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À la découverte des trésors de Strasbourg : le bâtiment des Galeries Lafayette

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Alors que le classement de la Neustadt au Patrimoine mondial de l’UNESCO a remis en lumière les nombreux monuments strasbourgeois emblématiques de la période allemande (palais universitaire, église Saint-Paul, BNU, etc), il en est un qui, trônant un peu à l’écart des autres, ne jouit pas de la même réputation. Il faut dire que c’est un monument peu banal. Ce n’est ni un théâtre, ni une église ou autres palais mais bel et bien un… « grand magasin » !


Les Galeries Lafayette : symbole du nouveau visage moderne de Strasbourg

Nous sommes le 18 avril 1919. Ce grand magasin, le premier du genre à Strasbourg ; est officiellement inauguré. Voilà cinq ans qu’il attendait ça. Et le discours d’inauguration aurait dû être en allemand. Car oui, il fut imaginé et construit quelques années auparavant, juste avant la guerre, lorsque Strasbourg était encore capitale du Reichsland Alsace-Lorraine. D’emblée ce contexte donne une tonalité très franco-allemande à ce bâtiment, tonalité renforcée dans son style art nouveau qui ne tranche ni pour une rive du Rhin, ni pour l’autre, synthétisant les deux en unissant lignes rigides très germaniques et inspirations plus courbes, dans le style typiquement français de l’époque.

1913: fin du gros oeuvre et discours du chef maçon (source : Archives magasin de Strasbourg)

Revenons donc même neuf ans en arrière. 1910, le concours d’architecture est remporté par deux architectes strasbourgeois : Gustave Krafft et Jules Berninger. Associés, et accessoirement beaux-frères, ceux deux-là n’en sont pas à leur premier coup d’essai. On leur doit entre autres la villa Schutzenberger sise allée de la Robertsau et la clinique Bethesda du boulevard Jacques Preiss.

le plan de 1912 (source : Archives municipales)

Le bâtiment trônera sur un emplacement très récemment créé suite aux travaux de la « Grande-Percée » qui visaient alors à assainir et à sécuriser un quartier de la ville dont le bâti était encore typiquement médiéval (dans le style de la Petite France). Cet emplacement, c’est le croisement entre la rue des Francs-Bourgeois et celle du 22 novembre, dont le premier nom était Neue Strasse (rue neuve). Elle sera rebaptisée après la guerre rue du 22 novembre en souvenir de l’entrée victorieuse de l’armée française à Strasbourg le 22 novembre 1918. La municipalité fait raser une centaine de vieilles maisons alsaciennes pour les remplacer par une rue large, dans laquelle le tramway pourra circuler et pourvue de hauts immeubles avec logements, bureaux et commerces. Tout ce remue-ménage n’est pas au goût de tous les habitants mais la modernité avance à grands pas et la rigueur implacable du baron Hausmann à Paris demeure un modèle.

1912: percée de la rue du 22 novembre

 

la rue du 22 novembre vers 1920

Si vous regardez bien, vous remarquerez que cette situation donne au bâtiment une légère courbe qui permet d’adoucir sa façade stricte. Parlons-en de sa façade d’ailleurs. Composée de quatre colonnes massives, elle arbore fièrement la couleur rose sombre du gré des Vosges et son entrée monumentale s’ouvre pile dans la diagonale de la place Kléber. À son front défilent quatre sculptures féminines, allégories des quatre saisons, mannequins éternels, figées dans leur pose de pierre. Elles sont l’œuvre du sculpteur strasbourgeois Albert Schultz.

sculpture allégorique de l’été

À l’intérieur, ce qui frappe le plus est sans aucun doute l’escalier monumental en chêne et ses balustrades en fer forgé, aux motifs floraux d’inspiration Art nouveau. Sur les paliers, de discrets vitraux complètent ce décor inspiré de la nature et du végétal. Le magasin n’est pas une simple boutique ; il veut donner à voir un véritable spectacle du commerce.

Les Galeries Lafayette : cent ans d’histoire

Mais la volonté des deux architectes était avant tout de construire un magasin spacieux et bien aménagé, avec des espaces commerciaux circulaires et verticaux. Mais, comme on l’a dit précédemment, les Strasbourgeois avides de mode auront dû patienter un peu. Car c’est bien des sacs de farine et de blé, et non des sacs à main, qui prirent en premier possession des étals. En effet, si les travaux furent terminés en 1913, la guerre réquisitionna le bâtiment dès l’année suivante pour le transformer en aire de stockage de denrées alimentaires.

1914: le magasin accueille des denrées alimentaires

Voilà pourquoi l’on fête son centenaire en 2019. Sa vraie ouverture se fit donc en 1919, sous pavillon français. Le magasin qui avait été baptisé Kaufhaus Modern par les Allemands devient de fait le… Magasin Moderne (on remarquera l’inventivité des Français sur ce coup). Les Strasbourgeois l’appelleront bientôt de son diminutif : le MagMod.

