Depuis l’annonce d’une taxe sur les appels WhatsApp le 17 octobre, le Liban s’embrase. Coïncidence, c’est aussi le pays à l’honneur du marché de Noël de Strasbourg en 2019. Dans la capitale alsacienne, la communauté libanaise se mobilise pour soutenir le mouvement contestataire.
Cette année, au plus grand bonheur des Strasbourgeois, des effluves de houmous se mêleront à celles du vin chaud en décembre. Le Liban est l’invité d’honneur de la 450e édition du marché de Noël de Strasbourg. Les visiteurs pourront découvrir ou redécouvrir la culture libanaise. On s’est dit que c’était l’occasion de parler de ce qui se passe en ce moment au Liban : un mouvement de contestation historique, qui a déjà fait tomber le Premier ministre.
Le jeudi 17 octobre, le gouvernement annonce une taxe sur les appels effectués via les applications de messagerie Internet, notamment WhatsApp. L’utilisation des téléphones coûte si cher que les Libanais préfèrent souvent un abonnement téléphonique avec uniquement internet, sans possibilités d’appeler ou d’envoyer des SMS autrement qui via les applications.
1 tiers de la population mobilisé
C’était l’étincelle. Dans la journée, un soulèvement populaire d’une ampleur totalement inédite pouvait commencer. Et ça a continué, les jours suivants, des dizaines de milliers de personnes, dans plusieurs villes… Au total, 2,2 millions de personnes selon l’agence Reuters, soit plus du tiers de ce pays de 6,1 millions d’habitants, sont mobilisées.
Le samedi 19 octobre, le gouvernement renonce à la taxe sur les appels, mais rien n’y fait, le feu a bien pris. Les Libanais manifestent contre les taxes abusives, mais aussi contre la corruption et pour la chute du régime. Le mot « révolution » est scandé par des jeunes, des vieux, des musulmans, des chrétiens, de Tripoli, au nord, à Nabatieh, au sud, en passant par Beyrouth, la capitale.
Ce pays en pleine crise économique et sociale est particulièrement sous-tension depuis juillet dernier lorsqu’un plan d’austérité a été voté, notamment dans le but de rembourser la dette du Liban qui s’élève à 86 milliards d’euros, soit 151% du PIB. Cette situation est à mettre sur le compte d’une « mauvaise gestion du pays par les dirigeants qui sont des voleurs » si l’on en croit les manifestants libanais.
Même à Strasbourg, deux manifestations menées par la diaspora libanaise de la capitale européenne ont été organisées, les dimanches 20 et 27 octobre, rassemblant 150 personnes à chaque fois. L’un des symboles forts de la mobilisation au Liban : une chaîne humaine de 170 kilomètres organisée le 27 octobre, pour montrer l’ampleur de la contestation.
« On est loin, mais on a tous de la famille, des amis là-bas. »
Le lundi 21 octobre, le gouvernement annonce une série de mesures budgétaires comme des taxes sur les banques et une baisse de 50% du salaire du président, des ex-présidents, des ministres et des députés. Cela n’a pas suffi à calmer la population qui demande la « démission pure et simple de ce gouvernement corrompu. »
Le mardi 29 octobre, aucun signe d’essoufflement de la mobilisation. Le Premier ministre Saad Hariri annonce sa démission du gouvernement. Pour les Libanais, c’est loin de suffire comme l’explique le Strasbourgeois Abbas Nasreddine : « Il y a la volonté de changer toute la tranche de politiciens corrompus qui dirige le pays. »
Abbas se retrouve loin de son pays, mais se sent tout de même très concerné :
« Il est vrai que la diaspora libanaise à Strasbourg est géographiquement loin du Liban, mais on a tous de la famille et des amis là-bas qui continuent à subir la situation économique qui se dégradait de plus en plus jusqu’au moment où le peuple a dit « STOP, il faut qu’on change notre situation. » C’est difficile de voir notre pays passer par cette phase, et personnellement, j’aurais voulu être dans l’action face à la corruption. C’est pour ça qu’on s’est décidé, avec nos compatriotes à Strasbourg, de nous réunir et d’unir nos voix pour soutenir le peuple libanais. »
Le Liban à l’honneur place Gutenberg
Certains de ces Libanais strasbourgeois seront au niveau de la place Gutenberg pendant le marché de Noël, où des chalets seront consacrés à leur pays. La culture, l’histoire et la gastronomie Libanaise seront à l’honneur, ce qui rend particulièrement fière Abbas :
« J’ai vraiment hâte de voir mon cher pays représenté ici, de voir tout le monde partager une partie de notre héritage. »
THIBAULT VETTER