Dans notre belle et grande capitale alsacienne, nombreux sont les bâtiments qui ont de longues histoires à raconter. Malheureusement, si les murs ont des oreilles, ils sont encore dépourvus de bouche ! En attendant un futur où les intelligences artificielles auront résolu ce problème, d’autres outils permettent de protéger notre patrimoine. Attachez votre ceinture, c’est parti pour un périple dans les rues de Strasbourg à la découverte de certains « Monuments historiques ».
Si Retour vers le futur à la DeLorean et Doctor Who un Tardis, à Strasbourg, on peut compter sur la POP. « Mais c’est quoi ça ? » me demandez-vous. Et bien c’est la Plateforme ouverte du patrimoine, qui permet de « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ».
Ouvert en 2019, cet instrument du ministère de la Culture permet donc à chacun(e) d’avoir accès à la richesse patrimoniale du pays d’un simple clic. Et parce que nous sommes attaché(e)s aux pierres et aux colombages depuis bien plus longtemps, la plateforme recense et protège depuis la fin des années 1970 les trésors de l’Hexagone (dans huit bases). De plus, les prémices des Monuments historiques sont encore plus anciennes, et remontent au début du XIXe siècle.
Si la base « Joconde » s’occupe des collections des musées, celle nommée « Mémoire » protège les fonds photographiques. Mais celle qui nous intéresse aujourd’hui s’appelle « Mérimée », et gère les immeubles protégés aux Monuments historiques (MH).
À Strasbourg, 231 édifices sont inscrits et/ou classés. Pour faire simple, la différence entre les deux termes est la suivante : l’inscription constitue le premier niveau de protection, et le classement le niveau le plus élevé.
Et vu qu’à Schiltigheim, la Brasserie de l’Espérance (Heineken) est inscrite depuis le 8 avril dernier au titre des MH, on s’est dit que c’était le bon moment d’en (re)découvrir d’autres en terre strasbourgeoise. Fermeture des portes, c’est parti pour un périple à travers les époques !
1862, protéger la gardienne de la cité
Difficile, même impossible de commencer ce voyage sans évoquer la seule et unique cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, chef d’oeuvre absolu de l’art gothique. Avec sa flèche culminant à 142 mètres de haut, elle est devenue un repère qu’on ne pourrait mettre de côté.
Classée aux MH depuis 1862, année durant laquelle Victor Hugo publie Les Misérables, elle est depuis la fin de sa construction, en 1439, un trésor pour les yeux des Strasbourgeois(es).
De 1921 à 1948, de la culture et beaucoup d'architecture
Après un saut dans le temps de presque 60 ans, nous arrivons dans les années 1920. Deux ans auparavant, un certain 11 novembre 1918 marquait la fin de la Première Guerre mondiale. Les quatre longues années de conflit ont de nombreuses conséquences, dont 1,4 million de morts côté français. L’Alsace-Lorraine, quant a elle, est restituée à la France, après avoir été cédée à l’Allemagne à la fin de la guerre franco-allemande de 1870.
En 1921, c’est le théâtre municipal de Strasbourg, aujourd’hui connu sous le nom d’Opéra du Rhin, qui est classé aux Monuments historiques. Et plus précisément sa façade, visible depuis la place Broglie. Sept ans plus tard, la même décision est prise pour les Ponts couverts, construits au XIIIe siècle à la Petite France. Anecdote : on a gardé ce nom malgré la disparition de sa toiture !
À la fin de cette décennie, si le krach de 1929 aux États-Unis touchera bientôt la France avec une Grande Dépression économique, à la Maison Kammerzell, c’est la fête. La petite voisine de la grande cathédrale est inscrite aux MH. Construite dès 1427, ses pans de bois ornementés et ses 75 fenêtres aux vitraux en cul-de-bouteille lui donnent un charme inégalable, et on vous en parlait déjà dans un précédent article !
Après l’architecture, moment culture. 1929 signe aussi l’inscription aux Monuments historiques du Musée alsacien, situé quai Saint-Nicolas. Avant lui, deux autres bâtiments dédiés à des musées ont été classés : celui des Beaux-Arts (Palais Rohan) et de l’Oeuvre-Notre-Dame, respectivement en 1920 et en 1927.
Une fois de retour dans notre machine à voyager dans le temps, direction les années 1930 et 1940, où les ombres sont nombreuses à planer sur Strasbourg. Tout d’abord, celle d’un oiseau à la robe noire qui donne son nom à un célèbre hôtel de notre cité : la Cour du Corbeau. Dès 1933, les façades et toitures constituant ce bâtiment sont classés.
Non loin du Musée alsacien et de la Cour du Corbeau, à la frontière entre Grande-Île et Krutenau, une autre ombre, bien plus menaçante, ne va pas épargner notre prochain arrêt… À la fin des années 1940, la Seconde Guerre mondiale a fait ses ravages, et les rues strasbourgeoises portent encore ses stigmates. C’est notamment le cas de l’Ancienne douane, gravement endommagée par un bombardement allié le 11 août 1944.