Ses débuts épiques n’en sont pas pour autant terminés.


Un an plus tard, en 1920, un incendie criminel détruit les étages supérieurs ainsi que la toiture. De gros travaux de réparation sont engagés afin de lancer une bonne fois pour toute le magasin vers son destin.

l’escalier monumental en 1960 (source : Archives magasin de Strasbourg)

 

le salon de thé en 1929 (source : Archives magasin de Strasbourg)

 

le grand hall en 1940 (source : Archives magasin de Strasbourg)

Au fil du XXe siècle, le bâtiment subit quelques aménagements. Il se refait même une petite beauté de temps en temps. Lui aussi est soucieux de ne pas voir se creuser les rides sur son front de gré. Ainsi en 1929 est inauguré le salon de thé et en 1933, la partie droite du magasin est aménagée par l’architecte strasbourgeois David Falk. Les années cinquante voient l’arrivée des premiers escalators mais aussi des tous premiers défilés de mode. En 1962, la cour intérieure est fermée et sa fontaine en marbre enlevée (pour ceux qu’un petit soin de corps tente, elle est aujourd’hui visible au spa Clarins des Galeries) et l’année suivante, ce grand hall central (qui était alors ouvert) qui est comblé par des étages afin de gagner de l’espace et proposer plus de marchandises. C’est aussi l’époque des premiers ateliers culinaires, des dégustations et des premières expositions thématiques. L’aménagement du restaurant actuel (et ses fameuses voûtes en berceau) date quant à lui des années 1980. Enfin, derniers gros travaux en date, en 2013 : le relooking du rez-de-chaussée avec son plafond en forme de rotonde imaginé par l’architecte d’intérieur Bruno Moinard, sorte de clin d’œil à la célèbre coupole du magasin parisien.

le salon de thé / restaurant aujourd’hui

Les Galeries Lafayette : une destinée alsacienne

Son nom aussi a évolué au fil du temps. Lors de l’annexion au Reich en 1940, le MagMod était devenu l’Union. Pour conjurer cette période, il retrouve son nom dès la fin de la guerre et ce jusqu’en 1982, date à laquelle il devient les Nouvelles Galeries. Ce n’est qu’en 2000 qu’il se pare de son nom actuel : les Galeries Lafayette.

Il semble que la boucle soit bouclée quand on sait que les premières Galeries sont nées à Paris de l’ambition et de l’imaginaire de deux cousins, Théophile Bader et Alphonse Kahn, venu tout droit… d’Alsace ! En 1894, dans l’esprit des grands magasins chers à cette fin de XIXe siècle et dans le sillon tracé par le premier d’entre eux, le Bon Marché, ils ouvraient un local au n°1 de la rue… La Fayette (pardi!) afin de démocratiser la mode en faisant baisser les prix grâce à la production en série et en permettant la liberté de flâner. Leur devise était on ne peu plus claire : « rendre le beau accessible ».

 

Une devise qui aujourd’hui peut faire débattre ; le luxe tendant à grignoter de plus en plus de place dans les rayons. Pour autant ce « grand magasin parisien d’Alsace » nous rappelle que le visage d’une ville ne se modèle pas qu’avec ses églises ou palais et qu’un magasin peut-être un monument emblématique d’une ville au même titre que d’autres constructions à vocation culturelle ou religieuse.
Bien sûr cette « cathédrale du commerce moderne » (dixit Zola) ne fera jamais d’ombre à Môman, son aînée en âge, en taille et en prestige, mais elle vaut néanmoins le détour. Un conseil donc : lorsque désormais vous irez y faire du shopping, n’oubliez pas de poser, pour un instant, les yeux sur ses belles statues ou sur son grand escalier (car oui je le clame haut et fort : les escalators c’est moche et c’est pour les nuls !)


Enfin, disons un mot d’une chouette initiative : depuis 2013, les Galeries Lafayette contribuent à leur échelle à la vie locale et à la biodiversité grâce à l’installation sur leur toit de dix ruches qui donnent un miel on ne peut plus strasbourgeois.

Ruches sur le toit des Galeries

 

Sources :
documentation proposée à l’occasion du centenaire et panneaux de l’exposition consacrée.
article des DNA: https://c.dna.fr/edition-de-strasbourg/2013/09/13/un-batiment-centenaire
article sur archi-wiki : https://www.archi-wiki.org/Adresse:Galeries_Lafayette_(Strasbourg)
article des Échos : https://www.lesechos.fr/2008/08/le-magmod-reste-le-rendez-vous-des-strasbourgeois-513266


FLORIAN CROUVEZIER

> Son blog rempli d’histoires et d’Histoire <

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