Impassible et en armes, il veille sur le ballet lancinant des trams. Il a même donné son nom à la place qu’il toise de son regard d’acier : aujourd’hui Pokaa vous parle de… L’Homme de fer bien sûr !
La rotonde en verre qui orne la place depuis 1994 n’aura pas réussi à lui piquer la vedette, l’Homme de fer est bien l’attraction de cette petite placette attenante à la place Kléber. Il faut dire que le bonhomme y fait le guet depuis plus de 250 ans. Après la première Guerre mondiale, il lui a même donné son nom : la place de l’Homme de fer. Avant, l’endroit s’appelait le Pont aux Hiboux. Pont me direz-vous ? Eh oui pont, car la rue du Fossé des Tanneurs qui part vers le sud en direction de la place Benjamin Zix était, comme son nom l’indique encore, un fossé, qui reliait un des canaux de la Petite France au canal des Faux-Remparts en passant par les actuelles rues de la Haute-Montée et de la Mésange et par la place Broglie. Une fois le fossé comblé, de pont il ne fut plus question.
Maintenant, la question centrale : qu’est-ce qu’il fait là, cet espèce de sergent de patrouille municipale, avec son poignard et sa hallebarde, arme décidément bien présente à Strasbourg (voir celles qui trônent dans la rue du même nom) ? Eh bien, il fait de la pub. Oui oui de la pub. L’homme a toujours été inventif quand il s’agit de vendre.
Retournons en 1749. Un certain François Hilbert, armurier de son état ou « forgeron d’armes » comme on disait à l’époque, souhaite donner du peps à sa vitrine. Sauf que monsieur Hilbert, il ne vend pas des bretzels ou des boules à neige, mais des arquebuses, des mousquets et autres joyeusetés faites pour trancher, mutiler, trouer, etc. Vous voyez les mannequins qu’on trouve dans nos vitrines modernes ? Bah voilà, vous avez compris. En 1749, ce brave monsieur Hilbert décide donc d’orner sa boutique (une pharmacie de nos jours) d’une enseigne à taille réelle qu’il vêtira de morceaux d’armures chopés à droite à gauche et qui donne ce résultat un peu hétéroclite, plus ou moins représentatif d’un guetteur du XVIe siècle.
La destinée de l’Homme de fer eut quelques accrocs. Ainsi c’est une copie qu’on voit aujourd’hui, l’original ayant été victime des bombardements prussiens de 1870, il passe des jours tranquilles au Musée historique de la ville où on peut toujours le voir. Mais aussi un joli point d’orgue avec sa présence au pavillon Alsace de l’Exposition universelle de Paris en 1900, au côté de la reproduction de la Maison Kammerzell. Excusez du peu.
Restauré en 1985, il semble bien parti pour surveiller les alentours pendant un bon bout de temps encore…
> FLORIAN CROUVEZIER <<