien limpide, on sait déjà qu’il est équilibré et qu’il va passer tout seul. Il y a zéro astringence, un peu de gourmandise, des saveurs de fruits rouges bien murs bien marquées, le tout sans tomber dans le sucre…j’adore.” Pour découvrir ce pinot noir, ce sera à partir de 5,90 le verre en restaurant et 34 euros la bouteille.
La sélection de Camille (Les Funambules)
Le pinot Gris de chez Jacques et Christophe Lindenlaub
“Ce vin, il nous vient de mon ami Christophe, que j’appelle très honnêtement Cricri d’amour. C’est une personne qui m’a beaucoup touché il y a maintenant quatre ans lorsque je l’ai rencontré. À l’époque, c’est sa grand-mère qui nous avait reçus au domaine du côté de Dorlisheim, avec le petit bretzel et le caveau de dégustation qui vont bien. J’ai trouvé ce moment authentique, vrai, il y avait un vrai esprit et un amour pour le vin. Christophe est aussi très investi par son travail, il s’attache à respecter le sol et la nature et à chaque bouteille que j’ouvre c’est une émotion particulière, toujours différente. Ici, on est sur un pinot gris millésime 2014, un vin gourmand, subtil et vinifié à l’ancienne. Il y a une vraie vibration dans ce vin, c’est un coup de cœur. Il est vif, perlant, il y a une vraie vivacité, de l’amertume, de l’acidité et de la salinité grâce au terroir calcaire. En fait, c’est un vin dont j’aime autant parler que j’aime le déguster.” Au restaurant les Funambules, le verre est au prix de 8 euros et la bouteille à 42 euros.
Léo Diringeer cuvée métisse Ruhlmann Dirringer
“J’ai découvert ce domaine à Annecy, dans un restaurant que j’apprécie énormément. Au départ, j’avais goûté la cuvée appelée Pur Jus, j’ai trouvé ça non seulement facile à boire, mais aussi gourmand et gorgé de saveurs. En rentrant chez moi, je me suis donc intéressée plus en détails à son travail. Léo, c’est une personne très simple qui a repris les vignes de ses parents il y a seulement une poignée d’années. Eux faisaient du vin dit “conventionnel” (je n’aime pas trop ce terme), et lui a décidé de s’émanciper et de vinifier de manière plus authentique, et il l’a très bien fait en un laps de temps très court. J’ai eu la chance de rencontrer sa maman qui m’a beaucoup touché, elle soutenait le travail de son fils même si on sentait qu’elle n’en comprenait pas forcément tous les codes. Elle était juste certaine qu’il fallait laisser faire la jeune génération, et c’est ce passage de flambeau, toujours sous la houlette bienveillante de ses parents, qui m’a fait chaud au cœur. Pour revenir à la dégustation, ici on est sur un vin non seulement glouglou, entre guillemets facile, mais il a aussi une vraie identité, un vrai caractère et c’est tout simplement bon. Il y a du fond, de la recherche et de l’équilibre, et c’est pour tous ces détails que ce vin se marie si bien avec une cuisine comme celle qui Guillaume propose, mais ça il ne faut pas lui dire. On est sur un vin de macération, un type de vin issu de cépages blancs où le jus est laissé en contact avec les peaux, les pépins, voire parfois les rafles. On a 10 % de macération et 90% de jus et d’infusion de raisin de Muscat. Il y a aussi du pinot noir, du Gewurtz, tout ça dans du jus de Sylvaner et de Pinot Blanc, un joli assemblage. J’aime beaucoup ce vin que Guillaume associe souvent avec des légumes comme la betterave qui ont un petit goût terreux et qui sont parfois difficiles à associer, là ça fonctionne très bien grâce à la petite amertume que laisse le vin. Associée à sa gourmandise, à sa douceur et une pointe d’acidité, c’est vraiment top. Au nez on a ce parfum un peu fermenté, ce coté pur jus, comme si on croquait le raisin dans les vignes, on a pas ce côté trop alcooleux, on est plutôt sur quelque chose de très léger, on en redemande. En fait, quand on a envie de découvrir des vins différents, celui-ci est une belle entrée en matière. Il y a de la technicité, sans que ce soit trop poussé, et ça permet de se faire une idée sur ces vins dits naturels“. Pour découvrir ce vin en restaurant, il faudra débourser 8 euros pour le verre et 42 euros pour une bouteille.
