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Créer du désir olfactif : on a rencontré les nez des Parfums Serena Galini à la Krutenau

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Il y a de ces métiers qui intriguent : croquemort, modèle nu, nettoyeur de scènes de crimes… ou encore, celui de nez. À quoi ressemble le quotidien des créateurs et créatrices de fragrances ? Naît-on nez, ou le devient-on ? Ont-ils un rapport plus précis aux souvenirs ? Nina et David Weiss, tous deux initiés au métier par leur mère, Isabelle Prin Du Lys, nous ont accueillis dans leur maison de Parfums Serena Galini à Strasbourg, afin de nous éclairer.

Un « nez  » est une personne qui élabore des parfums, crée du désir olfactif, le tout en s’assurant que les règles répondent à celles établies par l’IFRA (International Fragrance Association). S’il existe des écoles, des licences professionnelles ou encore des BTS pour accéder au métier, avoir un don olfactif est essentiel.

Car ce métier peut aussi s’apprendre de manière autodidacte : c’est le cas d’Isabelle Prin du Lys, fondatrice de la boutique strasbourgeoise Serena Galini, dont les deux enfants, Nina et David, ont récemment repris les rennes

Leur maison de parfums, située à la Krutenau, est familiale. Très classe, elle est éclairée par des lumières tamisées, regorge de flacons noirs et dorés, de tableaux et de fer forgé. Au fond à droite, un atelier, des bacs, une multitude de flacons qu’on devine vides. Plongée dans un univers intriguant.

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Une affaire de famille

Le don d’Isabelle, celui de sentir, remonte aux souvenirs du jardin de son enfance : sa mère et sa grand-mère l’ont initiée aux plantes très tôt. Elle a commencé par créer du parfum pour ses proches, sa mère, ses enfants. Toujours à visée prophylactique, c’est-à-dire qui prévient la maladie. 

Avant d’être parfumeuse, elle a suivi des études en psychologie, et de dyslexie. Quelques années plus tard, elle reprend des formations d’aromathérapie (le rôle et les vertus des plantes) et d’olfactothérapie (le pouvoir des odeurs sur notre inconscient). Un jour de 2017, elle est sollicitée par la première adjointe au maire de Strasbourg pour composer une fragrance emblématique de l’Europe.

Avec l’aide de Thierry Bernard, maître parfumeur, elle parvient à créer le parfum « Auditorium », la première fragrance de la lignée « The spirit of Europe », composé de 456 notes exactement. Après cette aventure, Isabelle s’est sentie légitime à en démarrer une nouvelle, et ouvre sa boutique en 2018.

Avant de reprendre le flambeau de l’entreprise familiale, David a fait une prépa ECE, puis un master aux Arts et Métiers. Nina, elle, a fait une école de mode à Paris. Véritables électrons libres et ayant eux aussi été piqués très jeunes par la passion de leur mère, la vie les a vite redirigés.

« On était un peu des satellites autour de notre mère. Finalement, on s’est regroupés pour faire la station de mire ». Aujourd’hui, c’est David, que sa sœur décrit comme un Baudelaire réincarné, qui crée les parfums et leurs appellations. Nina, plus cartésienne, s’occupe davantage de l’aspect communication visuelle et administration.

Dès leur plus tendre enfance, le frère et la sœur affûtent leur odorat inconsciemment en reniflant tout, tout le temps. Ils se sont parfumés dès l’âge de quatre ans, et appelaient l’eau de Cologne leur « sent bon ».

Créer leur propre parfum devient vite une de leur activité favorite : ils passent des heures dans le jardin à ramasser tout ce qu’ils trouvent. « Concrètement, le premier parfum fut un échec total. On avait mélangé dans un flacon des pétales de rose, du thym, de la lavande avec de l’alcool et de l’eau… L’enfer, le truc. » 

Le ressenti avant tout

« Quand tu nais aveugle, tu retrouves ta maman avec ton nez. C’est quelque chose qu’on a gardé sans s’en rendre compte », nous explique David. Il nous rappelle que la mémoire olfactive reste la plus puissante et la première qu’on développe. Même cinquante ans après, on peut reconnaître l’odeur d’un lieu dans lequel on est entrés à l’âge de cinq ans. 

Lors des ateliers de parfum sur mesure qu’il propose en boutique, David met beaucoup l’accent sur ce ressenti “à l’aveugle”, venant bousculer toute la mentalisation, les aprioris, les croyances des client(e)s. Il pousse les gens à s’écouter vraiment, à sortir des cases dans lesquelles on les a enfermés. Il leur propose des odeurs moins consensuelles, marquant davantage leur mémoire olfactive.

Métier insolite Nez – Serena Galini
© Léa Daucourt / Pokaa

Quand on leur demande si leur rapport aux odeurs impacte leur quotidien, le frère et la soeur expliquent qu’avoir l’odorat si aiguisé peut être autant un cadeau qu’un fardeau. Par exemple, lorsqu’il est parti dans le Sud de l’Italie, David a eu de très mauvaises surprises avec les odeurs d’ordures accentuées par la chaleur écrasante. Il a d’ailleurs dû partir de Palerme au bout d’un jour, tant ça lui était insupportable.

