A 31 ans, Jeremy Antonio a déjà plus d’une centaine de combats au compteur. Ce strasbourgeois pratique la boxe thaïlandaise (ou muay-thaï), un art martial redoutable dans lequel il est permis de frapper avec les poings, les coudes, les genoux et les jambes. Pour découvrir ce champion et ce sport nous l’avons suivi durant sa participation à un événement de la plus grande organisation mondiale du Kick-boxing (un style de boxe très populaire), le Glory 64. Une édition se déroulait au Rhénus à Strasbourg, il y a quelques semaines.
D’abord amoureux d’escrime puis de football, Jeremy a hérité de la passion de son père : Delfim Antonio, un ancien champion d’Europe de boxe thaïlandaise invaincu et entraîneur du Strasbourg Thai Boxing. « Petit quand je le voyais boxer, je le prenais pour un Héro, alors quand j’ai arrêté le foot je suis allé à la salle de boxe histoire de rester actif et j’ai directement su que ça deviendrait mon sport ». Encadré par son père et son oncle, Jeremy n’a pas mis longtemps à monter sur le ring : « J’ai fait mon premier combat à 18 ans contre le champion régional en titre. C’était un combat très difficile, je l’ai perdu. Mais avec du recul cette défaite était bénéfique, elle m’a directement montré le côté obscur de la boxe. L’année suivante, j’ai remporté la coupe de l’Est ».
Ce premier titre sera le début d’une longue série : après avoir évolué 3 ans en semi-professionnel, Jeremy Antonio devient boxeur professionnel en 2011. Depuis, il a disputé 65 combats professionnels et remporté le titre de Champion de France professionnel en 2017 et en 2018. Ce succès lui a permis de signer un contrat pour 3 combats avec le Glory : la plus grosse organisation mondiale de Kickboxing (équivalent de la boxe thaï, mais sans les coups de coudes et les projections au sol).
L’organisation passait exceptionnellement par Strasbourg le samedi 9 mars dernier au stade du Rhénus. Malheureusement durant cette soirée, Jeremy dut s’incliner lors de son premier combat face à un allemand. « J’ai souvent boxé dans des grosses organisations. Mais le Glory, c’était vraiment immense ! J’ai perdu … je sais quelle erreur j’ai faite : Je me suis trop jeté sur lui, il m’a contré … c’est tout. »
Boxeur pro : un métier difficile
En France, rares sont les boxeurs qui arrivent à vivre uniquement de l’argent gagné sur le ring. Jeremy lui, complète son emploi du temps déjà bien chargé en travaillant en tant que préparateur de commandes. En plus des coups, les boxeurs professionnels doivent aussi composer avec les difficultés du quotidien. Combattant professionnel est un métier exigeant : il faut avoir une bonne hygiène de vie, contrôler son poids, ses nerfs, s’entraîner et préparer les combats à venir. A cela Jeremy a décidé de s’ajouter 3 autres épreuves : 2 petits garçons et 1 petite fille. Heureusement, il peut compter sur l’aide de sa femme dont il partage le quotidien depuis 12 ans.
Bien plus qu’un sport
Le « muay-thaï » comme l’appellent les thaïlandais est un sport rugueux et brutal d’apparence, mais c’est aussi assurément un sport qui nécessite de la stratégie et de la réflexion. Pour marquer des points, il faut toucher son adversaire d’un coup de poing, de pied, de genoux ou de coude mais il est aussi possible de le « balayer ». « Il faut réfléchir vite et bien, c’est une sport d’intelligence beaucoup plus que de force » assure notre champion « c’est toujours les plus intelligent qui gagne ». Beaucoup de « Nak Muay » (nom thaïlandais des boxeurs) sont également séduits par l’aspect traditionnel de cette discipline codifiée au XVIème siècle. Tenue des combattants, échauffement, musique, tout est fait pour respecter la tradition de la « boxe du peuple Thaï ».
« Ce sport est fortement influencé par les traditions : la danse, la musique, la spiritualité, je n’ai jamais retrouvé ça dans les autres styles de boxe et je sais que ça me manquerait rapidement. Grace à mon sport, j’ai eu l’occasion de voyager dans plusieurs pays comme la Bulgarie ou la Pologne, mais la Thaïlande reste, bien sûr, le pays le plus exceptionnel pour moi ! »
Un club, une famille
Originaires de Strasbourg, Jeremy et son père transmettent leur passion pour le combat et la tradition de la boxe thaïlandaise au club Strasbourg Thai Boxing. Ensemble ils encadrent une équipe de combattants aguerris qui sillonnent la France pour participer aux compétitions. « J’ai mes diplômes d’entraîneur depuis 2008 / 2009. J’ai cette pédagogie et en plus je connais la boxe de l’intérieur, j’ai une relation de grand frère avec les autres boxeurs plutôt que de coach : j’essaye de leur éviter de répéter mes erreurs en étant dur avec eux, et ça marche. » Et pour preuve : Alik Cavany, à 15 ans, vient de remporter une médaille d’argent aux championnats du monde amateur de Boxe Thaïlandaise, en Thaïlande. « Les jeunes comme lui, c’est la relève ! » assure fièrement le strasbourgeois.
Un championnat d’Europe dans le viseur
Affamé de boxe, Jeremy n’a pas pour habitude de se reposer longtemps entre les combats : « A raison de 6 / 7 par ans, certaines saisons je tournais à 12 combats. Avec du recul, j’aurais pu construire mieux ma carrière, j’ai eu des blessures que j’aurais pu éviter mais je suis pas du genre à me chercher des excuses, je vais de l’avant ! » Et il compte bien faire rapidement oublier sa défaite au Rhénus de Strasbourg. Ce sera à Kehl, le 18 mai prochain, il remettra en jeux son titre de champion d’Europe de Boxe Thaï face à un allemand. « Et cette fois ça sera dans les règles thaïlandaises, avec les coudes ! ».
>> Alexandre Mahler <<