Le pinot noir vieille vigne millésime 2009 du domaine Barmès-Buecher
“Il y a quelques années encore, ces vins étaient encore vinifiés très légèrement. On avait pas ces rouges avec de la matière qui permettent de s’accorder avec des viandes de caractère comme le pigeon ou le gibier. Mais depuis quelque temps le pinot noir alsacien s’est carrément réinventé et j’en suis super fier, maintenant on a plus rien à envie à nos voisins bourguignons. Là c’est un très bon vignoble à taille humaine, une maison que j’aime beaucoup grâce à sa régularité, on est jamais déçus ni par les blancs ni par les rouges. Ici on est sur une vieille vigne millésime 2009, on a une vraie évolution en bouche, c’est clinquant, il y a de l’énergie mais aussi du corps, une légèreté. En fait il représente bien le Pinot Noir Alsacien dans tout son caractère.” Au restaurant Les funambules, ce pinot noir est à 92 euros la bouteille.
Le Riesling millésime 2015 de chez Josmeyer
“Dans ce vin, il y a tout ce que l’on attend d’un vrai bon riesling. c’est salin, il y a une pointe d’acidité, c’est vif, c’est peut-être bateau mais avec une choucroute je trouve ça génial. C’est vrai mais la cuisine régionale match très bien, en plus on a un petit d’évolution sur ce millésime 2015, on va commencer à avoir ces notes un peu pétrole, c’est équilibré, c’est pur, il y a quelque chose de très séduisant dans les vins de la famille Josemeyer qui est quand même en place depuis 1854… C’est l’une des maisons emblématique d’Alsace et on y retrouve énormément de belles pépites.” La bouteille de Riesling est à 45 euros la bouteille en restaurant.
La sélection de Chloé et Tiffany (Honesty)
Le crémant de chez Hering
“Ici, on est sur un crémant blanc de noir, légèrement rosé et moins brut que les versions extra brut qui sont souvent très tendues et qui manquent parfois de générosité. Celui-ci est sec, fruité, doux et avec de belles bulles qui me font tout de suite penser au Champagne. On n’a pas l’habitude de voir cette robe orangée, alors dès que je le sers au restaurant c’est déjà la surprise, j’adore le proposer aux clients.”(Tiffany)
“C’est un crémant 100% pinot noir, avec une robe saumonée qui interpelle. Au premier contact, on est mis en condition, l’œil joue un rôle très important dans la rencontre entre le client et le vin. On est donc sur un vin blanc fait à partir d’un raisin noir, comme en champagne, on l’appelle donc blanc de noir. Ici, le pinot noir laisse une légère touche colorée. En bouche, on est sur quelque chose d’assez onctueux, d’harmonieux, il n’y a pas l’acidité que l’on peut retrouver chez d’autres crémants. Il est équilibré, fin, on sent des notes de framboise très légères et enfin : on termine sur une sensation de fraîcheur. Il est parfait pour attendre le repas que vont nous servir Chloé et Tiffany” (Jean-Daniel) Chez Honesty, le prix du verre de ce crémant est affiché à 10 euros le verre et 42 euros la bouteille.
Le Pinot Blanc Les Pierres chaudes de chez Julien Meyer
“Ici, on est sur un Pinot Blanc d’Alsace nature de 2019. C’est un vin vraiment atypique, avec une franche acidité qui peut surprendre. On sent des notes de fruits jaunes presque confit qui lui donne une profondeur en bouche super intéressante. Il est aérien, léger, plein d’élégance qui évolue en fonction du repas en offrant une jolie palette de saveurs, surtout quand on l’accorde avec des vins de caractère.” Chloé et Tiffany
Le Pinot Blanc et Auxerrois AOC de chez Mélanie Pfister
“Sur celui-ci, on est sur un vin sec légèrement fruité avec de belles notes florales, d’agrumes et de fruits jaunes. Ce mariage de saveurs lui donne beaucoup d’équilibre et surtout de la fraîcheur et une belle touche d’acidité qui lui donne du caractère. C’est un vin qui s’accorde parfaitement avec du poisson et qui se boit très facilement à l’apéro entre copain.“ Tiffany et Chloé
Vous l’avez remarqué, ici toutes les références sont bien différentes, même si le vin blanc est à l’honneur à travers une palette de saveurs très variées. Mais il en reste tellement d’autres à découvrir auprès de commerçants passionnés et engagés, qui respectent leur terroir. C’est eux qui détiennent les clés d’un bon vin d’Alsace, pas les supermarchés !
*Article soutenu mais non relu par le CIVA.
C’est juste dommage de commenter un vin en disant systématiquement : « on est « sur » un vin … en français, on dit : « il s’agit d’un vin, ou bien voici un vin qui … » ou encore « nous avons là un vin qui.. »