Des blessures qui ne l’empêchent pas d’être classée aux MH en 1948 ! Elle est finalement reconstruite par l’architecte de la ville, Robert Will, entre 1962 et 1965.
De 1984 à 1995, un peu de nature
Presque 40 ans sont passés depuis notre dernier arrêt. Que le temps passe vite… Cette fois-ci, hors de question de poser notre DeLorean ou notre Tardis en plein centre-ville. La pop culture a vu les petits hommes verts se multipliés sur le grand écran, et les Strasbourgeois(es) sont aux aguets. On ne voudrais pas être pris pour l’un(e) des congénères de certains êtres de la Soupe aux choux ou de E.T., l’extra-terrestre – sortis respectivement en 1981 et 1982.
On s’installe donc dans la gare, inscrite aux Monuments historiques en 1984. Ici, c’est l’ensemble du bâtiment principal et de la halle métallique qui sont protégés. La verrière, elle, n’est inaugurée qu’en 2007. Elle est suivie par le Palais universitaire, inscrit et classé aux MH en 1990. Pour une visite guidée, c’est juste en-dessous !
Dans les couloirs du Palais U, témoin de 140 ans d’histoire strasbourgeoise
« Mais elle est où la nature là-dedans ? » Doucement, ça arrive. Après un nouveau saut dans le temps, on prend le risque (à nouveau) de se poser un peu n’importe où. On ouvre notre porte. Face à nous, des arbres, des fleurs, on entend des rires et le chant des oiseaux – mais pas de corbeaux à l’horizon, OUF…
Mais bien sûr, c’est le parc de l’Orangerie ! Après avoir été inscrit en 1929, il est classé en 1993 au titre des Monuments historiques. Il connait plusieurs réaménagements, et le pavillon Joséphine, détruit par un incendie en 1968, a été reconstruit à l’identique par la suite. Et à la question, y-a-t-il vraiment des orangers à l’Orangerie ? Oui, il en reste, notamment dans les serres du parc.
La terre c’est bien, mais avec les beaux jours qui arrivent, l’eau c’est mieux (même si une baignade dans ce qui va suivre est très déconseillée). En 1995, c’est au tour du barrage Vauban d’être inscrit aux MH. Il porte le nom de son ingénieur, Sébastien Le Prestre de Vauban, qui a confié ses plans et donc la construction à l’un de ses collègues, Jacques Tarade, au XVIIe siècle.
De 2002 à 2016, retours sur les bancs de l'école
Les 12 coups de minuit ont retenti, la planète a bel et bien célébré l’an 2000. Un nouveau siècle, de nouveaux défis… En 2002, alors que l’euro devient la monnaie officielle en France, l’extrême droite est à deux doigts de déménager à l’Élysée. Contre le parti de Jean-Marie Le Pen, les Français(es) sont mobilisé(e)s comme jamais. Avec 1,3 million de personnes dans les rues, elle transforme la fête du Travail du 1er mai en manifestation géante.
À Paris, à Marseille, mais aussi à Strasbourg, la jeunesse joue son rôle dans les cortèges. Une fois l’élection passée, retour sur les bancs de l’école, et pour nous aussi ! D’abord, au lycée international des Pontonniers, notre Poudlard à nous, inscrit aux Monuments historiques en 2002. Puis, à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNU), qui trône place de la République, inscrite et classée en 2004. Lieu aux mille savoirs et aux mille prises de tête quand il s’agit de relire ses cours… Avant de passer ses partiels à la faculté de droit, inscrite en 2005 [oui ce n’est pas le bâtiment le plus joli, ndlr].
Interview monumentale : au cœur de la magie des Pontonniers
Après un dernier saut dans le temps, nous voici en 2014. Si le président de la République livre des croissants en scooter, à Strasbourg, on préfère les déguster à une table du Café Brant, inscrit aux MH depuis cette même année. Successivement, le bâtiment qui abrite cette adresse bien connue, a accueilli dès 1898 un restaurant, un garage automobile, un salon de thé, un débit de boisson et même un pub anglais. Preuve qu’à Strasbourg, ça bouge depuis toujours.
Deux ans plus tard, c’est au tour de la Manufacture des tabacs d’être inscrite. Un bâtiment érigé à partir de 1849 dans le quartier de la Krutenau. En 2016, ses travaux de rénovation n’ont même pas commencé, mais déjà le souhait de le protéger est présent. Près de 8 ans plus tard, de retour de notre voyage sportif mais aux nombreuses découvertes, il est possible de voir que l’édifice et ses abords ont bien changé. Sur d’anciens tas de pierre, hostel, bars, restaurants et épicerie ont vu le jour…
Au final, ne serait-ce pas là tout l’objectif des Monuments historiques ? Protéger le patrimoine architectural de notre passé, pour en profiter aujourd’hui et le voir grandir dans le futur ? En tout cas, après 154 années, le voyage avec notre machine à voyager dans le temps s’arrête ici, avant, peut-être, un nouveau périple !
Pour poursuivre le voyage et découvrir les 231 monuments historiques strasbourgeois, c’est ici !
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