Chaque semaine, un(e) DJ strasbourgeois(e) nous présente 5 disques de son choix. Coups de cœur, thématiques précises, zoom sur un genre ou une époque… Ils vous feront découvrir leurs univers à travers leur musique. Fermez les yeux, tendez l’oreille.
Pour cette 5ème sélection, j’ai rencontré Monsieur Fred 6-nal. Du haut de ses 50 ans, Fred a plus de culture musicale que tous mes potes réunis. Dj, animateur radio, journaliste mais aussi éducateur spécialisé, il a vécu pendant 16 ans à Berlin. Il est l’auteur de l’excellent ouvrage Berlin avant la techno, du post punk à la chute du mur, paru en 2015. Il a choisi de me présenter 5 disques qu’il affectionne, dans des styles radicalement différents.
KOKOKO! – Liboso – 2018
« Alors, KOKOKO ! ça vient de Kinshasa, en République Démocratique du Congo. Je les ai vu en concert à l’Espace Django en 2017. C’est un concert qui m’a vraiment marqué, pour la bonne et simple raison que ces gens n’utilisent pas d’instruments comme nous les connaissons, qui sont conventionnels. Ce sont des gens qui vivent dans des quartiers où il n’y a pas de poubelles, pas d’éboueurs, et en fin de compte, tous leurs instruments, c’est du do it yourself, que de la récup’, et ils ont un son exceptionnel. C’est pour moi une sorte d’électro urbaine africaine. C’est vraiment l’un des meilleurs concerts que j’ai vu depuis des années. C’est une musique très propre, très fougueuse, et ça sent la testostérone à fond » !
Leonard Bernstein – West side story – 1961
« Alors ça c’est la bande originale du film, une comédie musicale avec une musique de Leonard Bernstein. Ce qui est intéressant avec cette B.O, c’est que c’est un compositeur de grande musique, presque de musique classique, qui rencontre l’image, et qui en même temps donne à sa musique un côté fréquentable avec la jeunesse. C’est extrêmement bien filmé, les compositions sont extraordinaires. Il n’y a pas que la musique, il faut aussi revoir le film, et se rendre compte à quel point les chorégraphies sont majestueuses, c’est un film qui n’a pas pris une ride ».
Rythm et sound – The artists – 2003
« La musique générique de la réunification de Berlin, c’est la techno. A l’origine, la techno vient de Détroit. Sauf que Berlin à cette époque n’avait ni magasins, ni labels, les choses sont arrivées au fur et à mesure. Il y a eu un premier magasin qui s’appelait le Hard Wax, c’est un excellent disquaire qui existe encore aujourd’hui et qui a été fondé par Mark Ernestus. Parmi les artistes qui ont sévit dans les années 80, il y avait aussi un mec qui s’appelait Moritz von Oswald. A deux, ils vont monter une sorte de concept extraordinaire. Progressivement, ils vont éditer des maxis qui mélangent une techno avec du dub… Non pas du reggae, du dub ! Et ils vont éditer pendant une bonne période, un maxi tous les mois. Depuis, tous ces disques sont devenus des collectors. Malheureusement, je les ai pas tous, mais celui là c’est un disque que j’adore jouer en début de set, et qui pour moi reste un chef d’oeuvre ».
Stacey Pullen – Detroit Love – 2018
« Ça, c’est une compilation, celle qui m’a marquée depuis un bon moment. Spacey Pullen, ça reste aussi un des héros de Detroit, même s’il ne fait pas partie du trio de tête. Il est arrivé un peu après, c’est un excellent Dj et il délivre d’un coup une compilation avec 8 titres dedans, 8 bombes. Ce qui m’a intéressé, c’est que quand on parle de Detroit de nos jours, on parle toujours de la techno, mais sur cette compilation, ça me permet d’avoir une envergure beaucoup plus large, beaucoup plus intelligente de cette musique là. Il y a aussi de la house, des choses plus subtiles ».
Pierre Jodowski w/ les percussions de Strasbourg – Ghostland – 2018
« Sur ce genre de chronique, j’aurai trouvé dommage de ne pas parler de la ville dans laquelle on vit, à savoir Strasbourg, parce qu’il s’y passe plein de choses. Ça fait largement plus de 50 ans que ce groupement d’artistes existe. Les Percussions de Strasbourg, c’est avant tout une musique avant-gardiste, une musique savante, qu’on peut qualifier tout de même de contemporaine, dans leurs façons de faire dialoguer les percussions. Au début du 20ème siècle, la batterie n’était pas autant formaté que ça, il y avait plein d’autres choses. Il pouvait y avoir des claps, des castagnettes, des cymbales qui n’avaient pas du tout les mêmes sons ou même des gongs. Et il y avait aussi quelque chose qu’on oublie souvent de nos jours, c’est le silence. Il existe beaucoup d’albums des Percussions de Strasbourg, et il y en a certains qui sont très affirmés non seulement par leur musique, mais aussi par le silence. J’ai voulu retenir cet album là par ce qu’il n’y a que trois titres, et aucun des trois n’est au format radiophonique actuel. Quand on parle de radio de nos jours, il faut que tu tiennes en 3 min 30, que tu aies tout dis, et je trouve que c’est une erreur magistrale. Je trouve qu’il est très difficile pour des artistes de s’exprimer en un temps si limité. Il y a de la musique qui a besoin d’espace et de temps pour se développer, et c’est le cas des morceaux de cet album. «