« Ce n’est pas anodin lorsqu’on dit « je ne peux pas la/le sentir ». Les gens ne se rendent pas forcément compte de leur odeur, de celle de la ville, de nos appartements… C’est un peu de la déformation professionnelle, malgré nous, je suppose ».

Par ailleurs, toutes les odeurs du quotidien sont une source inépuisable d’inspiration : « Quand on voit une toile, un poème ou qu’on écoute une chanson, on les compare souvent à une odeur, un parfum ».

Métier insolite Nez – Serena Galini
© Nina Weiss / Doc remis

Et quand on tombe malade en tant que nez… chômage technique ? « Il a effectivement été au rendez-vous lorsque mon frère a perdu l’odorat au début du COVID, puis à mon tour en décembre 2020, une semaine seulement, heureusement ».

À l’époque, David et Nina ont dû se rééduquer en sentant des huiles essentielles et tout intellectualiser, afin de renvoyer des signaux à leurs cerveaux et refaire le chemin. « De manière générale, on connaît tellement bien nos accords que c’est comme du par cœur, mais c’est clairement handicapant ».

Poser des mots sur des senteurs

Lorsque les portes de la boutique ouvrent en 2018, Nina et David sont encore loin d’imaginer que le Covid leur pend au nez. Quelques mois plus tard, grosse claque. « Surtout dans notre milieu où les gens doivent sentir ». Entre hypocondrie et masques, le parfum était tout sauf une priorité.

Nina et David ont mis à profit cette période pour faire de la création, des images et des mots. En donnant notamment des noms à leurs fragrances : Les larmes du tigre, Maudit Dandy, Peau à peau« Où naissent les fées, c’est quand-même plus sexy que Les hespérides, non ? ». David écrit un petit poème par odeur.

Avant d’entamer la discussion, on ne savait pas encore que la parfumerie regorgeait d’autant de vocabulaire. À commencer par les notes de tête, de cœur, et de fond, dont l’apparition, la durée et l’intensité diffèrent. Les « touches », ou « mouillettes », sont les noms des languettes de papiers qui permettent de sentir.

David nous explique que les notes d’agrumes ou d’hespéridées sont des odeurs dites « crissantes ». Pour le commun des mortels, ça ne veut rien dire. Pour nous, ça signifie aiguë, piquante ». Dans le parfum, quand on parle de « rondeur », c’est qu’il y a un côté doux et enrobant.

« L’odeur noire », c’est quand il n’y a pas de lumière dans le parfum, mais de la profondeur. Des fois on me dit « Ça, c’est frais. En réalité c’est une odeur très chaude ». À l’instar de l’œnologie, un véritable apprentissage est nécessaire.

Ils ont déjà créé un parcours olfactif pour un crémant Millésimé, de la terre au bouchon. Après avoir senti tour à tour la terre, les feuilles, la vigne, les bouchons, les caves, ils ont recréé chaque senteur. Puis, à partir de ces sept odeurs, ont dû en créer une seule, devenue leur odeur signature.

David rêve justement d’apprendre le jargon afin de pouvoir, dans un futur proche, mêler dégustations de vins et odeurs parfumées… 

Autant de valeurs que d’odeurs

La famille toute entière ayant un grand respect de la nature, il était hors de question de travailler dans le synthétique. « On ne crache pas sur la synthèse non plus, il en existe de très belles », mais leur parti pris est de travailler sur des matières comme au XIXème, uniquement naturelles. Nina et David souhaitent revenir à des choses essentielles, se considèrent comme de vrais artisans.

La tâche peut s’avérer complexe dans le cas de fleurs dites « muettes », dont on ne peut extraire l’odeur. À l’instar du fruité. À part les essences d’agrumes, tout ce qui est fruits rouges, pomme, poire, pêche, cerise, « c’est bien pour faire de la gnole ou de l’alcool de vigne, mais pour du parfum, ça tient pas ».

Un autre de leur pari est celui d’être élitiste dans le choix de leurs odeurs et de leurs matières, mais pas dans leurs tarifs. En entrant, les client(es) appréhendent souvent, et sont agréablement surpris à l’annonce des tarots.

Le but ? Faire découvrir la belle parfumerie au plus grand nombre, en incluant toutes les catégories socio-professionnelles : autant des gens ultra blindés que des étudiants. Grâce à la formule du prix au millilitre, certaines personnes viennent avec leur propre flacon, comme à l’époque.

Récemment, une dame les a contactés pour vendre leurs parfums dans un de ses magasins en Chine. Une loi stipule que toute matière cosmétique, une fois rentrée dans le pays, est testée sur les animaux. Refus catégorique. Le frère et la soeur tentent de rester au plus proche de leur éthique familiale. En privilégiant également la proximité des pays européens, en travaillant avec du coton bio recyclé, en poussant les clients à ramener les flacons, par exemple.

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